[Finances-Expert] Le contrôle des actes budgétaires locaux

Modifié le 05 décembre 2023

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Dernière mise à jour : juillet 2022

Si selon les articles 72 et 72-2 de la constitution du 4 octobre 1958, les collectivités locales s’administrent librement « par des conseils élus bénéficiant de ressources dont ils peuvent disposer librement », le pouvoir constituant de la 5ème République a également pris le soin de rappeler que cette liberté s’exerçait « dans les conditions fixées par la loi ».

A cet effet, le dernier alinéa de l’article 72 précise ainsi que « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’Etat (le Préfet), représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge (…) du contrôle administratif et du respect des lois. »

            L’architecture décentralisée de l’Etat français s’organise donc autour de collectivités locales disposant d’une grande autonomie budgétaire et financière, encadrée toutefois par le contrôle exercé par le Préfet. C’est ici à une double surveillance à laquelle les ordonnateurs et leur assemblée délibérante devront se soumettre au travers du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, lesquels pourront, autant que de besoin, nécessiter l’intervention du juge administratif (contrôle de légalité) ou du juge financier (contrôle budgétaire).

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1. Le contrôle préfectoral du budget

Dans le cadre du contrôle de légalité, les services de la préfecture (ou de la sous-préfecture) vont effectuer deux types de contrôle différents. Il s’agit du contrôle interne qui portera sur la forme des actes budgétaires et financiers qui leur sont transmis et du contrôle externe qui portera, cette fois-ci, non pas sur la forme mais sur le fond de ces mêmes actes.

a - La légalité interne des actes budgétaires

Le contrôle de la légalité interne s’exercera dans les mêmes conditions que les contrôles opérés sur les autres délibérations à caractère non budgétaire de la collectivité. Ainsi, appliqué à des actes à caractère budgétaire et financier, ce contrôle va principalement porter sur quatre points

différents :

le délai de convocation de l’assemblée délibérante en vue notamment d’adopter le budget et les autres actes à caractère financier comme le compte de gestion, le compte administratif ou les décisions budgétaires modificatives. Ce délai de convocation, que doit respecter l’ordonnateur, doit être d’au moins cinq jours francs pour les collectivités de plus de 3 500 habitants et de trois jours francs pour les collectivités de moins de 3 500 habitants ;

le respect du quorum tel que fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT), prévoit pour les communes que le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. La majorité est ainsi atteinte si le nombre de conseillers municipaux en exercice présents à la séance est supérieur à la majorité du nombre des membres de l’assemblée délibérante. Ce nombre doit excéder le nombre des conseillers en exercice divisé par 2, le nombre étant, le cas échéant, arrondi à l’entier supérieur (ainsi, par exemple, si le conseil municipal est constitué de 11 conseillers en exercice, le quorum sera atteint dès que 6 membres auront répondu présents à la convocation du conseil municipal). Toutefois, il est prévu que si après, une première convocation, le conseil municipal ne s’est pas réuni en nombre suffisant, la réunion du conseil municipal après la seconde convocation à trois jours d’intervalle sera valable, et ce, quel que soit le nombre de conseillers municipaux présents. Enfin, on précisera que dans le cas spécifique du vote du compte administratif, l’exécutif local devra se retirer au moment du suffrage, le quorum tenant alors compte de ce retrait obligatoire de l’ordonnateur.

la règle de majorité est également précisée par le CGCT. Ainsi, pour l’ensemble des collectivités, les délibérations comme celles par exemple adoptant le budget primitif ou le budget supplémentaire sont prises à la majorité des suffrages exprimés. La notion de « suffrage exprimé » exclut de comptabiliser les personnes qui se sont abstenues ou qui n'ont pas pris part au vote. Les conseillers qui refusent de prendre une position nette sur un projet de délibération qui leur est soumis par le Maire, quel qu'en soit le motif, peuvent effectivement s'abstenir de voter, mais cette abstention est sans conséquence sur la règle de majorité. En effet, « les abstentions ou refus de vote sont sans conséquence sur l'adoption de la délibération, dès lors que le nombre de votants est suffisant pour que la majorité absolue des suffrages exprimés, soit plus de la moitié, puisse être acquise » précise le juge administratif à travers sa jurisprudence. En conséquence, seuls sont comptabilisés comme étant des suffrages exprimés, les suffrages exprimant une position favorable ou défavorable au projet de délibération, autrement dit ceux indiquant « pour » ou « contre ».

la présentation régulière des actes budgétaires conformément aux maquettes budgétaires imposées la loi et le règlement. Les instructions budgétaires et comptables (comme la M14 ou la M49 par exemple) fixent un mode de présentation normalisé des documents budgétaires qui doit être respecté. De plus, les différentes annexes des budgets et comptes administratifs doivent également être conformes et remplies en totalité. L’absence de ces annexes (dans lesquelles on va, par exemple, trouver l’ensemble des emprunts souscrits par la collectivité ou encore le nombre d’agents salariés par celle-ci) rendra la présentation du budget incomplète et entraînera la censure du juge administratif pour vice de forme (dans la mesure où il y aura eu un défaut d’information de l’assemblée délibérante). Enfin, doit figurer dans chaque document budgétaire, la page des signatures ; laquelle fait état du nombre de membres en exercice, du nombre de présents à la séance, du nombre de votants, du nombre de suffrages exprimés (pour, contre et abstentions), de la date de convocation du conseil et, enfin, de la date de vote.

b- La légalité externe des actes budgétaires

Le contrôle de la légalité externe des actes budgétaires amènera les services de la préfecture à porter une attention particulière sur un aspect prioritaire : l’absence de dépenses interdites.

Les dépenses interdites sont des dépenses que la collectivité n’a pas le droit d’inscrire à son budget. En effet, selon le CGCT, à côté des dépenses obligatoires (comme la paye des agents de la collectivité par exemple) et des dépenses facultatives (indemnité de conseils au comptable public), on trouve également une troisième catégorie de dépenses dites interdites.

Dans ce cadre, les dépenses des collectivités locales doivent, en toutes circonstances, répondre à la satisfaction de l’intérêt public local. A contrario, les dépenses effectuées dans un but purement privé seront donc interdites (comme la prise en charge des dépenses d’une entreprise locale ou d’un particulier dans le cadre d’une opération immobilière). De la même façon, les dépenses d’une collectivité doivent respecter le principe de neutralité de l’action publique. A ce titre, il sera interdit pour une collectivité de verser une subvention à un parti politique ou encore du subventionner des salariés en grève. De même, le principe de laïcité s’opposera à ce qu’une subvention soit versée à un culte. Enfin, seront également considérées comme des dépenses interdites, celles qui consisteraient pour la collectivité à prendre à sa charge des dépenses qui ne relèvent pas de sa compétence mais de celle de l’Etat comme, par exemple, le paiement de dépenses liées à la défense nationale.

image-20231122160147-1.png Qu’il s’agisse d’un contrôle portant sur la légalité interne ou sur la légalité externe des actes budgétaires, l’éventuelle censure de ces actes nécessitera l’intervention du juge administratif. En effet, depuis les lois de décentralisation de 1982, le Préfet ne dispose plus de la possibilité d’annuler de sa propre initiative une délibération qui lui paraitrait illégale.

L’autorité préfectorale ne dispose donc plus que de la possibilité d’introduire, dans les 2 mois suivant la transmission des actes budgétaires à ses services, un déféré préfectoral devant le tribunal administratif au cas où il aurait détecté une illégalité. Mais, in fine, seul le juge administratif pourra se prononcer sur cette éventuelle illégalité et si elle est établie prononcer l’annulation de l’acte budgétaire irrégulier.

2. Le contrôle du budget par la Chambre régionale des comptes

En dehors du contrôle de légalité, les actes budgétaires des collectivités locales peuvent également être soumis au contrôle budgétaire. Ce contrôle, même s’il est de facto exercé par le juge financier, est encore une fois initié par les services de la préfecture qui dans ce cas ne saisiront pas le juge administratif mais la Chambre régionale des comptes (CRC).

Dans le cas du contrôle budgétaire, les juges financiers ne peuvent donc pas s’autosaisir d’éventuels irrégularités financières commises par les collectivités.

Les motifs de saisine de la CRC par le Préfet sont au nombre de cinq. La saisine de la CRC pourra ainsi être justifiée du fait de l’absence de vote du budget, du déséquilibre du budget, de rejet du compte administratif, du déficit excessif de celui-ci ou encore de la non-inscription d’une dépense obligatoire.

a - L’absence de vote du budget 

Si le budget primitif de la collectivité n’est pas voté le 15 avril, le Préfet saisira automatiquement la CRC. On remarquera que l’échéance du 15 avril est reportée au 30 avril, les années de renouvellement des organes délibérants et même au-delà du 30 avril lorsque les données que l’Etat doit transmettre aux collectivités territoriales ne l’ont pas été de manière effective (absence de notification de la DGF par exemple). Cette saisine entraîne dessaisissement de l’assemblée délibérante qui perd ainsi tout pouvoir quant à son budget. La CRC dispose alors d’un mois pour formuler au Préfet des propositions en vue du règlement administratif du budget de la collectivité.

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b - Le déséquilibre du budget

Il peut s’agir en fait de trois situations distinctes. Soit l’une des sections ou les deux sections (fonctionnement et investissement) sont en déséquilibre, c’est-à-dire qu’il y a plus de dépenses inscrites que de recettes. Soit les recettes et les dépenses sont évaluées de façon insincère (omission d’inscrire une dépense obligatoire comme, par exemple, le remboursement de l’emprunt) sachant que l’appréciation de la sincérité des évaluations doit néanmoins tenir compte d’une nécessaire marge d’approximation. Soit enfinl’annuité de la dette en capital est couverte par un autre emprunt, c’est ce que l’on appelle le non-respect du « petit équilibre ».

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Pour apprécier la sincérité du budget, la CRC vérifiera plusieurs éléments et notamment :

  • la cohérence entre les documents disponibles comme le compte administratif et le compte de gestion de la collectivité, le budget primitif et l’état fiscal 1259 … ;
  • les reports effectués, et en particulier les résultats des exercices précédents ;
  • les seuils réglementaires à ne pas dépasser comme pour les dépenses imprévues qui doivent demeurer en section de fonctionnement comme en section d’investissement inférieures à 7,5% des dépenses prévisionnelles réelles de chaque section ;

- l’objectivité des restes-à-réaliser (RAR) surtout en recettes, lesquels devront être matérialisés par des pièces justificatives probantes (comme pour exemple un avis de notification pour une subvention inscrite en recette des RAR au budget primitif de la collectivité).

image-20231122160717-2.png Enfin, l’équilibre doit être constaté budget par budget. La CRC va donc contrôler le budget primitif puis ensuite elle contrôlera tous les budgets annexes de la collectivité. On ne peut donc pas agréger l’ensemble des budgets afin d’obtenir une éventuelle compensation entre déficit et excédent de ceux-ci.

Bien souvent, la CRC proposera une solution de rééquilibrage sur plusieurs exercices (3 à 5 ans), si elle ne parvient pas à rééquilibrer les comptes de la collectivité sur un seul et même exercice. Dans ce cas, le Préfet transmettra l’année suivante le budget, ainsi que le compte administratif à la CRC pour vérification du suivi de l’avis budgétaire. Si le budget supplémentaire de l’année N ou le budget primitif de l’année N+1 n’est pas voté en équilibre alors la CRC pourra reprendre un nouvel avis.

En outre, le vote de l’assemblée délibérante sur le compte administratif devra intervenir avant le vote du budget primitif afférent à l’exercice suivant. Pour ce faire, le délai limite de transmission du compte de gestion du comptable est ramené au 1er mai et l’adoption du budget primitif est repoussée au 1er juin.

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c - Le rejet du compte administratif 

Le CGCT dispose que le vote de l’assemblée délibérante arrêtant le compte administratif (CA) doit intervenir avant le 30 juin de l’année suivant celle du budget primitif ; sa transmission au Préfet devant ensuite intervenir au plus tard 15 jours après la date limite d’adoption (soit le 15 juillet). Si les dates de vote et de transmission du CA ne sont pas respectées ou en cas de rejet du CA, le Préfet saisira la CRC sans délai. Lorsque le CA fait l’objet d’un rejet par l’assemblée délibérante, le projet de CA joint à la délibération de rejet, s’il est conforme au compte de gestion établi par le comptable public, sera repris et imposé par la CRC qui dispose d’un mois pour rendre son avis suite à la saisine du Préfet.

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 d - Le déficit excessif du compte administratif 

Lorsque le CA fait apparaître un déficit égal ou supérieur à 10 % des recettes réelles de la section de fonctionnement pour les collectivités de - de 20.000 hab et de 5 % pour les collectivités de + de 20 000 habitants, le Préfet saisit la CRC. Celle-ci propose, dans un délai d’un mois à la collectivité, les mesures nécessaires à la résorption du déficit qui doit intervenir dans le budget primitif suivant. Le budget primitif de l’exercice suivant est donc obligatoirement transmis (droit de suite) à la CRC. Si le déficit est trop important et qu’il ne peut pas être résorbé en un an, la CRC pourra proposer un plan de redressement pluriannuel.

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Le premier avis rendu donc par la CRC dans les 30 jours vise seulement à dire si oui ou non, le CA est déficitaire. Si l’avis est positif, le Préfet transmettra alors le budget primitif de l’année N+1 à la CRC. Celle-ci devra alors rendre un deuxième avis en confirmant ou infirmant si les mesures de redressement de la collectivité prises dans le cadre de son budget primitif sont suffisantes ou non pour corriger la trajectoire financière. Dans le cas d’une réponse négative, c’est seulement après ce deuxième avis, que la CRC proposera au Préfet de régler d’office le budget primitif de l’année N+1 avec ses recommandations, et ce, dans un délai d’un mois. Le budget est alors réglé d’office et rendu exécutoire par le Préfet (comme pour le défaut de budget).

image-20231122161731-4.png Les déficits des CA s’apprécient au niveau du budget principal et des budgets annexes (même s’il s’agit de SPIC). Ainsi, si le compte administratif d’un SPIC fait apparaître un déficit mais que celui-ci disparaît une fois agrégé au budget principal de la collectivité, alors l’article 1612-14 CGCT ne s’appliquera pas (il ne s’agit pas de compensation comptable mais seulement de consolidation comptable des budgets annexes et du budget principal).

Enfin, quand le déficit est de grande ampleur, la CRC peut être amenée à recommander, de manière tout à fait exceptionnelle, le recours à l’emprunt même si en principe c’est plutôt une hausse des impôts locaux qui sera préconisée.

e - La non-inscription d’une dépense obligatoire 

Sont obligatoires pour les collectivités locales, les dépenses nécessaires à l’acquittement de dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé.

La rédaction de l’article 1612-15 du CGCT fait que le champ des dépenses obligatoires est quasiment illimité en raison, d’une part, de la diversité que peut recouvrir la notion de “dette exigible” et, d’autre part, du fait que les renvois à la loi sont très nombreux.

Les dépenses nécessaires à l’acquittement de dettes exigibles sont ainsi, entre autres exmples, les contrats, les marchés, les DSP etc … La notion de « dépenses obligatoires selon la loi » se retrouvent, au sein du CGCT, dans plus de 32 rubriques différentes auxquelles il faut encore ajouter les nombreuses autres dispositions non listées qui existent dans d’autres codes comme le code de l’urbanisme ou encore le code du commerce.

Dans ce cadre, si le Préfet constate que les crédits nécessaires au paiement d’une dépense obligatoire inscrite au budget sont disponibles, celui-ci peut engager directement la procédure de mandatement d’office. Il constate alors lui-même le caractère obligatoire de la dépense (par arrêté préfectoral), et va mandater d’office la dépense en saisissant directement le comptable assignataire.

Par contre, si les crédits nécessaires ne figurent pas au budget de la collectivité locale concernée, le Préfet va saisir la CRC au titre de la procédure d’inscription d’office des dépenses obligatoires dans un délai de 15 jours à partir de la date où il a connaissance de cette insuffisance de crédits.

Si la CRC reconnaît le caractère obligatoire de la dépense, elle adresse alors à la collectivité une mise en demeure (MED) d’inscrire la dépense à son budget. Si dans le délai d’un mois, la MED n’est pas suivie d’effet, la CRC demande alors au Préfet d’inscrire lui-même cette dépense au budget de la collectivité et propose, si besoin est, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives nécessaires pour couvrir la dépense obligatoire. Le Préfet règle et rend exécutoire le budget rectifié.

 Par contre, si la CRC ne reconnaît pas le caractère obligatoire de la dépense, la procédure s’arrête.

image-20231122161930-5.png Dans le cadre de cette procédure, il n’y a pas de conditions de délai. Donc, rien ne fait obstacle à ce que l’examen de l’inscription d’une dépense obligatoire datant de plus de 3 ans par rapport au fait générateur aboutisse à une saisine (attention, toutefois à la règle de la prescription quadriennale des dettes publiques).

Les auteurs de la saisine peuvent être le Préfet, mais également le comptable public concerné et toutes les personnes (les créanciers) ayant un intérêt à agir. Les particuliers (cas des agents des CL en cas de litige sur les salaires, les frais de missions, les allocations) et les entreprises (les liquidateurs de SEML ou d’organismes divers) peuvent donc saisir directement et sans formalisme, la CRC quand ils sont créanciers d’une collectivité locale ou d’un établissement public local qui refuse d’honorer sa dette.

Cette absence de formalisme, conduit souvent les requérants à saisir les CRC sans passer par les services préfectoraux.

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Tous les ans, les CRC interviennent, dans le cadre du contrôle budgétaire, auprès de 600 à 800 collectivités. La saisine interviendra pour budget non voté dans 22 % des cas, pour déséquilibre du budget dans 18 % des cas, pour compte administratif non adopté dans 11 % des cas, pour déficit excessif du compte administratif dans 19 % des cas et pour non inscription de dépenses obligatoires dans 30 % des cas.

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Auteur(s) :

GOSSIN Antoine

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