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Les concours de la FPT

Par François Dietsch et François Meyer
Mise à jour par Karim Douedar : janvier 2019

Pour fonctionner les collectivités territoriales recourent au procédé contractuel : ainsi pour acheter des fournitures ou encore pour déterminer les modalités d’exécution du service public par une personne privée ou publique. De plus en plus la contractualisation s’est développée et les raisons en sont diverses (meilleure acceptation des décisions à l’issue d’une négociation, meilleure prise en compte des exigences des collectivités locales dans le contexte de la décentralisation). Ce constat effectué, il appartient bien sûr d’identifier d’abord le contrat administratif sachant que les collectivités territoriales peuvent également passer des contrats de droit privé.

Ensuite il convient de souligner la diversité desdits contrats administratifs avant d’évoquer leur régime juridique.

1. L’identification du contrat administratif

Certains contrats sont administratifs par détermination de la loi (en vertu de la loi du 28 Pluviôse an VIII les contrats relatifs à l’exécution d’un travail public, de même des contrats comportant occupation du domaine public en vertu du décret-loi du 17 juin 1938, les ventes d’immeubles de l’État).

Mais c’est la jurisprudence qui a permis d’élaborer des critères de distinction entre contrat administratif et contrat de droit privé.

1.1. Le critère organique

Un contrat ne peut être administratif que si un au moins des cocontractants est une personne publique ; sauf exceptions, un contrat passé entre deux personnes privées ne sera pas administratif.

Il y a des exceptions : un contrat passé entre deux personnes privées peut être administratif lorsque l’une d’elles agit pour le compte d’une personne publique en vertu d’un mandat. Cette jurisprudence du mandat considérée comme limitée aux marchés de travaux publics a été étendue aux autres types de contrats.

Les contrats passés entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers sont toujours des contrats de droit privé. Cette jurisprudence est très importante car elle soumet au droit privé les abonnements d’eau, de gaz, d’électricité, de téléphone, l’accès aux transports publics.

1.2. Les critères matériels

1.2.1. Le critère du service public

Il peut s’agir de contrats ayant pour objet de confier au cocontractant l’exécution même d’un service public (CE 20 avril 1956 époux Bertin, le contrat a eu pour objet de confier aux intéressés l’exécution même du service public du rapatriement des réfugiés).

Il peut s’agir aussi de contrats constituant par eux-mêmes une modalité d’exécution du service public (CE 20 avril 1956 Grimouard).

1.2.2. Le critère de l’exorbitance

Le contrat comporte des clauses exorbitantes du droit commun (CE 31 juillet 1912 société des Granits porphyroïdes des Vosges).

La clause exorbitante est assez difficile à identifier mais sont considérées comme de telles clauses celles qui mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique (ex. : pouvoir de sanction comme la résiliation unilatérale), qui sont inhabituelles dans les conventions entre particuliers (ex. : contrôle sur les tarifs, les résultats financiers, le personnel) ; le renvoi à un cahier des charges n’est une clause exorbitante qu’à la condition où ce cahier des charges contient une clause exorbitante).

1.2.3. Le contrat soumis à un régime exorbitant de droit commun

(CE 19 janvier 1979 société exploitation électrique de la rivière du Sant : un contrat conclu « obligatoirement » entre EDF et des producteurs, est administratif).

2. La diversité des contrats

L’usage du contrat administratif peut être extrêmement divers et peuvent être distingués « les contrats d’encadrement » (contrat d’organisation du service public comme les contrats de délégation de service public ou les conventions de mise en œuvre de la décentralisation, contrat « de programmation de l’action administrative » comme les contrats de plan Etat- régions, les « contrats-moyens » (qui procurent des moyens matériels, humains ou financiers à l’administration comme un contrat de recrutement d’agents publics, de prestations de services, contrats d’emprunt, offre de concours), les « contrats-buts » (pour la réalisation d’un but d’intérêt général comme les contrats d’aide aux personnes privées en matière d’intervention économique ou les contrats d’occupation du domaine public).

Seront rappelées les caractéristiques de quelques contrats précédemment évoqués.

2.1. Les marchés publics

Dans cette hypothèse l’administration passe un contrat avec un entrepreneur pour la réalisation par exemple de travaux dans les conditions du code des marchés publics (*). L’acquittement d’un prix par la personne publique permet de distinguer le marché du contrat de délégation de service public où le cocontractant voit sa rémunération substantiellement assurée par les recettes de l’exploitation (recettes tirées des usagers).

Le formalisme pour la passation de ces marchés est fonction de seuils financiers. Mais dès le premier euro de dépense, il convient de mettre en œuvre un minimum de publicité : affichage, publicité locale, information par internet, etc.

Afin de veiller à la régularité de la passation des marchés publics, divers mécanismes ou organes ont été mis en place : utilisation du référé précontractuel de l’art. L.22 du code des TA et CAA (tribunaux administratifs et cours administratives d’appel) pour veiller au respect des obligations de publicité et de mise en concurrence, mission d’enquête interministérielle sur les marchés, service central de lutte contre la corruption, juge pénal.

(*) Le code de la commande publique 2019 , issu de l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018  et du décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018 , regroupe et organise les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s’analysent, au sens du droit de l’Union européenne, comme des marchés publics et des contrats de concession, il s’applique à compter du 1er avril 2019 et se substitue à cette date aux anciennes dispositions.

2.2. La concession de travaux publics et de service public

C’est l’exemple le plus ancien du contrat de délégation de service public. La personne publique peut conclure un contrat de concession de travaux publics et de service public, où le concessionnaire va assurer la réalisation des ouvrages publics et en assurer l’exploitation en se rémunérant sur les usagers de l’ouvrage ou du service. A l’expiration de la concession les ouvrages reviendront à la collectivité concédante en application des clauses du cahier des charges. La procédure de passation de ces contrats est réglementée, notamment par la loi Sapin du 29 janvier 1993 qui prévoit une procédure de publicité tout en laissant le choix du concessionnaire à l’autorité concédante.

2.3. L’offre de concours

C’est un contrat assez particulier qualifié de contrat unilatéral c’est-à-dire ne comportant d’engagement que pour une des parties, l’auteur de l’offre. Ce dernier s’engage à contribuer à une opération de travail public à laquelle il a un intérêt, soit en apportant une somme d’argent ou un terrain ou en prêtant du personnel. Dès que l’offre est acceptée, son auteur ne peut plus la retirer mais la collectivité bénéficiaire n’est pas tenue de réaliser les travaux.

3. Le régime juridique du contrat administratif

Les contrats administratifs « relèvent d’une jurisprudence qui a, pour une part, emprunté au droit commun un certain nombre de principes et forgé, pour une autre part, des concepts propres tenant compte des spécificités de la relation contractuelle publique ».

3.1. La formation du contrat

Il faut noter que la liberté contractuelle (liberté de recourir au procédé contractuel, de choisir le cocontractant et de déterminer le contenu du contrat) n’est pas entendue de la même façon qu’en droit privé.

L’administration est soumise à un certain nombre de contraintes dans la passation de ses contrats

Le contrat administratif suppose l’existence et la rencontre de deux consentements ; aussi le contrat doit-il être signé par la personne habilitée (ex : le maire pour la commune sur autorisation du conseil municipal par délibération ayant fait l’objet d’une transmission au préfet et intervenir dans le domaine de compétences de la personne morale de droit public.

3.2. Les modes de passation des contrats sont divers

Pour les marchés publics, l’administration pouvait recourir à l’adjudication. Dans cette hypothèse, l’administration ouvrait la soumission à tous les intéressés (adjudication ouverte) ou à certaines entreprises seulement (adjudication restreinte) et proclamait adjudicataire celui qui avait proposé le prix le plus bas. Ce procédé contractuel a été supprimé.

Le principe maintenant est que les marchés sont passés sur appel d’offres. Il est fait appel à la concurrence, mais l’administration est libre de choisir son cocontractant en fonction de plusieurs paramètres à savoir le prix mais aussi la qualité des prestations ou les garanties proposées par les entreprises ; c’est donc plutôt le mieux disant que le moins disant qui sera choisi. En effet « la personne publique choisit l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats ».

Il est possible de recourir :

  1. au marché négocié. Dans ce cas, le représentant de l’acheteur public engage, sans formalités autres que celles de la publicité préalable, les discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats de son choix et attribue librement le marché au candidat qui lui paraît le meilleur.
  2. au dialogue compétitif. Il s’agit d’une procédure à laquelle la personne publique peut recourir lorsqu’elle n’est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou lorsqu’elle n’est pas en mesure d’établir le montage juridique ou financier du projet.
  3. aux marchés de conception-réalisation. Ils portent à la fois sur la définition du projet et sur l’exécution des travaux pour la réalisation de certains ouvrages.
  4. au concours. C’est une procédure par laquelle la personne publique choisit après mise en concurrence et avis d’un jury, un plan ou un projet avant d’attribuer à l’un des lauréats du concours, un marché.

La passation de certains contrats dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications est soumise à une réglementation européenne spécifique.

De nombreux textes en droit interne sont intervenus pour améliorer la transparence et l’effectivité de la concurrence.

Le juge administratif veille de surcroît au respect des règles du droit de la concurrence tant national que communautaire.

Il veille aussi à ce que la formation du contrat soit exempte de vices du consentement.

Le contrat peut avoir une forme écrite ou verbale sauf dans les cas où les textes imposent la forme écrite. Le contrat peut comporter peu de clauses mais peut aussi être accompagné de documents annexes comme les cahiers des charges.

Ces cahiers des charges déterminent la plus grande partie des obligations contractuelles et le cocontractant de l’administration, qui ne peut en discuter les clauses, se doit d’en respecter les dispositions (cf. cahier des clauses administratives générales qui fixe les dispositions administratives applicables à toute une catégorie de marchés, ou cahier des clauses techniques générales qui fixe les dispositions techniques applicables à toutes les prestations de même nature ou encore cahier des clauses administratives particulières qui fixe les dispositions propres à chaque marché et les dispositions techniques nécessaires à l’exécution des prestations prévues au marché).

3.3. L’exécution du contrat administratif

L’administration va bénéficier de certaines prérogatives qui trouvent leur fondement dans les nécessités des services publics mais le cocontractant bénéficie en contrepartie de certaines garanties essentiellement financières (le respect de l’équilibre financier du contrat).

3.4. Les prérogatives de l’administration

L’administration les détient même si elles ne sont pas prévues par le contrat et ne peut y renoncer :

  • le pouvoir de direction et de contrôle : l’administration a le pouvoir de contrôler l’activité du cocontractant et de lui donner des ordres pour assurer la bonne exécution (cf. les ordres de service dans les marchés publics) ;
  • le pouvoir de modification unilatérale à condition cependant que les nécessités du service public l’exigent (CE 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen obligation pour le concessionnaire d’éclairage de passer du gaz à l’électricité ; CE 21 mars 1910 Compagnie générale des tramways), que les modifications n’excèdent pas certaines limites, et que l’équilibre financier du contrat soit respecté ;
  • le pouvoir de sanction : en cas de faute dans l’exécution et à condition qu’il y ait eu une mise en demeure préalable. Ce pouvoir existe de plein droit et de façon unilatérale. Les sanctions peuvent être soit des sanctions pécuniaires (amendes, dommages-intérêts, pénalités) soit des sanctions coercitives variables suivant les types de contrats (mise sous séquestre pour la concession, mise en régie pour le marché de travaux publics) ou enfin des sanctions résolutoires ;
  • le pouvoir de résiliation unilatérale, dans l’intérêt du service, le cocontractant ayant seulement droit à l’indemnisation.

3.5. Les droits du cocontractant à l’équilibre financier du contrat

Le particulier a droit à l’obtention de la rémunération convenue et au rétablissement de l’équilibre financier du contrat dans l’hypothèse où ce dernier serait rompu.

Il a droit au paiement de la rémunération fixée initialement (prix versé par l’administration, redevance prélevée sur les usages du service pour une concession) qui ne peut être modifiée unilatéralement par l’administration.

Il a droit au rétablissement de l’équilibre financier en cas de prestations nouvelles imposées par l’administration.

Il y a droit aussi en cas de survenance de faits imprévus.

3.5.1. Théorie du fait du prince

Lorsque l’administration cocontractante use de ses prérogatives et prend une mesure qui ne touche pas le contrat lui-même mais qui a des répercussions sur lui (augmentation du taux des impositions décidé par l’État qui rend plus onéreuse l’exécution d’un marché passé avec lui) ; la théorie ne joue pas lorsque la mesure émane d’une personne publique autre que l’administration cocontractante qui ne doit pas intervenir en tant que partie au contrat. Lorsque la théorie joue, l’indemnisation est alors intégrale.

3.5.2. Théorie de l’imprévision

Il y a application de la théorie de l’imprévision en cas de survenance de faits nouveaux étrangers à la volonté des parties entraînant un bouleversement des conditions économiques d’exécution du contrat. Le juge administratif admet une possibilité d’indemnisation dans certaines conditions (cf. CE Cie générale d’éclairage de Bordeaux 30 mars 1916, l’augmentation considérable du prix du charbon nécessaire à la fabrication du gaz par le concessionnaire oblige l’administration à aider pécuniairement le concessionnaire en situation gravement déficitaire).

Il faut que l’aléa soit indépendant de la volonté des parties, imprévisible (guerre, crise économique grave, dévaluation monétaire) et difficilement résistible. Cette théorie ne s’applique que si le bouleversement présente un caractère temporaire.

Il prendra fin soit par le rétablissement de l’équilibre du contrat, soit par sa résiliation.

La théorie de l’imprévision s’applique moins fréquemment aujourd’hui dans la mesure où de très nombreux contrats passés par l’administration contiennent des clauses de révision des prix. Mais la théorie s’appliquera encore lorsque ces clauses s’avéreront insuffisantes ou lorsqu’elles n’existent pas.

3.6. La fin du contrat administratif

Le contrat administratif expire normalement avec la réalisation de son objet (par exemple avec la livraison d’un bien dans le cas d’un marché de fournitures), ou à la survenance de son terme.

Mais il peut aussi disparaître prématurément de multiples façons : par accord des parties ; par « rachat contractuel » de l’administration, prévu par le contrat ; par résiliation unilatérale de l’administration, dans l’intérêt du service ou à titre de sanction ; ou sur décision du juge, à la demande du cocontractant en cas de modification unilatérale excessive de l’objet du contrat, de faute grave de l’administration ou de force majeure, ou bien à la demande de l’administration lorsqu’il s’agit de prononcer la déchéance d’une concession de service public et qu’aucune clause contractuelle ne lui permet de l’infliger elle-même.

Auteur(s) :

DIETSCH François  et MEYER François

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