Hiérarchie des normes juridiques et sa sanction

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Notions clés

Toutes les sources précitées de la légalité n’ont pas la même valeur juridique. Il existe en effet une hiérarchisation des normes, hiérarchisation des normes voulue non seulement par le constituant, mais rendue effective et complète par la jurisprudence.

Sommaire

1. La nécessaire conformité des normes inférieures aux normes supérieures

1.1. Traité et loi

L’article 55 de la Constitution de la Ve République pose le principe de la primauté du traité sur la loi :

"Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l’autre partie".

Remarque :

De manière traditionnelle, depuis la décision IVG du 15/01/1975, le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, se refuse à censurer la violation d’un traité par une loi, au motif qu’"une loi contraire à un traité n’est par pour autant contraire à la Constitution".

Le contrôle de la conformité de la loi aux traités, appelé contrôle de conventionnalité, est assuré par les juridictions de l’ordre judiciaire comme les juridictions de l’ordre administratif.

1.2. Traité et Constitution

Si les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés, ainsi que les principes généraux du droit communautaire ont, pour le juge interne, une valeur supra-législative, ils ont, en revanche, une valeur infra-constitutionnelle.

L'arrêt Sarran et autres, rendu par l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État le 30/10/1998, et l’arrêt Dlle Fraisse, rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 02/06/2000, posent le principe de la supériorité de la Constitution sur les traités.

Aux termes des juridictions françaises, "la suprématie ainsi conférée aux engagements internationaux [par l’article 55 de la Constitution] ne s’applique pas, dans l’ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle".

Cette position obéit à une logique juridique imparable dans la mesure où le juge ordinaire se refuse traditionnellement à vérifier la conformité d’une loi à la Constitution puisque ce rôle est constitutionnellement imparti au Conseil constitutionnel. Dès lors, le juge ordinaire ne peut qu’adopter une position analogue en ce qui concerne la vérification de la conformité d’un traité à la Constitution.

Le contrôle de conventionnalité :

Pour les juridictions de l’ordre judiciaire : la primauté du traité sur la loi, qu’elle soit antérieure ou postérieure au traité, est assurée depuis l’arrêt Société des cafés Jacques Vabre du 24/05/1975.

Pour les juridictions de l’ordre administratif : si la primauté du traité sur une loi antérieure à ce dernier a été admise dès 1978, la reconnaissance de la primauté du traité sur une loi postérieure n’a été admise qu’avec le célèbre arrêt d’assemblée Nicolo du 20/10/1989.

Portée du contrôle : le juge écarte l’application de la loi contraire à un traité pour la résolution du litige mais elle reste dans l’ordre juridique.

1.3. Loi et Constitution

La loi doit être conforme à la Constitution.

Elle est donc située en dessous des normes constitutionnelles.

Le Conseil constitutionnel est par ailleurs chargé du contrôle de la conformité de la loi à la Constitution par les articles 61 et 61-1 de la Constitution, ce qui explique que le Conseil d’État se refuse à exercer un tel contrôle. Une loi ordinaire ne peut empiéter dans le domaine de la loi organique, ni méconnaître les dispositions d’une telle loi.

La question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.), applicable en France depuis le 01/03/2010, aboutit à réaffirmer avec vigueur la supériorité de la Constitution sur la loi.

1.4. Loi et normes de l’U.E. de droit dérivé

La loi doit être conforme aux règlements de l’UE (CE, 24/09/1990, Boisdet).

La loi doit être conforme aux directives de l’UE (CE, Ass., 28/02/1992, S.A. Rothmans international).

La loi doit être conforme aux principes généraux du droit communautaire – droit de l’U.E. (C.E., 07/07/2006, Sté Poweo).

1.5. Loi et règlement

Les lois s’imposent à l’ensemble des normes réglementaires.

Un règlement qui empiète dans le domaine de la loi est illégal et peut être annulé par la juridiction administrative.

Le règlement est donc situé en dessous de la loi.

Une loi qui empiète dans le domaine du règlement n’en est pas pour autant déclarée inconstitutionnelle. Le gouvernement peut, en effet, toujours modifier la loi litigieuse promulguée par l’intermédiaire de la procédure de délégalisation prévue par l’article 37, alinéa 2 de la Constitution.

1.6. Règlement et jurisprudence

Les actes réglementaires doivent respecter les principes ou règles issus de la jurisprudence, au premier rang desquels figurent les PGD. Ces derniers ont, selon la thèse soutenue par René Chapus, une valeur infra-législative et supra-décrétale.

Il existe également une hiérarchie dans le domaine réglementaire entre les autorités titulaires du pouvoir réglementaire : les arrêtés du maire, pris en qualité d’agent de l’État, doivent se conformer aux arrêtés préfectoraux qui doivent, eux-mêmes, se conformer aux arrêtés ministériels.

1.7. Règlement et acte individuel

Les actes individuels doivent respecter les actes réglementaires en vigueur dans le domaine dans lequel ils interviennent.

Vers une évolution du rôle du Conseil d'État ?

En 2005, les commentateurs du Code constitutionnel T. S. Renoux et R. ABRAHAM, soulignaient qu’on pouvait s’interroger sur la possible évolution du rôle du Conseil d’État. En effet, si ce dernier assure le contrôle de conventionnalité, à savoir le contrôle de la conformité de la loi aux traités, il "pourrait être amené à exercer, matériellement, un quasi-contrôle de constitutionnalité", dans la mesure où les conventions internationales contiennent des dispositions "qui sont identiques, en substance, à des règles et principes de valeur constitutionnelle".

(T. S. Renoux et M. de Villiers, Code constitutionnel 2005, éd. Litec)

Pyramidedesnormes.png

2. La sanction du non-respect de la hiérarchie des normes par le juge administratif : le contrôle de légalité

Le juge administratif doit s’assurer que l’édiction de la norme réglementaire satisfait au principe de légalité en fonction de la hiérarchie des normes établie préalablement.

2.1. La Constitution est la norme suprême

Les droits et libertés qui sont consacrés dans le corps de la Constitution ne peuvent être méconnus par l’autorité investie du pouvoir réglementaire. Le Conseil d’État admet également la valeur juridique des dispositions du préambule de la Constitution de 1958 (CE, 12/02/1960, Sté Éky).

Avant la consécration de la QPC., le juge administratif n’annulait les actes administratifs contraires à la Constitution qu’à la condition qu’ils n’aient pas été pris conformément à une loi : si l’acte administratif critiqué était intervenu en exécution d’une loi et conformément à celle-ci, la loi faisait alors "écran", empêchant ainsi le juge administratif d’en vérifier la constitutionnalité puisqu’il se refuse à procéder à tout contrôle de la constitutionnalité des lois. Il s’agit d’une position traditionnelle du Conseil d’État (jurisprudence Arrighi de 1936) qui va probablement disparaître avec le mécanisme de la QPC.

En principe, les traités internationaux et les règles de droit international s’imposent à l’administration française, sous réserve, pour les seuls traités ou accords, d’avoir été ratifiés ou approuvés, et régulièrement publiés (un effet direct doit également leur être reconnu).

Depuis l’arrêt de l’Assemblée du contentieux Nicolo du 20/10/1989, le juge administratif censure tout acte administratif comportant des dispositions contraires à un traité ou un accord même si celles-ci sont conformes à une loi postérieure au traité ou à l’accord.

Il a en outre proclamé l’impossibilité d’édicter des mesures réglementaires contraires aux objectifs définis par une directive communautaire – directive de l’U.E. désormais (CE, 07/12/1984, Féd. française des stés de protection de la nature).

La conciliation entre le principe de la suprématie de la Constitution et le principe de l’exigence de transposition d’une directive de l’U.E. peut parfois entrer en conflit lorsque la transposition de la directive conduit à l’adoption d’une mesure législative ou réglementaire contraire aux normes contenues dans le bloc de constitutionnalité.

Cas où un décret transposant une directive de l’UE est contesté au contentieux :

Le juge administratif doit rechercher s’il existe une règle ou un principe général du droit communautaire – droit de l’UE – qui garantit l’effectivité du respect de la règle ou du principe de valeur constitutionnelle.

Si tel est le cas, le juge administratif doit rechercher si la directive que le décret transpose est conforme à cette règle ou à ce principe général du droit communautaire.

En cas de difficultés, il doit saisir la CJUE d’une question préjudicielle.

La CJUE détient le monopole de l’appréciation de la validité du droit communautaire dérivé – désormais droit de l’UE – (principalement, règlements et directives).

En revanche, s’il n’existe pas de règle ou de principe général du droit communautaire garantissant l’effectivité du respect de la règle ou du principe constitutionnel invoqué devant lui, le juge administratif doit examiner directement la constitutionnalité des dispositions réglementaires contestées (CE, Ass., 08/02/2007, Sté Arcelor).

2.2. Le juge administratif sanctionne également les atteintes à la loi par le règlement

Les PGD constituent une norme de référence du juge administratif lorsqu’il exerce le contrôle de légalité de la norme réglementaire, bien que leur place dans la hiérarchie des normes soit discutée en doctrine. Les PGD ont une valeur juridique supérieure à celle des décrets.

La jurisprudence constitue également une référence pour le juge administratif dans l’examen du contrôle de légalité du règlement.

Le contrôle de légalité exercé par le juge administratif repose sur l’application directe, dans un État de droit, du principe de la hiérarchie des normes juridiques. Le principe de légalité peut cependant connaître des atténuations que l’on peut qualifier d’ "atteintes" en ce qu’elles dérogent aux principes établis.

Sanctions par le juge administratif des atteintes à la loi par le règlement :

Le juge ne sanctionne que les règlements incompatibles avec la loi, ce qui aboutit à une position relativement souple de sa part : la légalité ne s’analyse pas ici "en un rapport de conformité mais de simple compatibilité avec la loi". (M. Azibert, Maître des Requêtes au Conseil d’État)

Sont sanctionnées :

  • la violation de l’esprit de la loi,
  • la dénaturation de ses dispositions,
  • le refus de prendre des mesures réglementaires d’exécution de la loi dès lors qu’un délai raisonnable s’est écoulé (CE, Sect., 26/07/1996, Assoc. lyonnaise de protection des locataires (ALPL) ; CE, 27/07/2005, Synd. national des pharmaciens praticiens hospitaliers),
  • l’inaction en la matière.

Le Conseil d’État a la faculté d’enjoindre le titulaire du pouvoir réglementaire de s’acquitter de son obligation d’agir sous peine de s’acquitter d’une astreinte. L’inaction du pouvoir réglementaire peut entraîner la responsabilité de l’État (CE, 27/07/2005, Assoc. Bretagne Ateliers).

Auteur(s) :

VEROT Laurence

Thématique(s) :

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT