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Les concours de la FPT

Dernière mise à jour : janvier 2020
 

Une organisation de travail peut se définir comme un ensemble de moyens humains, financiers et techniques mis en œuvre pour répondre à la satisfaction d’un besoin.

Pour une Administration ce besoin consiste à gérer des missions de service public.

Dans ce cadre, le management consiste à organiser l’ensemble des moyens mis à disposition au sein de l’organisation dans l’objectif d’atteindre les résultats attendus.

La finalité permanente du management vise à concevoir une organisation de travail adéquate, performante, afin de répondre aux missions de la collectivité. Les moyens humains représentent un paramètre important de gestion de l’organisation.

Par conséquent, les relations entre les individus constituent une préoccupation importante. Ce souci d’organiser la relation entre les individus va se concrétiser dans différentes conceptions.

Historiquement, différentes théories des organisations se sont succédées afin de proposer des modèles d’efficacité optimale de collaboration des individus entre eux.

Tout d’abord, un besoin de rationaliser la relation entre les individus va se manifester à travers une vision mécaniste d’ingénieur, avec les travaux fondateurs de Frederick Taylor, Max Weber.

Il s’exprimera aussi dans une seconde étape, avec le courant des relations humaines, lequel essaie de comprendre, de canaliser et tirer parti des comportements et des motivations humaines.

Une 3ème étape va promouvoir la recherche d’une plus grande autonomie confiée aux collaborateurs, avec la mise en place des concepts de management par objectifs et d’organisation apprenante.

Néanmoins, pour appréhender le fonctionnement réel d’une organisation, il convient aussi d’avoir à l’esprit les apports de l’approche sociologique développés notamment dans le cadre de l’Analyse Stratégique des Organisations

Enfin, ces dernières années, de nouvelles pratiques se développent au sein des administrations pour permettre à l’action publique de faire face à la complexité : l’innovation publique permet de concevoir autrement les politiques publiques.

1. L’école classique des organisations. 1900 à 1930 : Taylor et Weber

1.1. La vision mécaniste de Taylor

Taylor fonde sa théorie sur une approche scientifique de l’étude des organisations. Ses constats sont les suivants :

  • le rôle de l’encadrement est mal rempli du fait d’un encadrement incompétent car mal formé.
  • les salariés restreignent le volume de leur production et ne travaillent pas au maximum de leur possibilité.
  • les méthodes de travail sont inefficaces et sont à l’origine de ce que Taylor qualifie de « flânerie systématique »

Pour remédier à ces difficultés, Taylor préconise le respect de 3 postulats qui permettent d’obtenir une organisation de travail performante

1.1.1. Rationalité unique : l’organisation du travail procède d’une analyse scientifique

  • diviser le travail en temps élémentaires, repérer tous les mouvements inutiles et les éliminer
  • étudier comment plusieurs ouvriers habiles, pris l’un après l’autres, exécutent chaque opération
  • décrire chaque mouvement élémentaire et enregistrer le temps nécessaire à sa réalisation
  • reconstituer les combinaisons de mouvements élémentaires que l’on retrouve le plus souvent dans les travaux de l’atelier, enregistrer les temps de ces groupes de mouvements et les classer.

L’analyse des temps et des mouvements, le travail des “bureaux des méthodes“ aboutissent à un accroissement énorme de productivité, tout en créant le “travail en miettes“ qui sera stigmatisé par la suite.

1.1.2. La division des rôles : conception et exécution.

La vision taylorienne des postes de travail sépare les fonctions de conception (le rôle de l’ingénieur et des spécialistes) de l’exécution (le travail de l’opérateur).

Ce modèle est à l’origine du fondement des catégories administratives dans l’Administration en France.

1.1.3. La motivation économique : le salaire différentiel.

Taylor avait remarqué que lorsqu’on affecte un certain nombre d’ouvriers à un travail similaire et qu’on les paie à un tarif journalier uniforme, les meilleurs ralentissent leur vitesse d’exécution jusqu’à ce qu’elle rejoigne celle des moins productifs. Il préconise donc un système de salaire différentiel.

Ce supplément de salaire n’est pas uniquement destiné à obtenir de l’ouvrier qu’il augmente volontairement sa cadence, mais aussi à lui faire accepter de travailler selon un système d’organisation qui le dépouille de toute initiative et qui ne requiert d’eux que l’obéissance aux instructions.

1.2. La théorie de Weber

Il met au point une théorie sur les structures d’autorité afin de classer les organisations.

Il se demande pourquoi les individus obéissent aux ordres.

Il fait la distinction entre le pouvoir qui est l’aptitude à forcer l’obéissance et l’autorité qui est l’aptitude à faire observer volontairement les ordres. Dans un système d’autorité, les subordonnés acceptent les ordres parce qu’ils sont légitimes.

Weber distingue 3 types d’organisation selon la manière de légitimer l’autorité :

  • l’organisation charismatique basée sur les qualités personnelles du leader. Ce type d’organisation est toutefois instable par sa construction.
  • l’organisation traditionnelle au sein de laquelle l’autorité est basée sur la coutume et les usages. Le chef détient l’autorité en vertu du statut dont il a hérité.
  • l’organisation bureaucratique. C’est pour Weber l’organisation la plus performante car la hiérarchie est clairement définie, l’autorité est institutionnelle, inscrite dans les statuts. Elle est formalisée dans les contrats de travail. Les responsables d’un service ont des fonctions spécifiques, ils ne donnent des ordres qu’à leurs subordonnés directs.

Le modèle proposé par Weber est rationnel et sécurisant. Toutefois, il suppose un environnement stable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

2. L’école des relations humaines (1920 à 1970)

La crise de 1929 est à l’origine d’un certain mouvement de contestation de la pensée classique et de son rationalisme.

L’école des relations humaines critique l’école classique parce qu’elle néglige la nature humaine du travail et les motivations ou frustrations des salariés.

Elle étudie l’attitude des hommes au travail, leur psychologie et le comportement des groupes de travail. Elle accorde donc à la dimension humaine de l’entreprise une place essentielle.

2.1. L'expérience de l'usine Hawthorne

Il s’agit d’une expérience menée à l’usine Hawthorne de la compagnie d’électricité Western Electric à Chicago, où l’on produit notamment des relais téléphoniques et des câbles.

Cette expérience, conduite sous la direction d’Elton Mayo, professeur à Harvard, est lancée en 1927 jusqu’en 1932. Six ouvrières assemblent des relais téléphoniques au sein de l’atelier où est conduite cette expérience.

L’expérience se déroule par phase de plusieurs semaines, chaque nouvelle phase étant marquée par l’introduction d’un changement. Parmi ces différentes phases, peuvent être cités : la rénovation de la couleur des murs de l’atelier ; l’amélioration de la luminosité ; l’introduction d’un salaire collectif aux pièces ; la mise en place de période de repos…

A chaque nouveau changement, le rendement des ouvrières augmente constamment et cela se poursuivra même au cours de la dernière phase au cours de laquelle tous les avantages accordés précédemment seront supprimés.

Cette expérience montre donc un décalage entre le comportement attendu et le comportement observé

L’explication avancée est la suivante :

  • les ouvrières ont témoigné un sentiment de fierté d’appartenir à un groupe particulier. C’est la manière pour elles de se valoriser. On est en présence d’une réaction nommée par la suite “effet de Hawthorne“, et que l’on peut résumer schématiquement en disant que les gens réagissent positivement au fait que l’on s’occupe d’eux pour améliorer leur situation, surtout s’ils sont dans une faible position dans l’entreprise.
  • le travail en groupe restreint a généré une série de relations informelles entre elles. Ainsi il a été remarqué par exemple que les ouvrières produisaient chacune individuellement un nombre de pièces identique à celui des autres, sans même qu’elles se le disent. Il existait une norme informelle de production qui contraignait chacune à produire autant que les autres. Cette vie de groupe avait une influence très importante sur la production de chacune des ouvrières
  • modification sensible du rôle de l’encadrement (vers un rôle d’écoute et de conseil). Il appelle ce phénomène la “friendly supervision“. L’augmentation du rendement s’explique par cette “encadrement bienveillant“.

Conclusion

L’expérience montre que ce qui explique le comportement des individus au travail, ce n’est pas tant les conditions de travail, mais ce qui est le plus prégnant c’est que l’on s’intéresse aux individus et que l’on considère leur travail. Cela remet en cause toute l’approche taylorienne du travail.

D’autres théories vont confirmer cette approche.

2.2. La pyramide des besoins d'Abraham Maslow (1908-1970)

Cette théorie, proposée par MASLOW Abraham en 1954, repose sur l'hypothèse que la source de motivation se renouvelle dès que les besoins du niveau inférieur ont été satisfaits. Cette réflexion a conduit Maslow à proposer un modèle qui, sous la forme d'une pyramide, hiérarchise les besoins en cinq niveaux :

  • les besoins physiologiques élémentaires

C'est le niveau le plus bas de la pyramide. Les besoins de manger, de boire, de se reproduire l'emportent sur tout autre et un individu pourrait être amené à reconsidérer ses ambitions pour les satisfaire, voire dans des cas extrêmes à mettre sa sécurité en jeu. À ce niveau, les questions portent essentiellement sur le salaire.

  • les besoins de sécurité

Ce  niveau  devient  l'objet  d'attention  que  lorsque  les  besoins  physiologiques élémentaires ont été satisfaits. Dans le champ des organisations, il s'agit de la sécurité de l'emploi, du niveau d'agressivité dans les relations professionnelles et du sentiment global d'ordre. L'organisation peut mettre en avant la pérennité du poste, la sécurité offerte par un cadre réglementaire, par un statut ...

  • les besoins sociaux

Ce sont les besoins d'appartenance, d'affiliation. La volonté d'être admis au sein d'un groupe conduit l'individu à construire des relations qui vont au-delà des nécessités professionnelles, qui seront plus chaleureuses. Le manager développera le collectif professionnel et si possible des activités visant à renforcer la cohésion.

  • les besoins d’estime

Les agents désirent être acceptés et reconnus. Acceptés pour eux-mêmes, pour ce qu'ils sont, pour leurs qualités et reconnus pour leurs résultats. Les responsables auront à valoriser le travail accompli, à en souligner la difficulté, à reconnaître les compétences individuelles et collectives.

  • les besoins de réalisation de soi

C'est devenir ce qu'on peut être, ce qu'on est capable d'être par le développement de son potentiel. Ce besoin d'accomplissement peut être satisfait par la participation à des activités relevant du niveau hiérarchique supérieur (établissement des objectifs de son unité, délégations ...), par des missions complexes, par des marges d'autonomie importantes. Ce niveau d'auto-actualisation, situé en haut de la pyramide, correspond donc à un besoin alors que les autres relèvent d'un manque.

Dans cette théorie, les besoins d'un niveau supérieur ne constituent une source de motivation que si les besoins du niveau inférieur ont été satisfaits.

Lorsqu'un besoin est satisfait, il n'est plus une source de motivation.

Les enseignements de la théorie des besoins

  • la motivation résulte de la volonté de satisfaire de nouveaux besoins
  • pour maintenir la motivation des individus, l’organisation doit créer de nouveaux enjeux pour les individus.

2.3. La théorie de la motivation de Frédérick Herzberg (1923)

Il est professeur de psychologie à l’université de Cleveland.

Depuis plus de 20 ans, il conduit de nombreuses recherches sur les motivations humaines au travail et l’adéquation des méthodes d’organisation du travail aux besoins de l’homme.

A partir de là, Herzberg a fait de nombreuses enquêtes empiriques qui lui ont permis de déterminer des facteurs de satisfaction au travail et des facteurs qui sont sources de mécontentement.

Les facteurs de satisfaction sont :

  • l’accomplissement personnel
  • la reconnaissance (considération)
  • le travail proprement dit
  • la responsabilité
  • l’avancement (la promotion)

Ces facteurs de motivation entraînent des changements d’attitude durables s’ils sont satisfaits.

Ils sont valorisants et décrivent les relations de l’homme avec ce qu’il fait.

Les facteurs contribuant à la motivation sont des facteurs permettant le développement personnel.

Pour Herzberg, il faut revoir complètement la répartition des tâches et d’une manière totalement différente de celle de Taylor.

Au lieu de rationaliser et de simplifier le travail pour accroître la productivité, il faut l’enrichir en tenant compte des paramètres de motivation : il convient de confier aux collaborateurs des tâches plus complexes, plus de liberté et de responsabilité.

3. L’école néo-classique

Dans cette approche, l’accent est mis sur la décentralisation comme réponse à la complexité de l’environnement, la compétitivité par l’intégration des acteurs à partir des valeurs et de la culture de l’entreprise.

Les concepts-clés sont :

  • La Direction Par Objectifs (P. DRUCKER)
  • Le rôle de capteur/diffuseur d’information du manager (Henry MINTZBERG)
  • L’organisation apprenante (Peter SENGE)

3.1. Le management par objectif

Cette philosophie du management repose sur deux principes essentiels. D’une part, tout manager, du directeur général à l’agent de maîtrise, doit avoir des objectifs formalisés et déclinés du but de l’entreprise. D’autre part, si chaque manager doit être tenu responsable des résultats de son activité, c’est à lui, et à lui seul, de contrôler ce qu’il fait pour atteindre ses objectifs.

La déclinaison en cascade des objectifs opérationnalise le but de l’entreprise. Elle le convertit en cibles à atteindre le long de la ligne hiérarchique. Les objectifs permettent de mesurer la performance de chacun des contributeurs.

On n’est jamais performant dans l’absolu, toujours par rapport à quelque chose. Dans le MPO, la performance est mesurée à partir du résultat du travail, pas la manière de le réaliser. Est performant celui qui, à l’issue d’une période donnée, produit des résultats à la hauteur des objectifs fixés dans le cadre des ressources allouées à cet effet. Pour Peter Drucker donc, sans objectif, point de performance

3.2. Le manager est un animateur (Henry Mintzberg)

Prenant en compte la nécessité pour les organisations d’évoluer dans le sens d’une plus grande déconcentration des responsabilités, il va redéfinir l’évolution du rôle de manager.

Dans une vision taylorienne, le cadre a pour responsabilité essentielle de définir le travail, le répartir et le contrôler. Dans une vision plus déconcentrée de l’organisation où chaque individu développe une autonomie accrue dans la réalisation de ses missions, le cadre se positionne davantage en accompagnateur.

L’une de ses missions essentielles pour Mintzberg consiste à diffuser le bon niveau d’information au sein de ses équipes pour les aider à progresser ; il devient capteur, diffuseur d’information. Il contribue ainsi à améliorer l’organisation dont il a la charge, à l‘adapter à tout type de changement dans les conditions de son environnement.

3.3. L'organisation apprenante (Peter Senge)

Les organisations sont aujourd’hui confrontées à des environnements mouvants qui obligent à s’adapter de manière fluide à des situations chaque fois différentes. L’organisation doit apprendre à s’adapter en permanence. On parle de plus en plus dans le milieu des entreprises, des administrations, ainsi que dans le milieu associatif d’« organisations apprenantes ».

Dans ce contexte, il est illusoire de croire que seul le chef est en mesure de régler à lui seul et de manière arbitraire les problèmes qui se posent à l’organisation.

Peter Senge s’intéresse aux responsables d’entreprise qui veulent faire de leur entreprise : une entreprise apprenante. Il donne une définition « idéale » de l’organisation apprenante : c’est un lieu où « les personnes augmentent continuellement leurs capacités de créer les résultats qu’ils désirent vraiment, où de nouveaux modèles de pensée sont développés, où les aspirations collectives sont encouragées et où les individus apprennent continuellement comment apprendre ensemble ».

Les pré-requis pour la mise en place d’une telle organisation sont les suivants. Il convient pour chacun des membres :

  • d’avoir une vision plus large et de prendre du recul par rapport aux situations immédiates souvent trop absorbantes.
  • d’avoir un haut niveau de compétence dans sa fonction
  • de remettre en cause des schémas mentaux. À la fois des siens propres, ce qui est un des éléments de la maîtrise personnelle et ceux de l’organisation dans son entier. En effet beaucoup de comportements, individuels et collectifs, prennent racine sur des modèles mentaux inadéquats ou archaïques.
  • de développer des méthodes d’apprentissage en équipe, dont l’objectif est l’émergence d’une synergie qui rend l’équipe plus intelligente que la somme des intelligences de ses membres. Elle prend appui sur une communication transparente et la pratique d’un dialogue sain et constructif.

Une organisation apprenante doit donc développer l’art de la conversation, c’est-à- dire, mettre en place tous les mécanismes permettant aux employés et aux gestionnaires de s’exprimer librement, sur les bonnes choses comme les mauvaises.

4. L’approche sociologique des organisations

Le point commun des approches que nous venons de voir est celui-ci : l’organisation, sa structure, ses modes de fonctionnement, sont dictés par l’environnement dans lequel elle évolue.

Les organisations ont été longtemps analysées comme des réponses à des contraintes objectives, venant de l’extérieur.

Leur problème, dans cette perspective, est d’abord un problème d’adaptation à cet environnement.

Dans l’approche sociologique des organisations, l’organisation ne s’adapte pas mécaniquement aux contraintes extérieures. Les acteurs au sein de l’organisation ont toujours des choix possibles ; ils en débattent, construisent une organisation dont les résultats sont ensuite sanctionnés par l’extérieur. Mais l’environnement ne dicte pas l’organisation. L’un et l’autre sont largement autonomes.

Michel Crozier et Erhard Friedberg ont été parmi les premiers à proposer d’étudier l’organisation comme un phénomène autonome, c’est-à-dire obéissant à ses propres règles de fonctionnement et non déterminées par des contraintes extérieures.

Leur critique des théories antérieures porte sur le fait qu’elles concevaient l’individu ou le groupe “ dans le vide ”, c’est-à-dire d’une part à partir de leurs besoins pris dans l’absolu, d’autre part indépendamment de leurs stratégies personnelles.

L’option de l’analyse stratégique apparaît aujourd’hui la plus pertinente pour comprendre le phénomène organisationnel. On ne peut y entrer qu’en admettant certaines bases théoriques, des postulats.

4.1. Le premier postulat : le comportement des individus est le produit d’une stratégie

Chaque individu répond par son comportement à une situation qu’il vit. D’où l’idée d’un comportement actif.

Les hommes n’acceptent jamais d’être traités comme des moyens au service de buts que les organismes fixent à l’organisation. Chacun a ses objectifs, ses propres buts.

Ceux-ci ne sont pas forcément opposés à ceux des organisateurs, mais ils peuvent l’être. Simplement, ils sont propres à chacun des acteurs

Il n’y a donc pas de rationalité unique. Chacun poursuit ses propres objectifs et l’organisation vit avec cette multiplicité plus ou moins antagoniste.

4.2. Le deuxième postulat : chaque acteur dispose d’une marge de liberté

Dans une organisation, tout acteur garde une possibilité de jeu autonome, qu’il  utilise toujours plus ou moins. Cette affirmation est au centre de l’analyse stratégique. Elle est vraie de toutes les situations, même des institutions totalitaires comme les prisons ou même les camps de concentration.

On ne peut comprendre le fonctionnement réel d’une organisation sans prendre en compte cette réalité (relative mais réelle) de la liberté de l’acteur. L’analyse stratégique va braquer le projecteur vers elle. Mettre l’accent sur cette autonomie, c’est aussi le faire sur le moyen de régulation de ces libertés qu’est le pouvoir. Celui-ci sera alors au centre de l’analyse stratégique, car il est le corollaire de l’autonomie. Si les acteurs sont autonomes, ils engagent leur autonomie dans les zones mal réglementées de l’organisation. Ces autonomies se combinent dans les jeux de pouvoir, le pouvoir central essayant de contrôler l’autonomie des acteurs qui, à leur tour, tentent de lui échapper.

4.3. Le troisième postulat : les relations de travail sont aussi des relations du pouvoir

En effet, dans l’approche stratégique des organisations, toute relation comporte une dimension de pouvoir. Le problème qui se pose à l’individu est “ comment vais-je pouvoir m’affirmer ? ” Pour exister, pour intervenir comme un acteur dans son travail, il faut s’affirmer avec d’autres et coopérer. Cette coopération fait nécessairement intervenir un jeu de pouvoir.

Dans la relation entre celui qui cherche à exercer un pouvoir (A) et celui qui la reçoit (B), tout d’abord, il y a une certaine forme d’échange.

A a intérêt à ce que B se comporte d’une certaine façon, mais B peut chercher à monnayer son obéissance. Une sorte de contrat tacite peut ainsi s’instaurer.

Plus globalement, on doit bien considérer que beaucoup d’individus détiennent une parcelle de pouvoir. Même s’il y a évidemment des individus ou des groupes qui en détiennent plus que d’autres, personne n’en est tout à fait dépourvu. Le fonctionnaire, même subalterne, qui peut rejeter votre demande et vous faire venir une seconde fois à son guichet, la secrétaire qui seule sait où est classé tel dossier.

Il faut donc éviter de voir le pouvoir comme quelque chose qui existe en quantité définie au sein de l’organisation, de telle manière que ce que gagnerait l’un serait enlevé à l’autre. Le pouvoir n’est pas figé. La question du “partage“ du pouvoir ne se résout pas à l’attribution de parts d’un gâteau qui serait fixe. Il faut donc plutôt parler d’équilibre ou de régulation du pouvoir.

Le pouvoir est donc une relation et non un attribut

Aussi, faut-il distinguer le pouvoir hiérarchique du chef de son pouvoir réel au sein de l’organisation.

En effet, un aspect fondamental de la notion sociologique de pouvoir, c’est que le pouvoir dans une organisation est quelque chose de réparti, et qu’il serait trop simple d’y voir seulement l’affrontement entre les gouvernants (détenteurs de toutes les sources de pouvoir) et les gouvernés (totalement démunis).

Il n’est jamais vrai que le supérieur, par le seul fait qu’il soit supérieur, puisse obtenir ce qu’il veut.  Il doit  préparer  le terrain, manœuvrer,  avoir  un comportement  stratégique pour  y parvenir. Sa simple position hiérarchique n’y suffit pas.

L’idée qu’il y ait une relation d’échange entre le chef et son subordonné est confirmée également dans l’approche économique moderne. Plus que sur l’autorité formelle, les relations supérieur/subordonné sont aujourd’hui fondées sur une offre et une demande de “services informels“ que ces deux partenaires vont s’échanger.

Le subordonné fera montre de diligence, par exemple, en échange de perspectives de promotion.

Le pouvoir sera d’autant plus grand que l’auteur maîtrisera une zone d’incertitude. Michel Crozier et Erhard Friedberg en énumèrent  4 :

  1. La 1ère source de pouvoir est la maîtrise d’une expertise. L’expert est le seul qui dispose du savoir-faire, des connaissances et de l’expérience du contexte qui lui permettent de résoudre certains problèmes cruciaux pour l’organisation.
  2. la deuxième source du pouvoir dans les organisations réside dans la maîtrise des relations avec l’environnement.  La force  de celui qui maîtrise les relations avec l’environnement  et  les  communique  à  l’entreprise  vient  de  ce  qu’il  détient  la connaissance des réseaux à la fois dans les deux domaines.
  3. La troisième source du pouvoir est proche de cette dernière. Il s’agit de la communication, de l’information. Rien n’est sans doute plus difficile à organiser qu’un bon réseau de communications.
  4. Dernière source de pouvoir répertoriée : l’utilisation des règles organisationnelles.

Ont le pouvoir, les acteurs qui peuvent créer ou modifier les règles au sein de l’organisation (donc est visée ici la hiérarchie).

Les 4 sources de pouvoir renvoient toutes à la maîtrise d’une zone d’incertitude. Cette dernière est une condition d’existence du pouvoir.

5. L’apport des démarches d’innovation publique

La recherche de solutions nouvelles est aujourd’hui une nécessité pour les administrations publiques :

  • Nécessité budgétaire : faire toujours plus avec peu de moyens : l’approche collective est un accélérateur de projet
  • Nécessité sociale : la complexité des demandes sociales appelle des approches publiques adaptées
  • Nécessité morale : les institutions publiques doivent retrouver la pleine confiance des citoyens
  • Nécessité démocratique : les citoyens aspirent de plus en plus à participer aux décisions publiques
  • Nécessité structurelle : comme tout organisme vivant, l’évolution est la condition de survie des administrations publiques

Les méthodes classiques des administrations prouvent souvent leurs limites par leur caractère bureaucratique et « top-down ». L’action publique se réinvente et dans ce contexte, les démarches d’innovation publique apportent une réponse concrète à ces enjeux de transformation à partir de méthodes innovantes. Ces approches placent la créativité et la prise en compte de l’usager au cœur de leurs logiques d’action. Elles invitent à repenser le rapport de l’administration au terrain et la conception des politiques publiques.

L’innovation publique se définit par des valeurs et des nouvelles méthodes.

5.1. Des valeurs pour transformer la culture de l’administration

  • La primauté de l’usager : partir des besoins et des usages observés sur le terrain et faire participer tant que possible les bénéficiaires
  • L’ouverture : décloisonner les structures pour faire travailler ensemble des acteurs issus d’organisations et de métiers différents afin de répondre à la complexité des enjeux et décloisonner les méthodes en disposant d’une riche palette d’outils
  • La coproduction : associer les parties prenantes autour de solutions concrètes pour faire appel à l’intelligence collective
  • La sécurisation : permettre aux agents de développer des projets innovants en étant guidés, accompagnés et en améliorant leur condition de réussite tout en développant leur bien-être au travail
  • L’action : s’inscrire dans la logique du « faire » en étant dans une culture du prototype, de la réalisation concrète de pistes de solutions
  • L’agilité : tester rapidement sur le terrain, être à l’épreuve du terrain et des usagers pour permettre d’obtenir une solution éprouvée
  • L’expérimentation : reconnaitre le droit à l’erreur, « je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends », Nelson MANDELA
  • L’impact : l’innovation doit aller de pair avec l’évaluation pour d’abord mesurer les résultats attendus et ensuite juger la pertinence de leur plus large déploiement

5.2. Des méthodes : les Laboratoires d’innovation publique

Le LAB est créé dans l’esprit de faire évoluer les méthodes de travail et de répondre plus efficacement aux problématiques que les agents rencontrent en lien avec les enjeux des territoires.

Il crée un cadre où l’on peut expérimenter l’essai / erreur : innover c’est oser prendre des risques pour surmonter les problématiques et les défis.

Les laboratoires d’innovation publique sont à la fois des lieux physiques et des structures de travail dans les institutions, ou au contact direct de celles-ci. Ces espaces expérimentaux rassemblent des experts aux compétences variées pour inventer, co-construire et expérimenter ensemble les politiques publiques de demain.

Ils diffèrent tous par les méthodes qu’ils emploient, les thématiques sur lesquelles ils travaillent, leurs modes d’animation ou leurs objectifs.

Cependant, ils ont des points communs : ils mobilisent des approches collectives, créatives et innovantes pour s’attaquer à des enjeux de politiques publiques, de services publics et des problèmes sociaux

Un Lab’ c’est donc:

  • Un lieu ouvert et dédié qui permet de travailler avec des administrations, opérateurs publics, laboratoires universitaires, associations, citoyens, usagers, entreprises, etc.
  • Une équipe soudée aux compétences pluridisciplinaires (agents publics, experts sur une politique publique, designers, développeurs, communicants, statisticiens,…).
  • Des méthodes et des outils innovants pour changer de regard et faire émerger des solutions nouvelles et concrètes aux problématiques locales. C’est par exemple le design de service, la participation citoyenne ou encore les méthodes agiles
  • Des objectifs clairs (élaborer et expérimenter de nouvelles solutions, transformer l’administration, former les agents publics à de nouvelles approches, etc.).
  • Un programme de travail défini (types de projets, durée d’incubation, etc.)
  • Une gouvernance adaptée
  • Et un dispositif d’évaluation pour mesurer l’impact de l’action du laboratoire
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