La "programmation" dans les finances publiques et ses impacts sur les finances locales

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Les enjeux auxquels sont confrontées les finances publiques n’ont sans doute jamais été aussi nombreux qu’aujourd’hui ainsi que les différentes composantes de leur environnement.

De la phase d’élaboration des budgets locaux et des lois de finances à la rédaction des comptes administratifs pour les collectivités et à la loi de règlement pour l’Etat, la nature des données à prendre en compte sont de plus techniques et incertaines.

Les conséquences à court, moyen et long terme d’une mauvaise appréhension de ces mêmes données sont à la fois immédiates, incertaines et diffuses dans le temps et l’espace compte tenu de l’interconnexion des acteurs et de l’implication de budgets multiples dans une même action.  Le besoin de réactivité immédiate tend à imposer aux acteurs financiers des délais de plus en plus courts de bonne maîtrise de tous ces éléments.

Quel est cet environnement et quels sont ces enjeux qui rendent l’équation à ce point difficile à  résoudre ? 

Concernant les finances publiques d’Etat, les impératifs économiques financiers et budgétaires issus de l’Europe et plus particulièrement de l’Union économique et monétaire imposent un cadre de parfaite maîtrise de l’évolution de la dette, du déficit et de l’inflation. La mondialisation des échanges et le cadre désormais planétaire de négociations économiques et financières   sont autant de facteurs de multiplication des acteurs, de diversification des intérêts en cause et d’extrême volatilité et relativité des données à un instant « t ».

Par ailleurs et particulièrement pour la France, la nature des relations financières entre l’Etat et les collectivités est telle que le mode d’organisation de son territoire et le mode de financement des collectivités par le biais des dotations ajoutent une complexité supplémentaire, source de risques accrus de dérapages des finances publiques d’Etat.

Concernant les collectivités locales, les finances locales sont touchées de plein fouet par de nouvelles évolutions tant en ce qui concerne leur mode de gestion et les objectifs assignés.  

On note tout d’abord le caractère très évolutif et incertain de leur environnement. A cet égard, notons le mode de compensation encore inconnu de la suppression de la TH, la pratique des inscriptions de dotations dans la famille des variables d’ajustement, le montant définitif de certaines dotations très évolutif jusqu’au vote de la loi de finances compte tenu des politiques de péréquation mises en œuvre par l’exécutif.

Dans le domaine de la gestion prévisionnelle des budgets locaux, on note également que le principe ancien « un budget, un acteur » n’existe plus aujourd’hui. Le développement de la mutualisation et du cofinancement impose des transversalités d’acteurs et de sources de financements qui compliquent les montages financiers.

Par ailleurs, les transferts de compétences des communes aux intercommunalités et des départements aux régions imposent aux exécutifs de trouver de nouvelles marges de manœuvre financières en recettes de fonctionnement dans un contexte de raréfaction des ressources publiques.

Notons également le besoin grandissant d’évaluations systématiques de la qualité des politiques publiques et des coûts ainsi que le besoin de suivi des ratios de performance et de la qualité des résultats à des rythmes différents selon la nature du service public concerné.

Par ailleurs, le développement de la dématérialisation impose un suivi quotidien des informations recueillies auprès des administrés et de celles délivrées aux citoyens. Le besoin de nouvelle démocratie de proximité impose également un suivi tout aussi régulier de l’adaptation des outils de proximité et de démocratie directe permettant l’adaptation du service public aux besoins très évolutifs des administrés.

Le cadre classique de l’annualité budgétaire semble à certains égards inadapté aux nouvelles temporalités qu’impose chacun de ces points. Tout naturellement, la pluriannualité et l’infra annualité apparaissent comme les deux outils permettant les souplesses dont les exécutifs ont besoin aujourd’hui. Toutes deux peuvent être mises en avant à travers cet outil global qu’est la programmation.

Plusieurs problématiques se posent dès lors :

  • La diversité des politiques publiques mises en place aujourd’hui et la diversité des acteurs font-elles de l’annualité budgétaire un principe encore adapté aux nouvelles priorités de gestion et d’action des collectivités ?
  • Le besoin d’évaluation permanente des politiques publiques ne tend-il pas à relativiser l’année civile comme période de référence dans l’exécution des politiques publiques ?
  • Le besoin de réactivité et d’adaptation des exécutif locaux aux nouvelles contraintes et incertitudes qui pèsent sur les finances locales n’impose-t-il pas des périodes de références budgétaires adaptées à chaque politique et acteur ?

La programmation financière semble s’imposer désormais comme le nouvel outil de stratégie, source d’adaptation à ces nouveaux enjeux.

Sur un cadre européen, l’obligation des Etats membres de maintenir un niveau acceptable de dette et de déficit publiques amène les Pays en situation financière délicate, et particulièrement la France, à s’interroger sur la nature des outils de redressement des finances publiques à mettre en place.

Aussi, compte tenu d’une part du montant total de ses transferts financiers aux collectivités qui est de plus de 111 milliards d’euros en 2019, compte tenu d’autre part de sa situation financière au regard des critères de convergence concernant la dette et le déficit prévisionnels en 2019 qui se rapproche des scenarios les plus défavorables, la France doit plus que n’importe quel autre pays de l’Union redresser au plus vite ses finances et trouver les outils d’accompagnement des budgets locaux pour atteindre ses nouveaux objectifs de maîtrise budgétaire.   

Afin de mieux prévoir et de mieux prévenir, il s’agît donc pour l’Etat de mieux programmer. C’est dans ce contexte que la notion de programmation prend tout son sens. 

Les trois formes de programmation dans le domaine des finances publiques sont aujourd’hui un cadre central de gestion stratégique des finances publiques.

1ère forme de programmation : le programme de stabilité ou de convergence » : les outils de programmation en Europe

Le semestre européen a été mis en place en 2010. Ce nouvel instrument de contrôle financier des budgets des Etats membres permet aux pays de l’Union de coordonner leurs politiques économiques et financières tout au long de l’année et de faire face aux enjeux économiques auxquels l’Union est confrontée.

De façon plus précise, le semestre européen permet de garantir au niveau européen des finances publiques nationales saines en accord avec les objectifs de l’Union. Il permet de prévenir tout choc systémique financier en amenant les Etats membres à modifier leur projet de budget  selon les recommandations effectuées par le conseil Ecofin en charge de contrôler la compatibilité des contenus budgétaires nationaux avec ceux de l’Union.  

Selon le calendrier du « semestre européen », les Etats membres de l’Union, qu’ils soient ou non membres de la zone euro, doivent présenter à la Commission leurs « programmes de stabilité » pour les premiers et «  le programme de convergence » pour les seconds au mois d’avril.

Pour être plus précis, ce premier type de programmation vise à présenter en avril « n-1 » la stratégie et la trajectoire à moyen terme des finances publiques du pays par rapport au cadre financier européen et au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques.  

L’examen du programme de stabilité national par l’Europe impose aux Etats membres de transmettre leur budget au mois de juin. Les recommandations contraignantes éventuelles obligent les Etats à modifier leur projet de loi de finances pour l’année suivante.

L’examen des programmes de stabilité par le Parlement a pour cadre l'article 14 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, qui dispose qu’« à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».

L’actuel programme de stabilité s’étend de 2019 à 2022.

2ème type de programmation : La programmation pluriannuelle annexée aux projets de loi de finances

L'article 50 de la célèbre loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances publiques dite « LOLF » prévoit la remise au parlement par le gouvernement d’un rapport présentant et explicitant « les perspectives d'évolution, pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances, des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des administrations publiques détaillées par sous-secteurs et exprimées selon les conventions de la comptabilité nationale ».

Ce rapport économique social et financier porte au moins sur les 4 années suivantes.

Chaque année lors de la préparation du budget de l’État et du suivi de son exécution, les services de la direction générale du Trésor précisent les grands axes d’évolution prévisible des principales données macro-économiques et de finances publiques.

Ces différentes prévisions sont publiées dans le Rapport économique social et financier dans un fascicule en deux tomes. Le 1er Tome décrit les perspectives économiques et l’évolution des finances publiques de l’année à venir, ainsi que la trajectoire prévue pour les quatre années à venir. Le second Tome présente des tableaux de données statistiques sur les années passées.

L’annexe statistique n'est plus publiée depuis 2016. Seules des données statistiques concernant les finances publiques sur le passé sont insérées à la fin du fascicule « Perspectives économiques et des finances publiques »

3ème type de programmation : la programmation issue de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008

Cette programmation a été inscrite dans la Constitution du 4 octobre 1958 : « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

La première loi de programmation du 9 février 2009 a porté sur les années 2009-2012. La dernière est celle du 22 janvier 2018 et porte sur les années 2018 à 2022.

1ère loi de programmation : la loi du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 .

Elle prévoit la poursuite de la participation des collectivités au redressement des finances publiques par une évolution des concours de l’Etat aux collectivités locales au même rythme que l'ensemble des dépenses de l'Etat.

Pour mieux comprendre cette précision il convient de s’interroger sur la façon avec laquelle les dotations ont évolué au cours des années précédentes.

De 1996 à 2008, différents pactes de solidarité financière ont placé les budgets locaux dans un cadre très strict de maîtrise de l’évolution des dotations de l’Etat aux collectivités.

De 1996 à 1998, une première nature juridique de pacte appelé « pacte de solidarité et de stabilité » a amené l’Etat à faire évoluer le montant des dotations selon l’inflation hors tabac.

De 1999 à 2001 c’est le « pacte de solidarité et de croissance » qui a succédé au pacte de stabilité. De façon très avantageuse pour les collectivités, les dotations ont évolué selon l’inflation hors tabac et une fraction du taux d’évolution du PIB. Il en a été ainsi jusqu’en 2007. Cette prise en compte a été cependant progressive, puisque le taux de croissance du PIB a été intégré pour le calcul de l'indice de progression du contrat de croissance et de solidarité à hauteur de 20 % en 1999, 25 % en 2000 et 33 % à compter de 2001.

L’évolution préoccupante de la dette et du déficit de l’Etat amèneront rapidement ce dernier dans la loi de finances pour 2008, à revoir le contenu de la programmation précédente.

En 2008, l’Etat est revenu à un mode de progression des dotations moins avantageux pour les collectivités. L'enveloppe normée a augmenté, en vertu de la loi de finances pour 2008, « par application d'un taux égal au taux prévisionnel d'évolution des prix à la consommation des ménages », c'est-à-dire au même rythme que l'inflation prévisionnelle hors tabac de l'année à venir.

Quant à la loi de finances pour 2009, elle s’est inscrite d’emblée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2009-2012. Ce texte prévoit que l’ensemble des concours financiers de l’Etat ne pourra évoluer plus rapidement que l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation, qui constitue la norme fixée pour l'évolution des dépenses de l'Etat. L'objectif recherché est que l'augmentation des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales n'augmente pas plus rapidement que la norme globale d'évolution des dépenses de l'Etat.

2ème loi de programmation : la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 

Cette seconde loi de programmation avait prévu de remplacer la norme d'évolution « zéro volume » par une norme « zéro valeur »,.

En d’autres termes, le gouvernement avait souhaité que l’enveloppe financière réservée au financement de la grande majorité des dotations de l’Etat qui n’évoluait que selon l’inflation sans ajout de crédits supplémentaires extérieurs n’évolue plus du tout.

L’objectif était d’inscrire en loi de finances un montant identique de crédits de 2011 à 2013.

On a alors parlé de « gel des dotations de l’Etat » aux collectivités.

Cette stabilisation en euros courants des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales a amené la doctrine à bien distinguer les montants des dotations de l’Etat en « euros constants », identiques d’une année sur l’autre, et en « euros courants », en diminution.

Cette norme s’appliquait de la même façon aux dépenses de l'Etat. La loi de programmation prévoyait en effet une stabilisation en valeur de ses dépenses, hors charge de la dette et contributions aux pensions des fonctionnaires, pour la période 2011 à 2014.

Deux autres objectifs ont été introduits dans cette seconde loi de programmation :

  • Le renforcement de la péréquation
  • Un encadrement plus strict des normes à destination des collectivités.

Les résultats de cette seconde loi de programmation ont été mitigés. Sur les dix articles dont la mise en œuvre devait être indiquée dans le rapport du Gouvernement, seuls quatre avaient été totalement respectés, deux ne l'avaient été que très partiellement, trois ne l'avaient pas été. Quant au dernier article, la Commission des finances du Sénat  n’a pas pu évaluer son application faute d'informations disponibles à l’époque.

Une nouvelle loi de programmation est venue rapidement corriger la trajectoire plus tôt que prévu.

3ème loi de programmation : la loi du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 

Cette nouvelle loi de programmation s’inscrit dans un cadre de maîtrise de l’évolution des finances publiques résolument européen. Bénéficiant désormais de nouvelles souplesses en matière de dépenses conjoncturelles, l’Etat a souhaité renforcer sa politique de rigueur en matière de dépenses structurelles en associant encore davantage les collectivités à l’effort de redressement des finances publiques.

L'article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) de mars 2012 a instauré en effet une nouvelle règle de solde structurel à différencier de la notion de solde conjoncturel. 

Cette nouvelle norme qui donnera naissance à la notion de règle d’or des finances publiques d’Etat impose aux Etats membres de la zone euro de s'engager à respecter une trajectoire de solde structurel, c'est-à-dire corrigé des effets de la conjoncture, lui permettant d'atteindre en fin de période ce que le traité a appelé l’obligation d’équilibre moyen terme (OMT). 

Ce nouveau cadre de maîtrise de l’évolution du déficit est plus souple et tient mieux compte des impératifs de la politique économique que le volet « correctif » du pacte de stabilité initial.

Désormais, les dépenses des Etats imposées par un besoin urgent et ponctuel d’intervention financière dans un secteur de l’économie ne seront plus comptabilisées dans les dépenses globales des Etats prises en compte dans le cadre de l’évaluation du déficit. Il s’agit là en effet de dépenses dites conjoncturelles c’est-à-dire exceptionnelles, contrairement aux autres dépenses dites « structurelles », c’est-à-dire permanentes.

Ces nouvelles souplesses financières ont d’u autre côté encouragé l’Etat à se concentrer sur le volume des dépenses structurelles parmi lesquelles figurent les dotations aux collectivités.

Bien que la nouvelle loi de programmation prévoyait une diminution de l'enveloppe normée de 750 millions d'euros en 2014 puis du même montant en 2015, le Gouvernement avait annoncé en février 2013 une baisse des dotations de 1,5 milliard d'euros en 2014 et en 2015, soit le double de ce qui avait été annoncé initialement.   

Parallèlement, l’Etat s’engage à cette époque dans une politique de renforcement de la péréquation verticale et horizontale et procède à quelques ajustements au titre du FPIC et au titre du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France pour assurer une meilleure répartition et un meilleur fonctionnement de ces fonds.

L’Etat prévoit par ailleurs le développement d’un pacte de confiance et de solidarité qui sera négocié avec les collectivités territoriales afin de déterminer, à partir de 2014, les modalités de leur participation au redressement des finances publiques.

4ème loi de programmation : la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 

Les difficultés rencontrées par l’Etat à réduire le volume des dépenses publiques imposent à l’exécutif de mettre en œuvre de nouvelles règles de gouvernance à travers la loi de programmation . Elles visent notamment l’introduction d'un objectif de meilleure maîtrise de la dépense publique.

Pour la période 2014-2017, il est ainsi prévu une accélération de la baisse des concours financiers de l’Etat aux collectivités. La loi de programmation prévoyait en effet une diminution des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales de 11 milliards d'euros entre 2014 et 2017. Les concours devaient diminuer chaque année de 3,67 milliards d'euros par rapport à l'année précédente.

Cette diminution s’établissait dans la loi de programmation comme suit :

(en milliards d'euros)

2014201520162017
56,8653,249,5345,86

Source : PLPFP 2015-2019

5ème loi de programmation : La loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

Jusqu’à la 4ème loi de programmation des finances publiques, la participation des collectivités au redressement des finances publiques s’est essentiellement concentrée sur la maîtrise de l’évolution du montant des dotations aux collectivités et donc sur les recettes des collectivités.

La période qui s’ouvre avec la 5ème loi de programmation fait entrer les collectivités dans une nouvelle dynamique de participation au redressement des finances publiques nationales mais assise cette fois-ci sur les dépenses.

Il s’agit là de l’élément phare de l’actuelle loi de programmation dans les dispositions qui concernent les collectivités.

Il est prévu en effet que les dépenses publiques locales diminuent d'environ 1 point de PIB sur l'ensemble du quinquennat, passant de 11,2 % en 2017 à 10,1 % en 2022. Il est prévu également que les recettes diminuent dans des proportions moindres (de 11,2 % de PIB en 2017 à 10,8 %).

Auteur(s) :

RAYMOND Patrice

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