Les régimes de protection légale applicables aux personnes physiques

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

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Par Frédéric ARCHER,
Docteur en droit privé et sciences criminelles, Maître de conférences H.D.R. Université Lille 2, Codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille.
Dernière mise à jour : février 2019

 

Rappel important

Tout être humain né vivant et viable est sujet de droit. S’il détient automatiquement la personnalité juridique, en revanche, il n’est pas forcément titulaire de la capacité juridique.

En effet des personnes physiques peuvent être privées de leur capacité juridique rendant nécessaire la mise en œuvre d’un régime de protection.

Exemple : certains majeurs atteints d’une maladie invalidante ou d’une aliénation mentale ou encore les mineurs.

Une mesure légale de protection a pour finalité la préservation des intérêts de la personne et favorise, dans la mesure du possible, son autonomie. La réforme opérée par la loi du 5 mars 2007 ne remet pas en cause la division tripartite des régimes légaux de protection gradués en fonction du degré de protection nécessaire.

La loi du 16 février 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures a modifié quelques dispositions dont les effets restent mineurs (Voir notamment les articles 426, 431, 432, 441, 442 du Code civil).

L’ordonnance du 15 octobre 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille a porté création d’un nouveau dispositif : « l’habilitation familiale » dont le fonctionnement est expliqué aux articles 494-1 à 494-12 du Code civil. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (JO 19 nov. 2016) est venue modifier ces dispositions. Ce texte prévoit notamment que le conjoint peut mettre en œuvre la protection par habilitation familiale dès lors que le régime matrimonial ne permet pas une protection suffisante.

1. Une surveillance : la sauvegarde de justice

La sauvegarde de justice constitue le régime de protection le moins important. Elle est temporaire car prononcée dans l’attente d’une rémission dans l’évolution de la santé mentale d’une personne physique majeure ou de l’aboutissement d’une procédure plus contraignante comme la curatelle ou la tutelle.

L’esprit de ce système est de laisser la personne libre de conclure seule des actes juridiques mais si ces derniers menacent ses intérêts ils pourront être annulés ou faire l’objet d’une action en rescision pour lésion (si la personne a vendu à un prix inférieur à la valeur du bien) ou encore en réduction pour excès (si la personne a acheté un bien trop cher par rapport à sa valeur) dans un délai de 5 ans.

Précision importante : le juge des tutelles peut exceptionnellement nommer un mandataire spécial pour effectuer, au nom de la personne, un ou plusieurs actes déterminés y compris la réalisation d’un acte de disposition.

Concrètement cette mesure peut se réaliser de deux manières :

  • une déclaration d’un médecin, dans un certificat circonstancié, au procureur de la République ;
  • une décision du juge des tutelles en attendant la mise en place d’une curatelle ou d’une tutelle.

La mesure prend fin sur décision du procureur ou du juge des tutelles ou encore par la mise en œuvre d’une mesure protectrice d’un degré supérieur.

Attention : cette mesure est d’une durée d’un an mais elle est renouvelable une fois pour la même durée.

2. Une assistance : la curatelle

La curatelle est un régime de protection qui peut être qualifié d’intermédiaire car il n’occulte pas la volonté de la personne protégée mais réclame qu’elle soit aidée, assistée dans certains actes de sa vie par un curateur.

L’ouverture d’une curatelle répond aux mêmes règles de procédure que la tutelle. La publicité de la mesure s’effectue au répertoire civil avec mention en marge de l’acte de naissance de l’intéressé. La décision peut être attaquée devant la Cour d’appel.

S’agissant d’un régime d’assistance, les actes concernés doivent comporter deux signatures : celle de la personne protégée et celle du curateur. Dans sa décision le juge des tutelles précise l’identité du curateur ainsi que l’éventuelle précision sur les actes pouvant être accomplis seul et ceux nécessitant l’assistance du curateur (généralement des actes de disposition).

Si un acte est conclu en négligeant le respect de la décision de mise sous curatelle il encourt la nullité mais attention, même lorsque l’assistance du curateur ne s’impose pas, les actes conclus par l’intéressé peuvent être attaqués en rescision pour lésion ou faire l’objet d’une réduction pour excès selon le cas.

La durée de la curatelle est limitée à cinq ans mais le juge des tutelles peut décider de la renouveler ou d’y mettre un terme. La loi du 16 février 2015 permet de porter ce délai à 10 ans lorsque l’état de la personne concernée n’est pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science. La mesure peut être renouvelée pour une même durée ou, sur décision spécialement motivée et avis médical conforme, pour une durée plus longue n’excédant pas vingt ans.

3. Une représentation : la tutelle

Le régime de la tutelle est le plus accompli car il permet de mettre en œuvre une véritable représentation de la personne intéressée. Ce régime suppose l’intervention d’un tiers, le tuteur, qui agit à la place de la personne protégée.

La mise en œuvre de la tutelle résulte d’une décision du juge des tutelles. La durée de ce régime est limitée à cinq ans mais la tutelle peut être prononcée pour une durée plus longue sans excéder dix ans sur décision spécialement motivé et après avis médical conforme (Loi du 16 février 2015). La mesure peut être renouvelée pour une même durée ou, sur décision spécialement motivée et avis médical conforme, pour une durée plus longue n’excédant pas vingt ans

L’ouverture d’une tutelle s’opère sur le fondement d’un certificat médical circonstancié faisant état de l’altération des facultés de l’intéressé. Elle fait l’objet d’un enregistrement au répertoire civil qui est tenu au greffe du tribunal de grande instance avec mention en marge de l’acte de naissance de l’intéressé.

Ce régime de protection par représentation fait intervenir différents organes :

  • le juge des tutelles : magistrat au tribunal d’instance. Il lui appartient d’exercer un pouvoir de contrôle général de la tutelle mais il participe aussi directement à son fonctionnement par l’exercice de son pouvoir de décision et par sa présidence du conseil de famille ;
  • le tuteur : c’est une personne physique ou morale désignée par le juge ou par le conseil de famille s’il est constitué ;
  • le subrogé tuteur : c’est une personne qui est chargée de surveiller les actes fait par le tuteur. Il peut également représenter la personne protégée lorsque les intérêts de celle-ci sont en opposition avec ceux du tuteur. Il est désigné par le juge ou par le conseil de famille ;
  • le conseil de famille : c’est l’organe délibérant de la tutelle. Il est composé d’au moins 4 membres nommés par le juge des tutelles. Il autorise les actes que le tuteur n’est pas en droit de faire seul ;
  • la Cour d’appel : en charge de statuer sur les recours formés contre les décisions du juge des tutelles depuis le décret du 23 décembre 2009.

Pour être en mesure d’expliquer son fonctionnement il faut partir des trois catégories d’acte juridique qui existent :

  • les actes conservatoires qui ont pour objet de maintenir l’intégrité d’un patrimoine (souscription d’un contrat d’assurance) ;
  • les actes d’administration qui permettent de gérer un bien (conclusion d’un contrat de bail) ;
  • les actes de disposition qui sont les plus importants puisqu’ils supposent la vente ou le don d’un bien composant le patrimoine.

Le tuteur peut faire seul les deux premières catégories d’acte (conservatoire et d’administration). Les actes de disposition doivent être autorisés par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge des tutelles. Si ce mode de fonctionnement n’est pas respecté, l’acte passé encourt la nullité.

Le mariage ou la conclusion d’un pacte civil de solidarité d’une personne sous tutelle nécessite l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles. L’assistance du tuteur est nécessaire à la signature du pacs.

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