Démographie & Internationalisation des territoires locaux

Modifié le 03 mai 2024

Famille :

Questions clés

(Article achevé le 30 mars 2022)

Populations issues de l’immigration, diaspora… Quelles sont les sources d’information permettant de documenter un territoire et quel est le cadre juridique ?

Les territoires tendent en effet à devenir cosmopolites : ils comprennent des personnes de tous les pays, subit des influences de nombreux pays. Le cosmopolitisme est un concept créé par le philosophe cynique Diogène de Sinope, à partir des mots grecs cosmos, l'univers, et politês, citoyen. Il exprime la possibilité d'être natif d'un lieu et de toucher à l'universalité, sans renier sa particularité.

La compréhension des multiples données existantes peut être riche d'enseignements pour les collectivités.

1. « L’expérience du nombre de nationalités à Évry »

« Dans les rues d'Évry, ses 52000 habitants emploient quotidiennement près de 70 langues ». Cette phrase introduit un article paru dans Le Parisien du 25 mai 2013 à propos d’une initiative du réseau des médiathèques de cette agglomération. Dans ce même article, le directeur du réseau des médiathèques indique : « « Nous avons dénombré au moins 60 nationalités sur l'agglomération. »

En février 2019 toujours dans le quotidien Le Parisien, l’article intitulé Intégration républicaine : « Mais si, c’est facile pour un étranger» » commence par ce chapeau : « Rencontre avec les habitants d’Évry-Courcouronnes (Essonne), commune de 70 000 âmes où cohabitent 75 nationalités différentes. »

En 2021, dans une tribune publiée dans l’hebdomadaire Le Point du 29 octobre 2021, avec pour titre « Évry, à l’ombre d’Hampaté Ba » l’écrivain Tierno Monénembo écrit :

« Rien d’Africain n’est étranger à Évry »

Pendant ces quatre jours, Évry a vécu à l’ombre d’Hampâté Bâ, ce grand baobab qui nous a quittés il y a maintenant trente ans. De toute façon, selon Abdou Bah, franco-sénégalais, maître de conférences de géographie et initiateur de la manifestation « Rien d’Africain n’est étranger à Évry ». Nul doute qu’Évry depuis longtemps a la fibre africaine. Et pour cause, au moins 50 % de la population de cette banlieue au sud de Paris est d’origine étrangère (70 nationalités en tout !), dont une bonne partie est africaine.

D’où vient ce chiffre de « 70 » (langues ou nationalités). Impossible à dire. Est-il juste ? A priori non, car dans le cadre des travaux menés pour Grand Paris Sud en 2019, il apparait simplement que, à l’Université d’Evry, sur les 2300 étudiants étrangers, nous recensons une centaine de nationalités.

Cet exemple démontre deux choses :

  • pour parler de la diversité, on renvoie à la notion de « nationalité » faisant fi des notions de parcours (immigration ou repatriation des Français de l’étranger).
  • avec plusieurs dizaines de nationalité revendiquées, l’essentiel est atteint : montrer la multiplicité. La précision devient alors secondaire.

Sauf que cette précision, et la compréhension des multiples données existantes, peut proposer une illustration beaucoup plus riche pour la collectivité.

2. Démographie et recensement

Les données relatives aux population étrangères et immigrées ou nées à l’étranger sont issues des données de l’INSEE, produites par le recensement de la population. Elles sont donc sujettes à certaines approximations ou ajustements / projections.

2.1 Les données issues du recensement

Le recensement s'exécute au moyen d'enquêtes annuelles de recensement effectuées par sondage auprès d'un échantillon d'adresses (dans les communes de 10 000 habitants ou plus) pour 8 % de la population, dispersé sur l'ensemble de leur territoire. Au bout de 5 ans, tout le territoire de ces communes est pris en compte et les résultats du recensement sont calculés à partir de l'échantillon de 40 % de leur population ainsi constitué.

Par ailleurs :

  • la production des données par l’INSEE ne doit pas permettre la reconstitution des données personnelles. De ce fait, pour de petits échantillons (moins de 15 personnes), les données produites sont « floutées » (pas de chiffre précis).
  • les données sont renseignées à un instant précis (1er janvier de l’année) et ne prennent pas en compte les mobilités continuelles.

On s’attachera donc à lire, derrière les nombres proposés, les ordres de grandeurs en intégrant, comme pour les sondages, une marge d’erreur.

2.1.1 Comment l'INSEE mesure-t-il le nombre d'immigrés et d'étrangers ?

Le nombre d’immigrés, le nombre d’étrangers et celui des Français né à l’étranger sont connus par le recensement de la population, réalisé « à domicile ». Tous les types d'habitation sont recensés (ménages ordinaires, foyers, résidences collectives, lieux de privation de liberté, habitations mobiles, sans-abri, etc.). Le bulletin individuel de recensement interroge les personnes sur leur pays de naissance et leur nationalité actuelle. Pour les personnes ayant acquis la nationalité française, il leur est demandé leur nationalité de naissance.

  • Les immigrés sont les personnes recensées qui ont indiqué un pays de naissance étranger et une nationalité étrangère ou qui ont acquis la nationalité française.
  • Les étrangers sont les personnes recensées qui ont indiqué une nationalité étrangère. » 
  • Les français nés à l’étranger sont recensés comme tel, par leur lieu de naissance.

Le recensement est une source déclarative et des informations, comme la date d'arrivée en France ou le pays de résidence antérieure, peuvent être soumises à des biais de déclaration ou de mémoire.

2.1.2 Différence entre immigré et étranger

Les concepts d’étrangers / immigrés sont importants pour les États. En effet, ces données renvoient à la gestion de l’appartenance à la communauté nationale, qui reste une compétence régalienne.

Immigré : Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l'Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l'étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l'inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n'est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d'immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s'il devient français par acquisition. C'est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l'origine géographique d'un immigré.

Étranger : Un étranger est une personne qui réside en France et ne possède pas la nationalité française, soit qu'elle possède une autre nationalité (à titre exclusif), soit qu'elle n'en ait aucune (c'est le cas des personnes apatrides). Les personnes de nationalité française possédant une autre nationalité (ou plusieurs) sont considérées en France comme françaises. Un étranger n'est pas forcément immigré, il peut être né en France (les mineurs notamment).

Ainsi Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas : un immigré n’est pas nécessairement étranger et certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs).

La qualité d’immigré est permanente (un individu continue à appartenir à la population immigrée, même s’il acquiert la nationalité française), alors que la qualité d’étranger peut ne pas perdurer (les étrangers peuvent devenir français selon des conditions qui dépendent de la législation en vigueur).

__fileCreatedFromDataURI__.png

Source : INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/2383177/fiche-nationalites-immigration.pdf

Pour une collectivité locale, au-delà de la gestion des listes électorales, la question de la « nationalité », du fait d’être « étranger » ou non, se pose moins au regard des services à rendre aux population qui relèvent plus du développement humain (éducation, logement, accès à l’eau, à la culture, etc.).

La notion de « lieu de naissance » peut être plus pertinente pour identifier la multiplicité des parcours de vie, leur diversité et complexité et par là leurs richesses.

La collectivité doit prendre conscience alors de toute possibilité de rapport à l’étranger en englobant dans sa recherche, les étrangers, les immigrés, les français nés à l’étranger.

2.2 Obtenir les données auprès de l’INSEE 

L’INSEE propose sur son site Web des données agrégées qui permettent d’identifier en quelques minutes :

  • Les proportions et nombres d’immigrés et d’étrangers sur la commune (avec une répartition par genre et par âge)
  • Les principales nationalités ou pays d’origine.

Pour des données précises, notamment sur les différentes nationalités, le service des relations internationales et mondialité d’une collectivité se tournera vers les services de l’INSEE pour obtenir des données extraites du dernier recensement.

2.2.1 Données générales

Pour pouvoir accéder aux données de toutes les communes pour « Nationalité et immigration en 2018 » : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5395867?sommaire=5395920

Vous accédez par cette page à plusieurs tableaux des données du dernier recensement (2018) pour l’ensemble des communes de France sur les critères suivants :

  • NAT1 – Population par sexe, âge et nationalité
    • INATC : Indicateur de nationalité condensé (Français/Étranger)
      • 1 : Français
      • 2 : Étrangers
  • IMG1A – Population par sexe, âge, et situation quant à l'immigration
    • IMMI : Situation quant à l'immigration
      • 1 : Immigrés
      • 2: Non immigrés

Pour chacune de ces variables, vous ouvrez des tableaux détaillés couplant 2 autres données

    • SEXE : Sexe
      • 1 : Hommes
      • 2 : Femmes
    • AGE4 : Âge regroupé (4 classes d'âges)
      • 00 : Moins de 15 ans
      • 15 : 15 à 24 ans
      • 25 : 25 à 54 ans
      • 55 : 55 ans ou plus

Par exemple, pour le tableau « Français / Étrangers »,

AGE40000
INATC11
SEXE12
LIBGEOAGE400_INATC1_SEXE1AGE400_INATC1_SEXE2

La première colonne « LIBGEO » est la dénomination INSEE de la commune

La colonne AGE400 INATCSEXE 1 : concerne donc (en lisant à l’envers) les hommes (SEXE 1) français (INATC 1) de moins de 15 ans (AGE4 00)

Ainsi, à partir de ce fichier, pour avoir le nombre d’étrangers sur votre commune, il est nécessaire d’additionner l’ensemble de colonnes « INATC 2 »

Pour les statistiques « immigrés », vous vous référerez au tableau de la variable « IMG1A ».

2.2.2 Données spécifiques

INSEE-stats.png

Sur le site de l’INSEE, dans le premier onglet « statistiques études » : https://www.insee.fr/fr/statistiques

Choisir dans les rubriques « thèmes » : « démographie »

Puis la sous rubrique « étrangers/immigrés »

Puis dans le critère « niveau géographique » inscrire les premières lettres de votre collectivité et sélectionner la « com » pour votre commune.

Vous obtenez alors un accès à l’ensemble des productions de l’INSEE sur ces champs.

Il vous faut alors sélectionner non pas les données « bases de données » mais « chiffres détaillés ».

Insee-immigrees-2018.png

Vous avez alors accès à plusieurs types de données :

  • Tableaux détaillés - Immigration
    • IMG1A - Population par sexe, âge et situation quant à l'immigration
    • IMG1B - Population immigrée par sexe, âge et pays de naissance
    • IMG2A - Population de 15 ans ou plus par sexe, âge, situation quant à l'immigration et type d'activité
    • IMG2B - Population immigrée de 15 ans ou plus par sexe, type d'activité et pays de naissance
    • IMG3A - Population par sexe, situation quant à l'immigration et catégorie socioprofessionnelle
    • IMG3B - Population immigrée par sexe, catégorie socioprofessionnelle et pays de naissance
  • Tableaux détaillés - Nationalité
    • NAT1 - Population par sexe, âge et nationalité
    • NAT2 - Population de 15 ans ou plus par sexe, type d'activité et nationalité
    • NAT3A - Population par sexe, catégorie socioprofessionnelle et nationalité
    • NAT3B - Population par catégorie socioprofessionnelle et nationalité

Ces données restent toutefois limitées car proposent, notamment pour les pays de naissance ou nationalités, un condensé des informations de l’INSEE.

Ainsi, l’NSEE propose des données sur les pays suivants :

  • Portugal
  • Italie
  • Espagne
    • Autres pays de l'Union Européenne
    • Autres pays d'Europe
  • Algérie
  • Maroc
  • Tunisie
    • Autres pays d'Afrique
  • Turquie
    • Autres pays
  • Ensemble

Ces données peuvent être reprises dans les « chiffres clés de la collectivité » comme le fait par exemple la ville de Colmar :  https://www.colmar.fr/sites/colmar.fr/files/documents/2019-Chiffres-cles-Colmar.pdf

2.2.3 Commande d’un jeu de données auprès de l’INSEE

Pour obtenir le nombre de nationalités ou de pays de naissance, présents sur le territoire de la collectivité, il est nécessaire ensuite de passer une commande auprès des services de l’INSEE de votre région.

Dans un premier temps, solliciter un devis via le site de l’INSEE :

Il faut ensuite préciser à l’INSEE les données sollicitées en fonction des « variables » établies pour le recensement.

Ainsi, pour obtenir les données sur les immigrés, les étrangers et les français nés à l’étranger, sur votre territoire, en fonction des pays, il est nécessaire de solliciter les variables suivantes :

  • Indicateur de nationalité (INAT)
    • 11          Français de naissance
    • 12          Français par acquisition
    • 21          Étranger
  • Indicateur de qualité d'immigré (IMMI)
    • 1            Immigré
    • 2            Non immigré
  • Lieu de naissance à l'étranger détaillé (LNAIED)

Le coût de cette extraction est compris entre 200€ et 250€.

2.2.4 Autres données INSEE

En fonction des besoins, d’autres données peuvent être utiles sur les populations locales, à partir des données du recensement. Les variables suivantes :

  • Ancienneté d'arrivée en France (ANAR) et Ancienneté d'arrivée en France regroupée (ANARR)
  • Lieu de résidence antérieure (Arrondissement municipal) au 1er janvier N-1 (Depuis le millésime 2013) (ARM_RESIDANTER) avec le code 99999 qui indique un « Lieu de résidence à l'étranger »

2.3 Les données sur les passeports

Un autre champ qui est assez simplement exploitable par la collectivité, notamment la commune, est celui de la création ou du renouvellement des passeports.

2.3.1 Le cadre légal

Le maire et ses adjoints sont officiers de l’état civil (article L. 2122-31 du CGCT). Dans le cadre de cette mission, le maire agit au nom de l’État sous l’autorité du procureur de la République. (Article 34-1 du code civil).

Aujourd’hui à partir d’un certain seuil de population, les collectivités assurent le service aux populations pour le renouvellement ou la création de passeport.

Les services municipaux tiennent alors à jour des statistiques de cette activité. Ces données peuvent d’ailleurs faire l’objet d’un dépôt sur la plateforme « Opendata.gouv.fr ».

Ainsi :

Pour comparaison sur les fichiers disponibles :

  Pop Nb Passeports émis 
2020Caen105512 42294,01%
2014Poitiers90115 56446,26%
2021Issy les Moulineaux68685 49367,19%
2016Nice342637 227106,63%

Ce service est national (une personne de Marseille peut solliciter le renouvellement de son passeport à Lille) … Toutefois la majorité réalise le renouvellement sur sa commune ou la commune proche qui est équipée (pour le milieu rural). Il apparait nécessaire dans le cadre d’une étude sur la population locale, de vérifier la spécification « demande citoyen de la commune / demande citoyen extérieur à la commune ») : Exemple pour Caen qui pointe dans son fichier « Passeports Caen » / « Passeports Hors Caen ».

Pourquoi étudier cette donnée : le recours à un passeport renvoie à la propension de la population à effectuer un voyage/déplacement en dehors de l’espace Schengen.

Le passeport étant valable une dizaine d’années, un ratio peut alors être émis simplement : nb passeports délivrés x 10 / population renvoie à la proportion de population « mobile à l’international »

La donnée peut aussi être comparée en interne, lors d’un questionnement des agents, sur « qui possède un passeport ».

3. Légalité des usages et limites statistiques

3.1 Légalité des usages

  • Les informations relatives à la nationalité et aux migrations (pays de naissance et pays de résidence antérieure) et leurs croisements ne peuvent être diffusés que sur les communes de plus de 5000 habitants, les tris, ainsi qu'à partir d'un seuil de 5000 habitants sur les arrondissements, zones d'emploi, aires urbaines, unités urbaines ou leurs regroupements et les zones définies pour la politique de la ville.(Arrêté du 19 juillet 2007 relatif à la diffusion des résultats du recensement de la population.)
  • Il faut prendre en compte que le recensement n’est pas « exhaustif » : l’INSEE opère par sondages puis par des regroupements statistiques et des projections. Il convient donc ici de s’intéresser à la diversité et aux masses plus qu’aux chiffres précis.
  • Le redressement de déclarations incompatibles avec le Code de la nationalité (cf.2.4.1, dans la Fiche Nationalités-Immigration de l'INSEE)
    • Certaines personnes mineures nées en France de parents étrangers tendent parfois à se déclarer (ou à être déclarées par leurs parents) françaises de naissance ou par acquisition alors que juridiquement elles ne peuvent l’être (voir la partie 1.1.2.)

Peut-être parce qu’elles savent que dans un avenir plus ou moins proche elles accéderont à la nationalité française, même si ce n’est pas encore le cas au moment de l’enquête.

Les déclarations, que l’on peut considérer erronées, font l’objet du redressement statistique suivant : les jeunes de moins de 13 ans qui se déclarent « Français de naissance » ou « Français par acquisition » sont reclassés en « Étranger » (puisqu’ils n’ont pas encore accès à la nationalité française) ; les jeunes de 13 à 17 ans se déclarant « Français de naissance » sont reclassés en « Français par acquisition » (leur déclaration de nationalité française n’est pas remise en cause dans la mesure où la loi leur permet de l’acquérir par anticipation).

3.2  Les immigrés clandestins sont-ils pris en compte ?

D’après le site de l’INSEE : « « Le recensement de la population comptabilise tous les habitants. Il comptabilise donc les clandestins comme toute autre personne résidant en France, mais ne les identifie pas en tant que tels. L'agent recenseur ne demande jamais de pièce d'identité à la personne recensée. »

Encore faut-il que l’agent recenseur croise ces personnes et que celles-ci acceptent de répondre, notamment dans les foyers, pour les sans-abris ou en cas de location.

D’après un article de presse du Figaro , cette population n’est pas négligeable pour certaines communes :

« C'est une population qui échappe au recensement de l’INSEE. Qu'ils soient sans papiers, hébergés ou en sous-location, ces habitants de l'ombre sont particulièrement nombreux en région parisienne, où les tensions immobilières sont fortes.

À Grigny, dans l'Essonne, ces « hébergés» pourraient représenter jusqu'à 20 % d'habitants supplémentaires, si l'on en juge par l'explosion du nombre d'écoliers. Alors que la commune compte 26 000 habitants, elle affiche 1 400 élèves de primaire de plus que sa voisine Viry-Châtillon pourtant plus peuplée (31 000 habitants) ! Cela représente presque 45 classes que le recensement n'annonçait pas. »

En fonction de la connaissance de la ville, il peut être important alors de préciser ces informations.

3.3 « Ce que vous faites est interdit »

Cette collecte de données peut parfois produire des réticences ou des oppositions, en interne ou en externe à l’administration. Le principal argument est alors que « les statistiques ethniques sont interdites », « qu’il faut certaines autorisations », traduisant une méconnaissance de la loi mais aussi de la distinction entre « race », « ethnies », « religions » et « nationalité ».

Il est nécessaire alors de réexpliquer en partie ces notions.

Pour mémoire, cet article assez précis « Check News » de Libération publié le 16 janvier 2018 résume bien le questionnement et éclaire sur les possibilités.

Les statistiques ethniques sont en principe interdites en France. D'abord par la loi de 1978 « Informatique et libertés», qui dispose que «il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci.»

Ensuite, par le Conseil constitutionnel qui a déclaré anticonstitutionnel en 2007 l'article 63 de la loi sur l'immigration (…) Les Sages avaient alors affirmé que les statistiques ethniques étaient contraires à l'article 1er de la Constitution, qui dispose que la France « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ».

Les données faisant apparaître directement les origines raciales ou ethniques et « l’introduction de variables de race ou de religion dans les fichiers administratifs» sont donc interdites.

Pour autant, le Conseil constitutionnel a dans le même temps considéré que « les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives», liées à l'ascendance des personnes. Dans le commentaire de sa décision, il explique ainsi que « ces données objectives pourront, par exemple, se fonder sur le nom, l’origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française.»

4. Des dynamiques à explorer

La notion de cosmopolitisme est peu utilisée en France « république une et indivisible ».

Elle est pourtant revendiquée par de nombreuses villes notamment européennes.

Deux dynamiques peuvent notamment être pertinentes à explorer pour les villes :

  • la réflexion des OPENCities,
  • et le réseau des villes interculturelles du Conseil de l’Europe.

4.1 Les  OPENCities

OPENCities est un concept initialement développé par le British Council pour identifier ce qui rend une ville ouverte et attrayante pour les migrants internationaux. Par le financement d'URBACT, le projet OPENCities a associé 10 villes partenaires à travers l'Europe.

Les villes qui souhaitent attirer et retenir des populations internationales doivent être des villes «ouvertes» qui créent une bonne «offre» pour les travailleurs internationaux et favorisent un climat local qui reconnaît et accueille les diversités et offre la liberté de pensée et d'expression.

Le projet examine comment les villes peuvent développer des politiques plus proactives pour créer des OPENCities afin de mieux attirer ou retenir les populations internationales mobiles, qui sont importantes à la fois pour les objectifs de compétitivité et de convergence de l'Union européenne

Plus d’informations : https://urbact.eu/opencities

4.2 Le réseau des villes interculturelles du Conseil de l’Europe

L'égalité, la diversité et l'interaction sont les trois valeurs interdépendantes qui sous-tendent le développement et le maintien d'une ville interculturelle.

Le programme Cités interculturelles aide les autorités locales et régionales dans le monde entier à analyser leurs politiques à travers un prisme interculturel et intersectionnel et les accompagne dans l’élaboration des stratégies interculturelles globales pour gérer la diversité de façon constructive et faire de la diversité un avantage. Il propose un ensemble d’outils analytiques et pratiques pour aider les acteurs locaux dans les différentes étapes du processus.

Les villes ont énormément à gagner de l’esprit d’entreprise, des multiples compétences et de la créativité qui vont de pair avec la diversité culturelle. Encore faut-il qu’elles adoptent des politiques et des pratiques qui facilitent les échanges entre les cultures et la co-création.

Seules 3 villes françaises participent à ce réseau. Le programme Cités interculturelles est désormais mis en œuvre par plus de 130 villes, tant en Europe qu’au-delà, y compris en Australie, au Canada, au Japon, en Israël, au Mexique, au Maroc et aux États-Unis.

Plus d’information : https://www.coe.int/fr/web/interculturalcities/about

 

Auteur(s) :

LECHEVALLIER Yannick

Thématique(s) :

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT