La protection légale des personnes physiques

Modifié le 16 mai 2023

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Dernière mise à jour : août 2019

Le droit des personnes physiques englobe l'ensemble des dispositions juridiques concernant l'existence de la personne physique, son individualisation et ses attributs. Le droit est alors amené à aborder des sujets comme la naissance, la mort, le clonage. Il doit aussi, ce faisant, répondre à des questions éthiques complexes, souvent difficiles, à laquelle chaque civilisation et culture répond à sa manière, selon la conception propre qu'elle peut avoir de l'être humain et de la place qu'elle lui donne dans la société.

1. Définitions

1.1. Notion de personne physique

Au sens du droit français, « une personne physique est un être humain doté, en tant que tel, de la personnalité juridique ». La personne physique se voit alors reconnue en tant que sujet de Droit, et non comme objet de Droit, comme peuvent l'être des choses. L'être humain revêtu de la personnalité juridique devient alors titulaire de droits subjectifs et d'obligations envers d'autres personnes et le reste de la Société.

Le concept de personne physique est purement juridique. Il s'agit d'une abstraction, voire d'une fiction juridique. De nombreux auteurs rappellent qu'il faut distinguer la notion d'être humain de celle de personne physique. Les deux notions, si elles se rejoignent fréquemment, sont indépendantes. Il est juridiquement possible qu'une personne soit déclarée morte en droit, volontairement (cas de la mort civile) ou involontairement, lorsque la personne est déclarée absente ou disparue. Elle devra ensuite être juridiquement ressuscitée.

Les règles relatives à l'exercice des droits et obligations que confèrent la personnalité juridique sont connues à travers l'étude de la capacité juridique de la personne physique.

1.2. Les capacités liées à la personnalité juridique

La capacité de jouissance

La capacité de jouissance est l'aptitude à être titulaire d'un ou plusieurs droits. L'attribution de la personnalité juridique pose la question de savoir si la personne est elle-même capable d'exercer ses droits. Il faut justement admettre pour les personnes physiques que l'acquisition de la personnalité juridique ne conduit pas dans un premier temps à reconnaître la capacité d'exercice. Ainsi, les mineurs sont bien sujets de droit, et ce depuis leur naissance, mais la société les dit incapables parce qu'ils n'ont pas durant le temps de leur minorité l'aptitude juridique à exercer eux-mêmes les droits qu'ils détiennent.

La capacité d'exercice

La capacité d'exercice est l'aptitude à exercer soi-même un droit que l'on détient, sans avoir besoin d'être représenté ni assisté par un tiers. Cette capacité d'exercice suppose d'avoir la personnalité juridique. L'inverse n'est pas vrai. La reconnaissance de la personnalité juridique ne conduit pas à reconnaître automatiquement la capacité d'exercer soi-même des droits qu'on est apte à détenir. Il se peut qu'une personne dotée de la capacité d'exercice se la voit retirer, sans qu'elle perde pour autant la personnalité juridique.

2. La nécessité d'une protection légale pour certaines personnes.

Aujourd’hui comme hier, pour pouvoir bénéficier d’une protection, une personne doit être “dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté”1. Toutefois, derrière l’altération des facultés personnelles du majeur, transparaît une vulnérabilité particulière de la personne physique2

2.1. Les mineurs

L'article 414 du Code civil français fixe la majorité à 18 ans et dès lors donne la capacité pour tous les actes de la vie civile. L'article 371-1 du Code civil dispose que les enfants restent sous l'autorité des parents jusqu'à la majorité civile ou l’émancipation. L'émancipation donne à un enfant de moins de 18 ans les droits et les devoirs d'un adulte. Un mineur émancipé ne dépend plus de l'autorité de ses parents. Le mineur non émancipé ne peut pas agir en justice, ce sont ses parents qui doivent le représenter.

Exemple : si un mineur est titulaire d'un droit de propriété sur un immeuble, ce seront les parents qui en assureront la gestion dans l'intérêt de l'enfant. Les parents détiennent l'administration et la jouissance des biens de leur enfant.

En France, les mineurs sont placés sous ce que l'on appelle l'administration légale s'ils ont un patrimoine important. Les mineurs sont incapables, c'est-à-dire qu'ils ont des droits mais ne peuvent pas les exercer du fait de leur minorité. Il est entendu que les enfants ont besoin de protection, tant pour leur personne que pour l'accomplissement de leurs actes juridiques. Les mineurs sont soumis à l'autorité parentale.

Comme toute personne physique, le mineur est titulaire de droits subjectifs, et parmi ces droits, de droits patrimoniaux. En effet, un mineur peut être propriétaire de biens importants (héritage, gains…). Cependant, le mineur est placé sous un régime de protection ; l'exercice de ces droits se fait donc par la représentation. Le droit français prévoit à cet effet trois situations :

  1. Le mineur a ses deux parents en vie. Ceux-ci sont titulaires de l'autorité parentale conjointe, et le régime est ce que l'on appelle l'administration légale pure et simple.
  2. Le mineur n'a plus qu'un parent. Le régime est l'administration légale sous contrôle judiciaire (Elle n'existe plus depuis 2016 : à présent, que l'un ou les deux parents soient en vie, le régime applicable est l'administration légale. Administration légale sous contrôle judiciaire et administration légale pure et simple ont ainsi été combinées depuis cette récente réforme).
  3. L'enfant est orphelin ; il n'y a pas d'autorité parentale, le régime est alors celui de la tutelle des mineurs.

Ce régime est désormais critiqué en France. Dès les années 1970, le civiliste Jean Carbonnier3 proposait l'idée d'une capacité juridique partielle, dite de pré-majorité, pour les adolescents, particulièrement en matière de religion, sur le modèle de ce qui existe déjà en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Suisse. Depuis, les projets de pré-majorité en France ont toujours été avortés mais, dans le monde associatif lycéen, se sont additionnés récemment de nouvelles revendications : capacité juridique en matière d'orientation scolaire (entière au lycée, à partager en double signature avec les parents au collège), droit à la correspondance et à la vie privée, capacité à diriger une association sans autorisation parentale, droit de véto des élèves contre leur inscription par les parents dans un établissement confessionnel (sur les modèles anglais et allemands), possibilité de faire soi-même les démarches pour les documents d'identité ou encore capacité à demander soi-même son émancipation.

2.2. Protection juridique des personnes majeures

La protection juridique est une procédure prévue par la loi pour protéger les intérêts des individus majeurs dont les facultés personnelles sont altérées, qu’ils résident à domicile ou en institution.

Un majeur protégé est une personne qui dispose de tous ses droits, mais ne les exerce pas elle-même pleinement. L’instauration d’une mesure de protection juridique pour les personnes majeures offre aux personnes vulnérables une garantie face aux risques d’actes malencontreux.

Placé sous protection juridique, un individu perd tout ou partie de son indépendance civile et économique, ses décisions étant soumises au contrôle d’une tierce personne, curateur ou tuteur, ou d’un conseil de famille, le tout sous l’autorité du juge des tutelles.

La loi du 3 janvier 1968 a créé une large gamme de mesures de protection juridique, variant dans leur étendue et leur durée :

  • sauvegarde de justice, (mesure de protection juridique provisoire et de courte durée qui peut permettre la représentation de la personne pour accomplir certains actes précis),
  • curatelle (dans l’exercice de ses droits, la personne doit se faire conseiller et contrôler par un curateur)
  • tutelle (la personne perd l’exercice de tous ses droits et doit être représentée dans tous les actes de la vie civile).

Comment choisir ? Le choix de la mesure de protection juridique la plus adaptée dépend de la situation du majeur à protéger, le choix dépend de :

  • la situation médicale,
  • l’environnement familial,
  • les enjeux patrimoniaux.

Le juge des tutelles doit systématiquement opter pour la mesure de protection juridique la plus légère et la moins attentatoire aux droits du majeur (principe de proportionnalité). La mise sous tutelle devra être employée en dernier recours. Il est également bon de savoir qu’il existe aujourd’hui une alternative aux mesures de protection juridique plus facile à mettre en place : l’habilitation familiale.

Qui peut faire une demande de protection juridique ? Seules les personnes suivantes peuvent faire directement une demande de protection juridique pour un majeur souffrant d’une altération de ses capacités mentales ou physiques :

  • la personne à protéger elle-même,
  • son conjoint,
  • un parent ou allié,
  • son protecteur (si elle est déjà sous protection juridique et qu’elle a besoin d’une mesure plus forte),
  • le procureur de la République.
  • Les autres individus (médecin, assistante sociale, etc.) peuvent uniquement faire un signalement auprès du procureur de la République.

Où déposer la demande de protection juridique ? La requête de protection juridique doit être adressée au greffe du tribunal d’instance dont dépend le domicile du majeur. Il convient d’y :

  • préciser l’identité de la personne âgée et du requérant,
  • expliquer les raisons de la demande de protection juridique.

Le requérant doit également fournir un certificat médical circonstancié. Ce document, rédigé par un médecin choisi sur une liste établie par le procureur de la République, doit :

  • décrire la perte des capacités de la personne âgée,
  • indiquer l’effet de cette dégradation,
  • préciser si l’audition de la personne à protéger est susceptible d’avoir un effet délétère sur sa santé mentale ou physique.

2.3. Protection juridique et accompagnement social

Une réforme de la protection des majeurs est définie par la loi du 5 mars 20074, entrée en application en 2009. La nouvelle loi vise à mettre fin aux confusions entre la protection juridique et l’action sociale en distinguant clairement les mesures de nature sociale (qui préservent la capacité juridique de la personne à protéger) des mesures de nature civile, prononcées par le juge des tutelles.

Il s’agit tout d’abord de recentrer la protection juridique sur les personnes réellement atteintes d’une altération des facultés mentales. Désormais, la mise sous tutelle ou sous curatelle d’une personne n’est possible que si une altération des facultés est constatée par un certificat médical circonstancié. Sont ainsi supprimés les motifs de « prodigalité, intempérance ou oisiveté ». Pour les personnes majeures, bénéficiaires de prestations sociales, dont les facultés ne sont pas altérées mais qui sont en grande difficulté sociale, deux mesures d’accompagnement sont mises en place :

  • les mesures d’accompagnement social personnalisé (MASP) font l’objet d’un contrat comprenant des engagements réciproques entre le département en charge de la mesure et la personne majeure à protéger,
  • les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ), mesures contraignantes prononcées sur demande du procureur de la République.

Ces mesures n’entraînent pas d’incapacité juridique. Les 68 000 tutelles aux prestations sociales adultes (TPSA) auraient dû être transformées.

Par ailleurs, la loi renforce les droits de la personne protégée. La personne est obligatoirement entendue lors de la procédure de mise sous tutelle. Les décisions en matière de santé et de logement sont prises par la personne concernée (dans la mesure de ses possibilités), le tuteur n’ayant sur ces sujets qu’un rôle d’information et d’aide. Une nouvelle procédure est créée avec le mandat de « protection future ». Il prévoit les modalités d’une éventuelle protection, par la désignation à l’avance par le majeur concerné de la personne chargée de veiller sur ses intérêts et sa personne en cas de besoin. Ce mandat s’applique dès que l’altération des capacités est médicalement constatée, sans qu’un juge n’ait à intervenir. Enfin, la privation des droits civiques devient l’exception.

Depuis la loi sur le handicap de 2005, Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. Les droits civiques sont introduits dans le texte de 2007 sous forme d’amendement : lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, le juge statue sur le maintien ou la suppression du droit de vote de la personne protégée.

Bibliographie

Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, JO 7 mars.

J. Carbonnier, Droit civil, Tome I “Introduction, les personnes, la famille”, PUF, Coll. Quadrige, 2004, n° 193, p. 372.

M. Bruggeman, “L’administration légale à l’épreuve de l’autorité parentale”, PUAM, 2002.

P. Salvage-Gerest, “Les actes dont la nature implique le consentement strictement personnel du majeur en tutelle (C. civ. art. 458. – L. no 2007-308, 5 mars 2007) : une catégorie à revoir d’urgence”, Dr. Famille 2009, étude 17.

J. Massip, “Tutelle des mineurs et protection juridique des majeurs”, DefrénoisCollection, 2009.

V. H. Capela et M. Bruggeman, “L’expression anticipée de la volonté individuelle en droit des personnes et de la famille”, in De la volonté individuelle (sous la dir. M. Nicod), coll. Les travaux de l’IFR “Mutation des normes juridiques” no 10/2009, Presses Université Toulouse 1 – Capitole.

M. Bruggeman, “Personnalité, incapacité, vulnérabilité”, p. 85-94, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013.

SITOGRAPHIE

https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1558

https://www.justice.fr/themes/mesures-protection-majeurs

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/N155

https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Mesures_protection_juridique.pdf

https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/aider-un-proche/proteger-son-proche-les-mesures-juridiques/les-differentes-mesures-de-protection

https://www.senat.fr/lc/lc148/lc1480.html

http://protection-juridique.creaihdf.fr/content/les-m%C3%A9tiers-de-la-protection-juridique-tutelles-curatelles-tutelles-aux-prestations

https://www.wikiterritorial.cnfpt.fr/xwiki/wiki/encyclopedie/view/fiches/Dispositions%20communes%20applicables%20%C3%A0%20la%20protection%20l%C3%A9gale%20des%20personnes%20physiques/

fr.wikipedia.org/wiki/Personne_physique_en_droit_français

fr.wikipedia.org/wiki/Capacité_juridique_en_France

vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-handicap/protection-juridique


[6]

  1. ^ Code. civ. art. 425 - L’ancien article 490, issu de la loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 précisait déjà que “Lorsque les facultés mentales sont altérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, il est pourvu aux intérêts de la personne par l’un des régimes de protection (…). Les mêmes régimes de protection sont applicables à l’altération des facultés corporelles si elle empêche d’expression de sa volonté. L’altération des facultés mentales ou corporelles doit être médicalement constatée”.
  2. ^ Maryline Bruggeman, Maître de conférences, Université Toulouse 1 Capitole, Institut de droit privé ,© Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013
  3. ^ J. Carbonnier, Droit civil, Tome I “Introduction, les personnes, la famille”, PUF, Coll. Quadrige, 2004, n° 193, p. 372.
  4. ^ Loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, JO 7 mars

Auteur(s) :

FRITZ-LEGENDRE Myriam

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