Chronologie législative 2010-20 : les bases administratives et institutionnelles d’une nouvelle cartographie territoriale (2)

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Notions clés

Volet 1 : Les points clés de l’Acte III de la décentralisation

Volet 2 : L’Acte III de la décentralisation à l’origine d’un nouvel environnement institutionnel territorial

Volet 3 : Chronologie législative 2010-20 : les bases financières et fiscales de nouvelles relations entre l’Etat, les collectivités locales et les contribuables (3)

L’Acte I de la décentralisation (1982-2001) a permis une première vague de responsabilisation des collectivités et de nouvelles marges de manœuvres sous contrôle étroit de l’Etat. Il est à l’origine de trois notions clés du droit des collectivités locales :

  • le contrôle de l’égalité a posteriori,
  • la clause administrative générale de compétences
  • le bloc de compétences1

L’Acte II de la décentralisation (2003-2009) est à l’origine de nouveaux transferts de compétences au bénéfice de chacune des collectivités mais dans un cadre institutionnel rénové, encourageant de nouvelles transversalités et modes de coopération entre les collectivités. Les actes I et II et les textes qui les fondent sont suffisamment connus dans leurs contenus et leurs objectifs pour qu’ils soient développés ici. 

L’Acte III de la décentralisation  (2010-2019) poursuit en l’accélérant le processus engagé sous l’Acte II en réformant cette fois-ci l’Etat lui-même dans son organisation et dans ses relations avec les collectivités et les administrés eux-mêmes.

En s’appuyant sur les acquis de l’Acte II, l’Etat dans l’Acte III encourage les collectivités à l’innovation par la création d’outils propres aux modalités d’exercices de leurs compétences.

En sensibilisant les élus à l’innovation politique et en suscitant de la part des citoyens une nouvelle confiance envers l’administration, l’Etat encourage le droit à la différenciation en réponse aux besoins spécifiques des administrés.   

L’Acte III de la décentralisation a pour effet d’accélérer le développement de nouvelles transversalités et autres mutualisations entre acteurs, encourageant la territorialisation des politiques publiques et préparant le droit à la différenciation.

Les différents textes de loi qui se sont succédé de 2010 à 2020 peuvent être regroupés en plusieurs catégories selon leurs objectifs.

Le premier texte qui ouvre l’Acte III de la décentralisation vise à réformer en profondeur les rouages organisationnels de l’Etat. Il s’agit de la directive nationale d’orientation 2010-2015 (DNO-2010-2015) (1).

Certaines lois, les plus nombreuses, proposent la mise en place d’une nouvelle cartographie faisant des régions et des EPCI à fiscalité propre les échelons territoriaux de référence (2.).

D’autres textes visent une nouvelle répartition des compétences entre les collectivités selon le principe de la montée en puissance de l’expertise dans des domaines d’activités (3).

D’autres encore visent à conforter certains fondamentaux des collectivités permettant ainsi de renforcer les repères nécessaires aux agents publics et aux citoyens en périodes troublées (4).

D’autres enfin ont pour objectif la diversification des domaines d’interventions des collectivités (environnement, développement durable, économie, urbanisme, …) (5).

Le probable prochain Acte IV de la décentralisation s’appuie aujourd’hui sur deux projets de lois : le projet de loi « décentralisation, déconcentration et différenciation » dit « 3D »et le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement de l'article 72 alinéa 4 de la Constitution. Ces deux textes prévoient un cadre juridique simplifié, source de nouvelles relations entre l’Etat et les collectivités encourageant l’innovation locale, l’expérimentation et la mise en place d’outils locaux d’actions spécifiques.

  1. ^ Les textes fondateurs de l’Acte I de la décentralisation sont : la loi du 10 janvier 1980 relative à la liberté de vote des taux des taxes directes locales, la loi du 2 mars 1982 dite «  Deferre» relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions votée le 28 janvier 1982, et promulguée le 2 mars 1982, la loi du 22 juillet 1982 précisant les nouvelles conditions d'exercice du contrôle administratif sur les actes des autorités communales, départementales et régionales et les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 modifiant la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. Les textes fondateurs de l’Acte II sont : la loi du 28 février 2002 sur la démocratie de proximité, la Révision de la Constitution du 28 mars 2003, la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales. Pour une synthèse des Actes I et II de la décentralisation : voir : De l'"Acte I" de la décentralisation à l'"Acte III" : chronologie d'un environnement territorial administratif et institutionnel en mutation, Patrice RAYMOND, mis à jour en 2015, Wikiterritorial. Voir également : Les grandes étapes de la décentralisation, François DIETSCH, Jean-Marc LEGRAND et François MEYER.

1. La DNO 2010-2015 et la mise en place d’une nouvelle forme juridique d‘Etat

Référence : Directive Nationale d’Orientation 2010-2015

De façon générale c’est la circulaire du Premier Ministre du 13 décembre 2010 prise en application du décret du 16 février 2010 relatif au pouvoir des Préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les départements et les régions qui confère à la Directive Nationale d’Orientation 2010/2015 du Ministère de l’intérieur (DNO 2010/2015) toute sa dynamique. La forme désormais régionale et territoriale de l’Etat permet de répondre à de nouvelles attentes, notamment européennes.

Elle fixe également le cadre d’une nouvelle organisation des services déconcentrés de l’Etat dans les départements et les régions. En s’appuyant sur les acquis de la révision générale des politiques publiques (RGPP), du plan préfecture nouvelle génération (PPNG), mais aussi de la loi organique relative aux finances publiques (LOLF) antérieure, la DNO pose de façon historique et stratégique les conditions de transformation de l’Etat unitaire et souverain en Etat « régional et territorial » tout aussi souverain. Elle donne aux nouveaux services publics régionaux et départementaux d’Etat un cadre territorial d’application inédit.

La notion de décentralisation est d’ordinaire rattachée à l’environnement des collectivités locales. La question ici pourrait être celle de savoir comment comprendre que le troisième volet de l’Acte III de la décentralisation débute par un texte dont l’objectif est de réformer l’Etat et les collectivités locales ?

La place de la DNO dans l’ordonnancement législatif est cohérente pour deux raisons essentielles, d’ordre politique et stratégique d’une part et d’ordre institutionnel et juridique d’autre part.

1ère raison : Une raison politique et stratégique

Comment l’Etat français aurait-il pu imposer une nouvelle forme d’organisation à son territoire et à leurs acteurs si lui-même ne s’adaptait pas au préalable ?

Avant que le législateur ne poursuive la modification en profondeur de la carte territoriale sur la base des acquis des deux précédents actes de décentralisation, il était nécessaire dans un premier temps que l’Etat lui-même s’adapte dans son organisation à la nouvelle forme de gestion régionalisée et territoriale encouragée par l’Europe.

Ainsi, une fois le nouvel Etat régional et territorial mis en place à travers ses propres directions régionales et départementales, une fois le préfet de région établi en tant qu’autorité ayant le droit de substitution et d’évocation sur le préfet de département, il appartenait ensuite au législateur d’engager les réformes favorisant de nouvelles transversalités à l’intérieur de l’Etat régional et territorial.

2ème raison : Une raison d’ordre institutionnel et juridique

Il pourrait également être surprenant que l’Acte III de la décentralisation s’ouvre avec un texte qui à trait à l’Etat et non aux collectivités.

Le libellé même du nouvel article premier de la Constitution de 1958 issu de la révision du 28 mars 2003 nous permet de comprendre qu’il n’y a rien de surprenant à ce que l’Acte III de la décentralisation permette une réforme de l’Etat et de son organisation avant même que la décentralisation ne  réforme les collectivités. 

L’article premier de la Constitution fixe les contours de la souveraineté et de ses objectifs en prévoyant que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Depuis le 28 mars 2003, il est également précisé à la fin de l’article que « Son organisation est décentralisée ». La décentralisation n’a donc jamais eu d’autre objectif que d’organiser la souveraineté de l’Etat et n’a jamais été censée atténuer ou empêcher l’exercice de la souveraineté sur les collectivités.

Les trois actes de décentralisation qui se succèdent depuis 1982 et le prochain Acte IV qui s’ouvrira en 2021 sont chacun des actes différents d’organisation de la souveraineté.

La DNO a fait l’objet d’un article auquel nous renvoyons pour plus de détails sur le contenu et les conséquences de ce texte important1.

2. La mise en place d’une nouvelle cartographie faisant des régions et des EPCI à fiscalité propre les échelons territoriaux de référence

Textes de référence :

  • Loi du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales
  • Loi du 27 janvier 2014 sur la Modernisation de l’Action Publique Territoriale et l’Affirmation des Métropoles (MAPTAM)
  • Loi du 16 janvier 2015 sur la délimitation des régions et la réforme des modes de scrutin
  • Loi du 16 mars 2015 pour des communes nouvelles, plus fortes et vivantes
  • Loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain.

De 2010 à 2019, on assiste à la mise en place d’une nouvelle cartographie nationale qui fait des EPCI à fiscalité propre d’une part et des 13 régions d’autre part les deux échelons territoriaux de base. En préparant la substitution de deux strates territoriales à cinq, cette simplification cartographique est historique. Les réformes engagées en France visant à réduire le nombre de strates territoriales n’est pas unique en Europe. Cet effort de simplification territoriale se retrouve dans tous les Etats membres de l’Union. Comme en France, ces réformes ont pour objectif une adaptation du tissu territorial de chacun des Etats au nouvel environnement régional et fédéral européen dont la mise en place est continue depuis 1957. Selon la nature juridique de l’Etat, le nombre de strates territoriales oscille entre 2 ou 3.

Il est révélateur cependant de constater que, dans les Etats à trois natures juridiques de collectivités, des réformes récentes visent à organiser l’exercice des compétences autour de deux pôles territoriaux principaux : l’un de proximité qui correspond à un regroupement des communes entre elles et l’autre autour de ce que l’on peut appeler les « régions ».

Le nombre des collectivités au sein des Etats n’est pas lié à la nature juridique de l’Etat.  On constate cependant qu’une cartographie à deux échelons territoriaux correspond à l’organisation territoriale la plus répandue.

On distingue ainsi :

  • Les Etats dotés d’un système fédéral dans l’Union européenne dont le nombre de collectivités est fluctuant sur la base de trois échelons (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie),
  • Les Etats unitaires dotés d’un échelon d’administration locale ( Chypre, Estonie, Lituanie, Luxembourg, Portugal, Slovénie),
  • Les Etats unitaires comportant deux niveaux de structures locales ( Bulgarie, Danemark , Finlande, Grèce, Hongrie, Lettonie, Pays-Bas, République Tchèque, Roumanie, Royaume Uni, Suède),
  • Les Etats comportant trois niveaux de structures locales auxquels peuvent se rajouter une nouvelle, issue du regroupement de deux d’entre elles ( France, Irlande, Pologne).   

En faisant des régions et des EPCI des échelons territoriaux de référence, sans pour autant faire disparaitre les communes et les départements dont les missions toujours centrales ont été modifiées, la France se positionne aujourd’hui au rang des Etats dont le nombre de strates territoriales de référence est le moins élevé. 

Si les régions et les EPCI se trouvent ainsi renforcés, la nouvelle logique de répartition des compétences par pôle d’excellence ou de savoir-faire dans le cadre de nouvelles mutualisations et autres partenariats impose à chaque strate territoriale une nouvelle culture d’actions par le biais d’outils qui ne peuvent plus être ceux d’hier.  

Quant à l’échelon « Etat », il se trouve localisé à deux niveaux très stratégiques. Au niveau national d’une part, comme il l’a toujours été, via les pouvoirs exécutifs et législatifs, mais aussi au niveau territorial par le biais des préfets de régions et de départements et sur la base d’une organisation régionale et départementale de ses administrations. 

3. Une nouvelle répartition des compétences par spécialités et domaines d’expertises

Textes de référence2 :

  • Loi du 27 décembre 2014 sur la modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles dite « MAPTAM »
  • Loi du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe)

A l’appui de la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales, la loi dite « MAPTAM » accélère la logique de transferts massifs de compétences selon une logique de spécialité et par domaines de compétences.

Ce texte comporte trois volets :

  • 1er volet : le renforcement de l’intégration intercommunale autour notamment des communautés de communes.

Après un renforcement du nombre de compétences optionnelles des communautés de communes, le législateur met un terme à la dérogation dont cette nature juridique bénéficiait  en matière de définition de l’intérêt communautaire.

Comme pour les Communautés d’agglomération, les Communautés urbaines ou les Métropoles, c’est le conseil communautaire qui définit désormais l’intérêt communautaire. Ce ne sont plus les conseils municipaux des communes membres. 

Il est question également de la création d’un nouvel outil, abandonné par la suite, appelé « coefficient d’intégration des services » visant à récompenser les EPCI qui prendraient à leur compte un nombre grandissant de dépenses de fonctionnement inscrites antérieurement dans les budgets des communes. La loi encourage par ailleurs les mutualisations d’agents entre collectivités et précise les modalités de gestion financière de ces partenariats.

  • 2ème volet : le renforcement de la gouvernance territoriale.

Parmi les principales dispositions qui renforcent cette gouvernance, notons la symbolique restitution de la clause administrative générale de compétences aux régions et aux départements. Cette clause leur avait été retirée dans la loi « RCT » du 16 décembre 2010. Il est également question de la création de la Conférence territoriale de l’action publique (CTAP) et des pôles d’équilibres territoriaux et ruraux (PETR).

Dans chaque région, la conférence territoriale de l'action publique est chargée de favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics. Inscrite dans la constitution de 1958 à l’occasion de la révision de la constitution du 28 mars 2003, la notion de « chef de file » trouve dans la loi MAPTAM un véritable écho. Elles sont également chargées d’élaborer des conventions territoriales d’exercice concerté pour des compétences partagées entre plusieurs niveaux de collectivités.

Quant aux PETR, s’agissant d’un syndicat mixte fermé, uniquement constitué par des communautés, il a notamment pour mission d’élaborer un projet de territoire qui définit les conditions du développement économique, écologique, culturel et social dans le périmètre du pôle. Sur décision du comité syndical du pôle, les conseils généraux et conseils régionaux intéressés peuvent être associés à son élaboration.

Concernant la notion de « chef de file », elle est particulièrement centrale. Le chef de filât pour les régions s’exerce dans le domaine de l’aménagement et le développement durable du territoire, de la protection de la biodiversité, du climat, de la qualité de l’air et d’énergie, du développement économique, du soutien de l’innovation, de l’internationalisation des entreprises, de l’intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transports et enfin dans le domaine du soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Les départements sont « chefs de file » en matière d’action sociale, de développement et de contribution à la résorption de la précarité énergétique ; d’autonomie des personnes et de solidarité des territoires.

Quant aux communes et leurs groupements, ils sont « chefs de file » en matière de mobilité durable ; d’organisation des services publics de proximité ; d’aménagement de l’espace et de développement local.

  • 3ème volet : Le développement des métropoles issus de la loi du 16 décembre 2010. 

Le volet « Métropole » de la loi « MAPTAM » est à l’origine notamment de la création de la Métropole de Lyon à compter de 2015, de celle du Grand Paris et de la Métropole Aix- Marseille-Provence à compter de 2016.

4. Le statut de la fonction publique territoriale et le renforcement de la proximité en tant que repères nécessaires aux agents publics et aux citoyens en périodes troublées

Textes de référence :

  • La loi du 21 avril 2016 sur la déontologie du fonctionnaire
  • La loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) 
  • Loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
  • Loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique 

A l’occasion de la discussion du projet de loi « déontologie » du 21 avril 2016, le gouvernement a rappelé que les droits et obligations des fonctionnaires qui puisent leur source dans le statut général de la fonction publique doit profiter « à la nation et aux usagers, à l’administration et à l’agent ».

Reconnaître les valeurs de la fonction publique, affirmer la déontologie propre aux agents et aux membres des juridictions administrative et financière, tout en modernisant certaines garanties et protections des fonctionnaires, tels ont été les objectifs poursuivis dans le contexte de crise que la France traversait, indispensables pour redonner du sens au service public et confiance aux agents et aux administrés.

Dans un environnement en grande instabilité, l’objectif du gouvernement a été de faire de la fonction publique un outil d’égalité, d’écoute, de service et une source de stabilité garantie pour les citoyens.  

Les composantes de la loi dite « déontologie » touchent ainsi de nombreux aspects de la fonction publique territoriale parmi lesquelles la protection fonctionnelle des fonctionnaires, les conditions de cumul d’activités, les procédures administratives et disciplinaires et la notion de responsabilité pour faute de service notamment. 

L’un des points les plus importants de la loi est la création de la notion de « conflit d’intérêt » et celle de « référent déontologue ». En introduisant cette notion nouvelle dans le statut de la fonction publique, le législateur donne la garantie aux citoyens que le service public sera égal pour tous et que la neutralité dans le service est respectée.

Au sens de la loi, constitue un conflit d'intérêts : toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions.

Elle précise par ailleurs que le cas échéant, si le fonctionnaire estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts, lorsqu'il est placé dans une position hiérarchique, il doit saisir son supérieur hiérarchique qui décide de dessaisir ou non le fonctionnaire du dossier qui lui a été confié.

A la suite de la saisine, ou de sa propre initiative, le supérieur confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l'élaboration de la décision à une autre personne ? Concernant le fonctionnaire, lorsqu'il a reçu une délégation de signature, s'abstient d'en user, s’il appartient à une instance collégiale, il doit s’abstenir d'y siéger ou, le cas échéant, de délibérer. Lorsqu'il exerce des fonctions juridictionnelles, il est suppléé selon les règles propres à sa juridiction. Enfin, lorsqu'il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, il est suppléé par tout délégataire, auquel il s'abstient d'adresser des instructions.

En cas de doute, la loi a mis en place un « référent déontologue ». Cette personne à la compétence pour confirmer ou non l’obligation pour un supérieur hiérarchique de dessaisir le cas échéant son agent. En cas de conflit d’intérêt, 

La loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance dite « ESSOC »  a eu  précisément pour objectif de restaurer la confiance de l’administré envers l’administration sur deux piliers, « faire confiance » et « faire simple ». 

Le premier pilier « faire confiance » vise l’instauration d'un droit à l'erreur pour toute personne physique ou morale par le biais de mesures encourageant la bienveillance de l’administration dans ses relations avec les administrés.

Le second pilier « faire simple » permet la mise en place de dispositions visant à réduire la complexité des parcours administratifs, à alléger le nombre et la nature de normes et enfin à accélérer la dématérialisation des procédures, au bénéfice des usagers comme des agents du service public.

Par cette loi l’objectif plusieurs fois rappelé par le gouvernement est de passer d’une logique de contrôle a priori à une approche basée davantage sur la confiance et la prévention de l’erreur.

La loi sur la transformation de la fonction publique du 6 août 2019 opère une profonde simplification du cadre de gestion des agents publics en mettant en place un nouveau cadre contractuel entre les agents et les employeurs.

La loi apporte aux élus de nouvelles souplesses et donne les outils visant une meilleure qualité et efficacité des services publics au sein des territoires. En améliorant les droits sociaux des agents publics vers plus d’équité entre ceux du secteur public et ceux du secteur privé, en renforçant l’égalité professionnelle « homme/femme », en favorisant l’insertion professionnelle et un meilleur suivi des parcours, la loi sur la transformation de la fonction publique  valorise la fonction d’agent acteur du service public.

Quant à la loi du 27 décembre 2019 sur l’engagement dans la vie locale et la proximité elle en urgence aux nombreuses manifestations des « gilets jaunes » et au besoin de nouvelles proximités exprimée par les élus et les citoyens. 

Au besoin de repères stables s’est également exprimé le besoin d’écoute des administrés et de plus grande proximité entre les décideurs, qu’ils soient nationaux et locaux aves les citoyens.

Afin de renforcer la place de la proximité dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques, il a été décidé :

  • de renforcer la place des maires et de leurs équipes  au sein des intercommunalités par le biais des conférences des maires ou des pactes de « gouvernance » et de compétences ».
  • d’assouplir le fonctionnement des assemblées et simplifier le cadre de gestion des compétences intercommunales. Le législateur a ainsi allégé les compétences obligatoires des communautés de communes et d’agglomération. Il a également supprimé les compétences optionnelles et assoupli les compétences en matière de tourisme notamment.
  • de rendre possible les restitutions de compétences des EPCI vers les communes membres,
  • d’améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux en revalorisant dès mars 2020 les indemnités de fonction des maires et adjoints des communes de moins de 3 500 habitants.

5.Une diversification des domaines d’interventions des collectivités (environnement, développement durable, économie, urbanisme, …)

Textes de référence ;

  • Loi du 24 mars 2014 sur l’Accès au Logement et à l’Urbanisme Rénové (ALUR)
  • Loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique et la croissance verte
  • Loi du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du  Numérique (ELAN)
  • Loi du 22 mai 2019 pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE)
  • Loi du 24 décembre 2019 dite « loi d’orientation des mobilités » (« LOM »)

La loi ALUR ou « loi Duflot II » du 24 mars 2014 poursuit plusieurs objectifs visant à favoriser l’accès au logement, à réglementer les locations, notamment en luttant contre les offres de location de logements inadéquats et insalubres et à promouvoir la construction par une réforme du droit de l’urbanisme et des modalités de partage des compétences entre les communes et les EPCI en matière de règlement d’urbanisme, d’autorisation de travaux ou de permis de construire.

La loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique et la croissance verte vise essentiellement à faire contribuer plus efficacement certaines acteurs privés et publics à la lutte contre le dérèglement climatique tout en permettant de renforcer l’indépendance énergétique de l’Etat français tout en garantissant aux administrés et aux entreprises un accès à l’énergie à des coûts compétitifs.

Parmi les acteurs publics impliqués, les collectivités locales sont en première ligne. Chacun des nombreux rapports publiés à l’occasion de la discussion du projet de loi insiste sur le fait que c’est bien l’implication des collectivités territoriales et des EPCI qui conditionne l’atteinte des multiples objectifs inscrits dans cette loi. Cette implication se fait sur le terrain de la production de l’énergie renouvelable, de la distribution et de la maîtrise de l’énergie. En tant que producteurs d’énergie, de consommateurs mais aussi en leur qualité d’aménageurs et d’autorités incitatrices par le biais de la fiscalité ou du mode de gestion de leur patrimoine, ils peuvent agir sur ces quatre volets, celui de l’offre, de la demande, de la sensibilisation et de la gouvernance.

La loi insiste également sur le besoin de nouvelles stratégies locales en matière de transition énergétique dans le cadre de la définition et de la mise en œuvre de laquelle les EPCI et les régions se voient confier des missions de premier ordre.

La loi du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du  Numérique (ELAN) contient de nombreuses nouvelles dispositions qui impliquent les collectivités dans les contenus des règlements d’urbanisme et dans les nouvelles exigences liées à l’occupation des sols.

A titre d’illustration nous citerons ainsi :

  • Les projets partenariaux d’aménagement (PPA) constitueront un nouvel outil de contractualisation entre les collectivités locales et l’Etat afin de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement comprenant des objectifs de production de logements sur la base notamment des grandes opérations d’urbanisme (GOU), outils opérationnels ayant pour objectif de concentrer au niveau de l’intercommunalité les leviers nécessaires à la réalisation d’une opération d’aménagement d’envergure.
  • L’encouragement de la transformation de bureaux vacants en logements
  • La loi dite « Littoral » de 1986 qui a fait l’objet de certains aménagements afin d’encourager le comblement partiel des « dents creuses », à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement, d’hébergement et d’implantation de services publics.
  • Les avis des Architectes des Bâtiments de France (ABF), assouplis afin de mieux pouvoir lutter contre l’habitat indigne d’une part et contre les zones blanches d’autre part.
  • Dématérialisation de tous les permis de construire d’ici 2022, grâce à la mise en place d’une téléprocédure.
  • Obligation pour les bailleurs, dans les zones tendues, d’instaurer un examen périodique de la situation des locataires tous les 3 ans.
  • Renforcement de la mixité sociale dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville en facilitant l’attribution hors quartiers prioritaires de la ville aux ménages les plus fragiles.
  • Toilettage de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain concernant les quotas de logements sociaux à construire dans les communes.
  • Encadrement des loyers pouvant être expérimenté dans les collectivités volontaires connaissant en forte tension locative.

La loi du 22 mai 2019 pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE) intéresse de multiples acteurs, les bailleurs sociaux, les aménageurs, les promoteurs, les locataires et les propriétaires. Parmi ces acteurs figurent aussi les collectivités. Si elles ne sont pas visées directement par cette loi, diverses mesures les touchent directement ou indirectement. 

A titre d’illustration, la loi simplifie les procédures relatives aux opérations d’aménagement. La loi Pacte met en place un dispositif de projet partenarial d’aménagement (PPA) entre État et collectivités. Se trouve greffé à ce PPA un nouvel outil : la grande opération d’urbanisme. Cet outil introduit plus de souplesse dans la réalisation et la gestion des équipements publics. Le PPA permet ainsi à une commune de confier la réalisation d’équipements publics à l’intercommunalité et d’accélérer la mise en conformité des documents d’urbanisme compatibles avec l’opération envisagée au moyen d’une procédure intégrée. En matière de revitalisation des centres-villes, la loi crée un nouveau contrat intégrateur unique, l’opération de revitalisation de territoire (ORT), lequel favorise entre les communes de l’EPCI de nouvelles concertations et transversalité sur l’habitat, l’urbanisme, le commerce, l’économie, les politiques sociales notamment.

L’ORT prévoit de nouveaux outils à destination de la rénovation de l’habitat ou des modalités d’implantation des grandes surfaces commerciales.

La loi du 24 décembre 2019 dite « loi d’orientation des mobilités » (« LOM ») prévoit la sortie de la dépendance automobile en supprimant notamment les zones appelées « zones blanches de la mobilité » qui sont les territoires non couverts par une autorité organisatrice de la mobilité. En accordant de nouvelles compétences aux collectivités territoriales pour organiser les services tels que l'autopartage, le covoiturage, le transport à la demande et l’aménagement des espaces dédiés, l’objectif est ainsi de permettre l’extension des plans mobilités à l'ensemble des formes de mobilité en remplaçant les actuels plans de déplacement urbain (PDU). Dans ce cadre, les régions bénéficient dans la loi d’un renforcement de leur mission de chef de file en matière de mobilité. Par ailleurs, afin de favoriser la transition écologique, il est prévu que les collectivités volontaires pourront déployer des zones à faible émission de gaz à effet de serre (ZFE). Les collectivités peuvent définir les modalités d'accès à ces zones : périmètre géographique concerné, types de véhicules concernés et ceux donnant lieu à une réglementation plus restrictive, modalités horaires et journalières d’occupation des espaces et des stationnements notamment.

La loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique occupe une place particulière dans l’Acte III de la décentralisation. Les 75  mesures introduites dans ce texte constituent une transition entre ce troisième Acte de décentralisation et le prochain Acte IV qui aura pour premiers piliers la loi « 4D » et la loi organique relative à l’expérimentation et ses assouplissements. Il s’agit du texte le plus emblématique de la nouvelle attitude adoptée en urgence par le gouvernement face aux manifestations des gilets jaunes et aux conclusions du Grand débat. D’une façon générale, les très nombreuses et riches mesures introduites dans cette loi visent particulièrement le bloc communal et surtout les plus petites communes.

Suite aux nombreuses mobilisations des citoyens et à la fronde des élus de la ruralité convaincus d’avoir été oubliés dans chacun des textes qui jalonnent l’Acte III de la décentralisation, le gouvernement entend renforcer les pouvoirs des maires tant en ce qui concerne leurs pouvoirs décentralisés que déconcentrés. La loi leur assure de meilleures indemnités, modifie certaines dispositions de la loi NOTRe et améliore les conditions d'exercice des mandats locaux.

Les deux points phares de la loi résident dans la possible mise en place de deux pactes absolument essentiels : le pacte de « gouvernance » et le pacte de « compétences ».

Ces deux pactes constituent une transition de premier ordre avec l’Acte IV de la décentralisation en ce qu’ils incitent les exécutifs à s’entendre sur la création d’outils spécifiques d’actions et les modalités de mise en place des politiques publiques locales au sein de territoires diversifiés et devant donner lieu à des expérimentations plus nombreuses3.

L’aspect financier et fiscal de ces deux pactes ne doit pas être oublié. Il en constitue même un socle important. 

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La période qui s’étend de 2010 à 2020 fait bien figure d’exception dans la longue histoire des relations administratives et institutionnelles entre l’Etat et les collectivités.

Si le caractère unitaire et souverain de l’Etat de la fin du XVIIIème siècle a imposé une unification rapide et totale du territoire, plus de deux siècles plus tard, cette même diversité territoriale est toujours présente.

Le morcellement et l’émiettement du territoire est toujours une réalité.

De nouveaux enjeux à la fois en interne mis aussi en externe en lien avec l’Europe a fait de ces premières années de l’Acte III de la décentralisation une période clé de transition entre une cartographie restée inchangée pendant plus de deux siècles et demi et les bases d’une seconde cartographie bipartite du territoire national sources de bouleversements historiques. 

Textes :

  • La directive nationale d’Orientation 2010-2015 (DNO 2010-2015)
  • Loi du 16 décembre 2010 sur la réforme des collectivités territoriales
  • Loi du 27 janvier 2014 sur la Modernisation de l’Action Publique Territoriale et l’Affirmation des Métropoles (MAPTAM)
  • Loi du 24 mars 2014 sur l’Accès au Logement et à l’Urbanisme rénové (ALUR)
  • Loi du 16 janvier 2015 sur la délimitation des régions et la réforme des modes de scrutin
  • Loi du 16 mars 2015 pour des communes nouvelles, plus fortes et vivantes
  • Loi du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe)
  • Loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique et la croissance verte
  • Loi du 21 avril 2016 sur la déontologie du fonctionnaire 
  • Loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain
  • Loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique
  • Loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance (ESSOC) 
  • Loi du 23 novembre 2018 portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du  Numérique (ELAN)
  • Loi du 22 mai 2019 pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE)
  • Loi du 24 décembre 2019 dite « loi d’orientation des mobilités » (« LOM »)
  • Loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique 
  1. ^ Patrice RAYMOND, Wikiterritorial, septembre 2018, La mise en place et les conséquences de la régionalisation de l’Etat territorial.
  2. ^ Ces deux textes de lois doivent également être mis en relation avec la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales dont la très grande majorité des articles visent à répartir entre chacune des collectivités des compétences clés telles que les transports, l’économie, les ouvrages, la culture entre autres. Ce texte de loi préfigure le contenu des deux textes de lois mentionnés, « MAPTAM » et « NOTRe ». Pour une synthèse des dispositions de la loi concernant les communes et leurs groupements : https://www.amf.asso.fr/documents-loi-relative-aux-libertes-responsabilites-locales-du-13-aot-2004-dispositions-concernant-les-communes-leurs-groupements/7032.
  3. ^ Un décryptage de cette loi est proposé par le CNFPT à partir du lien suivant :  https://encyclopedie.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/bin/download/fiches/D%C3%A9cryptage%20de%20la%20loi%20%22Engagement%20et%20proximit%C3%A9%22%20du%2028%20d%C3%A9cembre%202019/WebHome/guide_loi_engagement_et_proximite.pdf

Auteur(s) :

RAYMOND Patrice

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