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Les concours de la FPT

Par François Dietsch et François Meyer
Mise à jour, par Karim Douedar : janvier 2019

1. La notion générale de service public

Le service public a été la notion centrale et fondatrice du droit administratif, puisque dans son arrêt Blanco (TC 8 février 1873) le tribunal des conflits en faisait le critère de la compétence du juge administratif. Par la suite, il va permettre, avec l’école du service public de Duguit d’expliquer et de justifier l’ensemble du droit administratif. D’autres concepts comme celui de puissance publique prendront le relais. Pourtant, le service public reste une idée importante même si elle a tendance à se brouiller. Cet éclatement de la notion justifiant en partie la diversité de la gestion du service public.

La notion classique de service public peut se définir comme une activité d’intérêt général, assurée par une personne publique au moyen de procédés exorbitants du droit commun. Cette définition renvoie donc à trois éléments. Un élément organique c’est-à-dire un ensemble de moyens qu’une personne publique affecte à une tâche ; un élément matériel : des activités du type prestation qui sont développées dans un but d’intérêt général. Enfin, un troisième élément d’ordre juridique : l’existence d’un régime de droit public. Ces différents critères ont été remis en cause à une époque ancienne par la jurisprudence du Conseil d’État, à une époque plus récente par les développements du droit européen.

1.1. Les remises en cause par le juge administratif

1.1.1. L’introduction du droit privé dans les services publics

En 1921, dans l’affaire dite du Bac d’Eloka, le tribunal des Conflits (TC. 22 janvier 1921 société commerciale de l’Ouest africain) a reconnu l’existence d’une nouvelle catégorie de services publics : les services publics à caractère industriel ou commercial (SPIC). En l’occurrence la colonie de Côte-d’Ivoire exploitait un bac qui coula. Afin de dédommager les victimes, le tribunal des Conflits « estime que la colonie exploite un service de transport dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire ». Dans ces conditions le juge judiciaire est compétent et le droit privé s’applique.

Si la catégorie des SPIC voyait ainsi le jour, il était pour autant difficile de les distinguer clairement des services publics administratifs. Le Conseil d’État va finalement dégager trois critères (CE Ass. 16 novembre 1956 « Union syndicale des industries aéronautiques ») : l’objet du service public, l’origine des ressources, les modalités de fonctionnement.

1.1.2. La gestion des services publics par des personnes privées

Dans un premier temps, le Conseil d’État va admettre que des personnes privées puissent être investies de prérogatives de puissance publique, en l’occurrence le droit d’expropriation (CE 20 décembre 1935 établissements Vézia). Ainsi, le Conseil d’État « amorçait la dissociation entre le service public entendu comme une institution… et le service public entendu comme une mission » (Long, Weil et Braibant). Dans ces conditions il a pu admettre quelques années plus tard qu’une personne privée puisse, en dehors de tout contrat de concession, par la simple soumission partielle à un régime de droit public, gérer un service public (CE 13 mai 1938 Caisse primaire aide et protection). Dans la foulée de cette jurisprudence de nombreuses catégories de personnes privées se verront reconnaître la même possibilité (CE 31 juillet 1942 Montpeurt, CE 2 avril 1943 Bouguen, CE 5 mai 1944 Compagnie maritime de l’Afrique orientale, CE 13 janvier 1961 Magnier, etc.).

1.2. Les remises en cause par le droit européen

Le droit européen ignore la notion de service public, il ne connaît que des « services d’intérêt général », dont le noyau dur est constitué par la notion de service universel.

1.2.1. La notion de service d’intérêt général

Pour la Commission, peuvent être considérés comme tels des « activités de service, marchands ou non, considérées d’intérêt général par les autorités publiques et soumises pour cette raison à des obligations de service public ».

Seuls les services d’intérêt général marchand ou économique sont soumis aux règles de la concurrence sans toutefois qu’elles puissent les empêcher d’accomplir leur mission (CJCE 27 avril 1994 commune d’Almélo).

1.2.2. La notion de service universel

Comprise comme « le noyau dur des exigences d’intérêt général » elle nécessite un service de qualité accessible à tous et par conséquent a pu être comprise comme une espèce de contenu minimum du service ce qui n’est pas le cas. Le service universel inclurait donc un minimum de principes de gestion communs à tous les services d’intérêt général marchand ou non.

2. Principes et notions de base sur les services publics locaux

Les services publics sont soumis à des principes dégagés par la jurisprudence et synthétisés par la doctrine sous le nom de « lois du service public » (ou « lois de Rolland », du nom du professeur Rolland qui les a théorisées). D’autres règles plus récentes viennent les compléter.

Ces services publics peuvent être répartis en deux grandes catégories :

  • les services publics administratifs ;
  • les services publics industriels et commerciaux.

2.1. Les principes régissant les services publics

2.1.1. Le principe de continuité

A valeur constitutionnelle, il trouve sa source dans le caractère d’intérêt général du service public : une telle activité, nécessaire à la population, ne saurait être interrompue. Ce principe fonde de nombreuses règles structurantes du droit public (le privilège du préalable, l’inaliénabilité du domaine public, l’imprévision, etc.). Il justifie que des restrictions soient apportées au droit de grève des agents publics.

2.1.2. Le principe d’égalité

Egalement à valeur constitutionnelle, il est une déclinaison du principe général d’égalité des citoyens devant la loi, contenu dans les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il implique l’obligation de traiter de manière identique des personnes dans la même situation, et de fonder toute différence de traitement sur des critères objectifs, précis et transparents. Il n’impose pas de traiter différemment des personnes placées dans une situation différente. Une différence de traitement, pour un même service rendu, entre différentes catégories d'usagers, implique, à moins qu'elle ne soit la conséquence nécessaire d'une loi, soit qu'il existe entre les usagers des différences de situation appréciables, soit qu'une nécessité d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage commande cette mesure.

Ainsi, un service public peut faire l’objet de tarifs différenciés entre usagers ayant un lien plus ou moins fort avec la collectivité territoriale qui l’organise, ou en fonction des ressources et de la composition de la famille de l’usager (à condition que le tarif le plus élevé demeure inférieur ou égal au coût de la prestation).

De ce principe d’égalité découle celui de neutralité, selon lequel le service public, ses agents et ses locaux doivent être dépourvus de toute mention ou signe relatif à des convictions politiques, philosophiques ou religieuses (principe de laïcité). Les usagers (auxquels ne s’appliquent pas ce principe, sauf le cas particulier des élèves de l’enseignement scolaire) doivent être traités sans différence tenant à leurs convictions personnelles.

2.1.3. Le principe d’adaptation

Il suppose que le service public doit pouvoir s’adapter à l’évolution des besoins des usagers et de l’intérêt général. Il en découle qu’il n’existe aucun droit acquis au maintien d’un service public, ni à la stabilité de ses modalités de fonctionnement ou de financement. Ce principe justifie également le pouvoir de modification unilatérale des contrats publics, ou l’absence de droit au maintien de leurs conditions de travail et de leur statut pour les agents publics.

2.1.4. Les principes complémentaires

Moins fondamentaux, ils sont plus récemment invoqués dans le fonctionnement des services publics :

  • la gratuité n’est pas un principe général, sauf pour certains services publics administratifs (sur cette notion, cf. ci-dessous) obligatoires (police administrative, état civil, justice, services d’incendie et de secours, etc.) ;
  • la transparence implique pour l’administration une obligation de communication de certaines informations ; elle fonde le droit à l’accès aux documents administratifs et aux données publiques, l’obligation de motivation de certains actes administratifs, le principe du contradictoire, celui de réponse implicite favorable en cas de silence de l’administration pendant un certain délai ; elle fonde une atténuation de l’obligation de discrétion professionnelle des agents publics ;
  • la participation nécessite d’associer les usagers et les citoyens aux décisions relatives aux services publics ; elle fonde la représentation des usagers dans les instances dirigeantes de certains établissements publics, les diverses procédures de consultation, de participation et de co-décision des électeurs, et le droit à la participation des agents publics ;
  • la qualité recouvre les notions d’accessibilité, de fiabilité et de clarté des services publics ; on peut y rattacher la règle de clarté, de stabilité et d’intelligibilité de la règle de droit.

Références : articles L.O. 1112-1 et suivants, et L. 2143-2 du code général des collectivités territoriales ; article L. 141-5-1 du code de l’éducation ; loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ; loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, article 9 ; loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens ; CE, 16 juil. 1950, Dehaene, n° 1645 ; CE, 9 mars 1951, Société des concerts du conservatoire, n° 92004 ; CE, 10 mai 1974, Denoyez et Chorques, n° 88032 et 88148 ; Cons. const., 25 juill. 1979, déc. n° 79- 105 DC ; CE, 5 oct. 1984, Commissaire de la République de l’Ariège, n° 47875 ; Cons. const., 26 janv. 1995, déc. n° 94-358 DC ; Cons. const., 23 juill. 1996, déc. n° 96-380 DC ; Cons. const., 27 juin 2001, déc. n° 2001-446 DC ; CE, 11 mai 2009, Ville de Toulouse, n° 296919 ; « Étude demandée par le Défenseur des droits le 20 septembre 12013 », Conseil d'État, 19 déc. 2013.

2.2. Les différents services publics

Les services publics administratifs (SPA)

Ils forment le noyau d’origine des services publics. C’est pourquoi un service public est en principe administratif, sauf s’il remplit les critères du service public industriel et commercial. Sont notamment des SPA les activités dites « régaliennes » qui sont indissociables de la puissance publique : police, justice, état-civil, etc. En sont également les services relevant de la mise en œuvre des principes politiques, économiques et sociaux reconnus par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 comme « particulièrement nécessaires à notre temps » : enseignement, protection de la santé, etc.

Les SPA sont régis principalement par le droit public et relèvent des tribunaux administratifs. Ils sont exclusivement ou principalement financés par l'impôt et non par des redevances perçues auprès des usagers. Ces derniers sont placés dans une situation légale et réglementaire.

Les services publics industriels et commerciaux (SPIC)

Ils doivent satisfaire à trois conditions cumulatives pour être qualifiés comme tels :

  • l'objet du service doit être constitué par une activité de production et d'échange de biens ou de services susceptible d'être exercée par une entreprise privée ;
  • ses ressources sont perçues sur les usagers en contrepartie directe du service rendu ;
  • son mode d'organisation, de fonctionnement et de financement doit être similaire à celui d'une entreprise privée comparable.

La loi peut aussi qualifier une activité de service public industriel et commercial sans qu’il soit besoin de vérifier alors si ces conditions sont réunies (par exemple l’assainissement par l’article L. 2224-11 du code général des collectivités territoriales).

Les services publics industriels et commerciaux sont régis principalement par le droit privé (comptabilité privé, droit du travail, etc.). Leur financement par l’usager implique qu’ils soient équilibrés en recettes et en dépenses sans recours à l’impôt, sauf exception prévue par la loi (par exemple, lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs). En dehors de ces exceptions, les tarifs des redevances des services publics industriels et commerciaux demandés aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers, ni plus, ni moins.

Références : articles L. 2221-1 et L. 2224-2 et suivants du code général des collectivités territoriales ; TC, 22 janv. 1921, Colonie Côte d'Ivoire c./Société commerciale Ouest africain, dit « Bac d’Eloka », n° 00706 ; CE, 16 nov. 1956, Union syndicale des industries aéronautiques ; CE, 12 juill. 1995, Commune de Maintenon, n° 147947 ; CE, 30 sept. 1996, Ville de Saint-Étienne et Société stéphanoise des eaux, n° 156176 ; CE, 31 juil. 2009, Ville de Grenoble, n° 296964

3. Les différents modes de gestion des services publics locaux

Les services publics locaux peuvent être gérés selon plusieurs modalités, que l’on peut classer en deux grandes catégories :

  • les modes intégrés de gestion, dans lesquels l’activité reste assurée par une personne publique dans le cadre du droit administratif (ci-dessous 2.1) ;
  • les modes externalisés de gestion, dans lesquels l’activité est confiée à une personne privée (ci- dessous 2.2).

En principe, le choix du mode de gestion est libre (c’est une des composantes du principe de libre administration des collectivités territoriales, cf. fiche n° 3). Ce choix revient au conseil municipal. Cependant, cette liberté peut être limitée :

  • la loi ou la jurisprudence peut imposer qu’une activité soit gérée directement par la collectivité compétente, sans pouvoir être déléguée : compétences exercées au nom de l’État (état civil, élections, recensement, etc.), activités relevant directement du domaine régalien (police, sécurité, hygiène, etc.), réglementation et organisation interne des services. La limite peut parfois passer au sein d’une même activité : ainsi, concernant les cantines scolaires, une commune peut confier à une entreprise privée la fourniture ou la préparation des repas, mais la surveillance des élèves est une mission qui relève du service public de l’enseignement public et qui ne peut donc être déléguée ;
  • une collectivité ne peut créer un établissement public (cf. ci-dessous 2.1) que si la loi le prévoit, ce qui est le cas pour les CCAS, les centres sociaux et médico-sociaux, les caisses des écoles, les caisses de crédit municipal, les établissements publics de coopération culturelle, les services départementaux d’incendie et de secours, les agences départementales et, bien sûr, les diverses catégories d’établissements publics de coopération intercommunale, interdépartementale ou interrégionale. Aucun autre établissement public ne peut être créé par une commune.

Références : Constitution, article 34 ; articles 2221-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ; CE, 7 oct. 1986, avis n° 340609 ; CE, 17 mars 1989, Synd. des psychiatres français et a., n° 50176 ; CE, 1er avr. 1994, Commune de Menton, n° 144152 ; CE, 19 déc. 2007, Société Sogeparc-CGST-Compagnie générale de stationnement, n° 260327

3.1. Les modes intégrés de gestion des services publics locaux

Il existe plusieurs modes de gestion intégrés, qui peuvent être classés en fonction de leur degré croissant d’éloignement de la collectivité territoriale qui en a la charge.

3.1.1. La régie directe ou régie simple

C’est le mode de gestion le plus intégré : la commune gère le service public au sein de ses propres services, sous l’autorité directe de ses organes (conseil municipal et maire), par ses agents et en le finançant sur son budget principal. Ce mode de gestion est toujours ouvert aux collectivités pour les SPA, car les personnes publiques ont toujours la possibilité d'accomplir les missions de service public administratif qui leur incombent par leurs propres moyens. C’est le mode de gestion imposé pour tous les services publics non délégables : état-civil, élections, etc. (cf. ci- dessus II. Introduction). Pour les autres services publics, ce mode de gestion peut toujours

3.1.2. La régie autonome

C’est un mode de gestion qui permet d’isoler au sein des services communaux une activité particulière, en lui donnant une certaine autonomie de gestion, sans pour autant créer une personne morale distincte de la commune. Ainsi, la régie autonome est dotée d’un budget propre, mais qui est annexé au budget communal et approuvé par le conseil municipal. Elle est administrée, sous l'autorité du maire et du conseil municipal, par un conseil d'exploitation et son président, ainsi qu’un directeur, désignés par le conseil municipal sur proposition du maire.

3.1.3. La régie personnalisée

Implique, comme son nom l’indique, la création d’une personne morale distincte de la commune, à savoir un établissement public. Elle est administrée par un conseil d’administration et son président, ainsi qu’un directeur, désignés par le conseil municipal sur proposition du maire. Elle décide de son propre budget, voté par son conseil d’administration.

3.1.4. La « quasi-régie » (aussi désignée sous le terme « in house »)

Elle concerne une personne morale, distincte formellement de la commune, mais sur laquelle elle exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de ses activités pour elle ; dans ce cas, la commune pourra, par contrat, lui confier la gestion d’un service public, sans obligation de mise en concurrence préalable ; en effet, on considère que le co-contractant est en réalité la commune elle-même, sous une autre forme, et donc qu’il n’y a pas vraiment de contrat (ce qui explique pourquoi ce mode de gestion n’est pas rangé dans les modes contractuels de gestion). Ce co-contractant peut notamment être un établissement public, une société publique locale (SPL) ou une société publique locale d’aménagement (SPLA). Ce co-contractant doit appliquer, pour ses propres achats, les règles de l’achat public.

3.2. Les modes externalisés de gestion des services publics locaux

Une commune peut décider de ne plus gérer elle-même un service public (même si elle en garde toujours le contrôle), mais de confier cette gestion à une autre personne, en général une personne privée, par un contrat (sauf pour les activités non délégables, cf. ci-dessus II. Introduction). Ce contrat devra obligatoirement être précédé d’une procédure de mise en concurrence. En fonction du mode de rémunération prévu pour le co-contractant, ce contrat sera un marché public ou une délégation de service public, sauf s’il est passé sous le régime du contrat de partenariat, catégorie intermédiaire. La nature juridique du co-contractant (entreprise privée, société d’économie mixte, association, établissement public, etc.) ne rentre pas en ligne de compte.

3.2.1. Marché de service public

Contrat par lequel une commune (ou toute autre personne morale de droit public) confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un prestataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement payée directement par la commune. Ce contrat doit être passé en respectant les règles du code des marchés publics.

NB : la gérance, autrefois considérée comme une forme de délégation de service public, est un contrat dans lequel le co-contractant de la commune, appelé « gérant », assure le fonctionnement du service pour le compte de la commune et sous son contrôle, et en étant rémunéré forfaitairement par elle. Faute d’un transfert du risque d’exploitation, ce type de contrat est dorénavant à ranger parmi les marchés publics.

3.2.2. Contrat de partenariat

Contrat intermédiaire entre le marché public et la délégation de service public ; par ce contrat, une collectivité territoriale confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation, l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement ; il peut également avoir pour objet tout ou partie de la conception de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels ainsi que des prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ; la rémunération du co-contractant, liée à des objectifs de performance, fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Ce contrat doit être passé en respectant les règles du code général des collectivités territoriales.

3.2.3. Une délégation de service public

Contrat par lequel une commune (ou toute autre personne morale de droit public) confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le contrat doit faire peser sur le co-contractant de la personne publique une part significative du risque d’exploitation. Ce contrat doit être passé en respectant les règles du code général des collectivités territoriales (cf. III. ci-dessous). On peut classer les délégations de service public en quatre catégories :

  • Concession : désigne le contrat dans lequel le co-contractant de la commune, appelé « concessionnaire », prend en charge, outre la gestion du service public, la réalisation des investissements nécessaires au service, qu’il amortit sur la durée d’exploitation prévue au contrat ; il est rémunéré par les usagers ;
  • Affermage : désigne le contrat dans lequel le co-contractant de la commune, appelé « fermier », se voit remettre par la collectivité (la commune) les biens et équipements nécessaires à l’exploitation du service, qu’il doit maintenir en bon état d’entretien ; n’ayant pas d’investissement à amortir, son contrat est en général plus court que celui d’une concession ; rémunéré par les usagers, il peut avoir à verser à la commune une redevance (parfois appelée « surtaxe » bien qu’elle n’ait aucun caractère fiscal) en contrepartie des équipements remis ;
  • Régie intéressée : contrat dans lequel le co-contractant de la commune, appelé « régisseur », assure le fonctionnement du service pour le compte de la commune et sous son contrôle ; il est rémunéré non par les usagers, mais par la commune, en fonction de critères d'intéressement assurant un réel transfert du risque d’exploitation ;
  • D’autres montages contractuels peuvent être définis (associant par exemple une délégation de service public et un bail emphytéotique administratif) ; ils seront qualifiés de délégation de service public (et devront en respecter les procédures de passation et d’exécution) dès lors qu’ils en réuniront les critères.

La procédure de passation d’une délégation de service public est présentée ci-dessous.

3.2.4. Reconnaissance d’un service public dans une activité exercée par une personne privée

Lorsqu'une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu'une personne publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l'initiative, elle ne peut, en tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d'une personne publique de la dévolution d'une mission de service public ; son activité peut cependant se voir reconnaître un caractère de service public, alors même qu'elle n'a fait l'objet d'aucun contrat de délégation de service public procédant à sa dévolution, si une personne publique, en raison de l'intérêt général qui s'y attache et de l'importance qu'elle revêt à ses yeux, exerce un droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu'aucune règle ni aucun principe n'y font obstacle, des financements.

Références : articles L. 1411-1 et suivants, L. 1414-1 et suivants, et R. 2222-5 du code général des collectivités territoriales ; code des marchés publics ; ordonnance n° 2009-864 du 15 juil. 2009 relative aux contrats de concession de travaux publics ; CE, 29 avr. 1987, Commune d’Élancourt, n° 51022 ; CE, 30 juin 1999, SMITOM, n° 198147 ; CE, 28 juin 2006, Syndicat intercommunal d'alimentation en eau de la moyenne vallée du Gier, n° 288459 ; CE, 6 avr. 2007, Commune d'Aix-en-Provence, n° 284736 ; CE, 7 nov. 2008, Département de la Vendée, n° 291794 ; CE, 5 juin 2009, Société Avenance-enseignement et santé, n° 298641 ; CJCE, 10 sept. 2009, Eurawasser, affaire C-206/08 ; CE, 8 fév. 2010, Commune de Chartres, n° 323158

4. La procédure de délégation de service public

La loi Sapin n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ainsi que la loi Murcef n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 (CGCT, art. L. 1411-1 et s.) sont venues préciser et compléter la procédure de passation des délégations de service public afin de pallier notamment l’insuffisance de contrôle sur ce type d’acte.

La délégation de service public est un contrat par lequel une personne publique (le délégant) confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité, à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation.

Codifiée à l’article L. 1411-1 du CGCT, une telle définition est suffisamment large pour couvrir à la fois la concession de travaux publics qui fait aujourd'hui l'objet d'un texte spécifique (CGCT, art. L. 1411-5), la concession de service public avec travaux publics et la pure concession de service public. Les sociétés publiques locales (SPL) peuvent recevoir la délégation d’un service public sans mise en concurrence (CGCT, art. L. 1411-2 et L. 1411-19).

La directive « Concession » 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Europe du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession publiée au JOUE le 28 mars 2014propose un encadrement inédit de la procédure d’attribution des contrats de concession, dont le régime demeurait jusqu’à présent éclaté. Les états membres ont jusqu’au 18 avril 2016 pour transposer celle-ci. Cette transposition a été réalisée par l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 pris pour son application au plus tard le 1er avril 2016.

La jurisprudence administrative a également apporté plusieurs précisions importantes à la notion et au régime des délégations de service public. De ce point de vue, la solution la plus remarquable est certainement celle par laquelle l'Assemblée du Conseil d'État est venue clarifier le régime des biens nécessaires au service public (CE, ass., 21 déc. 2012, Commune de Douai, n° 342788).

La passation d’une DSP impose le respect strict de la procédure énoncée aux articles L. 1411 et s. du CGCT. Les étapes décrites ci-après revêtent le caractère de formalités substantielles. Ainsi, avant tout engagement d’une collectivité dans la délégation d’un service public celle-ci se doit de recueillir des avis préalables obligatoires et précisément celui du comité technique (art. 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) et de la commission consultative des services publics locaux (art. L. 1413-1 du CGCT).

Ensuite, l’organe délibérant de la collectivité territoriale se doit de délibérer sur le principe de la délégation (art. L. 1411-4 du CGCT) afin que les élus soient informés. La délibération est alors transmise au contrôle de légalité.

Ce n’est qu’après ces formalités initiales que la mise en concurrence sera réalisée par la publication d’un avis dans un journal d’annonces légales (art. R. 1411-1 CGCT) ainsi que dans une revue spécialisée du secteur économique concerné. L’avis de publicité sera également transmis au contrôle de légalité.

La réception des candidatures et leur analyse (art. R. 1411-1 et L. 1411-2 CGCT), par la commission de délégation de service public qui est l’équivalant de la commission d’appel d’offre des marchés publics mais désignée selon une procédure spécifique, permettront de retenir les candidats auxquels seront adressés les documents de la consultation (L. 1411-1 CGCT).

Une fois leur offre déposée et éventuellement sélectionnée et ce après analyse et avis de la commission de délégation de service public, les candidats retenus seront admis à entrer en voie de négociation avec l’autorité exécutive (art. L. 1411-5 CGCT).

Le choix du délégataire appartiendra au final à l’assemblée délibérante à laquelle sera soumis le nom du candidat retenu par l’autorité exécutive suite aux négociations et le contrat de délégation (art. L. 1411-7 du CGCT). La délibération sera transmise au contrôle de légalité ainsi que le contrat qui sera signé par l’autorité exécutive et régulièrement notifié et publié.

L’ensemble de cette procédure impose également le respect de délais incompressibles entre chaque phase, ce qui contraint la collectivité qui envisage de déléguer un service public ou de renouveler une telle délégation de largement anticiper.

Afin de tenir compte de la création des sociétés publiques locales (SPL) par la loi du 28 mai 2010, le régime juridique des délégations de service public est complété. L'article L 1411-12 du CGCT précisait jusqu'à présent que seuls sont exemptés du respect des règles de mise en concurrence prévues aux articles L 1411-1 et suivants du CGCT, les établissements publics sur lesquels la personne publique exerce un contrôle comparable à celui qu'elle exerce sur ses propres services et qui réalisent l'essentiel de leurs activités pour elle et à condition que l'activité déléguée figure expressément dans les statuts de l'établissement. Ces mêmes dispositions sont désormais étendues aux sociétés publiques locales.

Auteur(s) :

DIETSCH François  et MEYER François

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