Le développement touristique, un enjeu majeur pour les Antilles

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

Deauville et la Côte Fleurie : L'art de la contrainte transformée en opportunité.

Les Antilles Françaises : l'énorme potentiel sensiblement obéré par des contraintes pourtant simples à lever.

Je développe ici une conférence faite en Guadeloupe, au Gosier, le 19 avril 2018 lors de la 2ème Rencontre de la Délégation Ultramarine de l'ADGCF où j'intervenais en tant que Vice-Président National en charge de l'économie touristique, de l'attractivité économique et du numérique.

Même si comparaison n'est pas raison, il m'a semblé que des points communs et des enseignements pourraient être tirés du développement de l'économie touristique de la Côte Fleurie et notamment de Deauville et que des pistes d'actions pouvaient apparaître tant l'écart de potentiel spontané entre les deux territoires est ... pourtant favorable aux Antilles Françaises. Pour des raisons d'échelle, on pourra s'appuyer sur une comparaison entre le Pays d'Auge, région à dominante agricole, avec une façade littorale, création balnéaire de la fin du 19ème siècle pour Deauville (1860), Cabourg en 1853 et Trouville-sur-Mer, ancien village de pêcheurs devenue station balnéaire dès 1847, plus ancienne pour Honfleur en 1027.

Ce qui nous intéresse dans cette étude de cas, c'est de comprendre les mécanismes qui ont permis à une région quasi exclusivement agricole — le Pays d'Auge — de disposer désormais d'une part moyenne de 15% de son PIB consacrée à l'économie touristique, avec un cas particulier, Deauville et Coeur Côte Fleurie où la part atteint 90% ( sans pour autant être assimilé au tourisme de masse, ce qui est le cas sur Honfleur ou le Mont Saint-Michel). Deauville est créée ex-nihilo issue de marais insalubres en 1860 lorsque le Duc de Morny, notamment, décida d'y favoriser la création d'une cité moderne...

158 ans plus tard, la cité normande est en tête des classements européens de courts séjours et de consultations internet devant Barcelone, Paris et Venise selon les classements Google.

Cette construction n'est pas arrivée par hasard, nombre d'écueils ont été franchis, similaires à certains subsistant dans les Antilles Françaises avec, toutefois pour Deauville, un potentiel initial de destination très inférieur à celui de la Guadeloupe et de la Martinique.

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1. Quelques éléments historiques

1.1. Deauville : une création ex-nihilo en 1860 sur 357 hectares de marais insalubres, au bord d'un fleuve capricieux non canalisé, la Seine et d'une rivière serpentant dans les marais, la Touques

L'anglo-mania victorienne très à la mode dans les milieux aristocratiques français au cours du 19eme siècle arrive en Normandie sous la forme des bains de mer à Dieppe en 1812 avec, notamment, la présence en saison de la Duchesse de BERRY.

Dès 1847, Trouville-sur-Mer prend le relais, construit une longue jetée à l'embouchure de la Touques où accostent les bateaux à vapeur qui traversent l'estuaire et permettent aux voyageurs arrivés de Paris en gare du Havre de venir sur la Rive Sud de la Seine. Cette construction affecte les courants et prolonge les marais de Deauville d'une langue de sable, reculant la mer par rapport au rivage. Encouragé par le Duc de MORNY, le Docteur OLLIFFE, favori de la cour de Napoléon III, décide d'investir sur Deauville, inspiré par la ville de Brighton. Il acquiert 240 hectares de marais en 1857 qu'il mettra 3 ans à assécher.

En 1860, il obtient, via le Duc de MORNY, la prolongation de la ligne ferroviaire Paris — Saint-Lazare — Lisieux-Pont-l'Evêque jusqu'à Deauville. La première gare de Trouville-Deauville voit le jour le 1er juillet 1863.

Faisant appel à l'urbaniste Desle-François BRENEY, un plan inspiré des thèses du Baron HAUSSMANN favorise, dès la création, l'émergence d'une ville moderne avec l'eau potable à tous les étages, l'électricité, le gaz d'éclairage et l'assainissement. Rapidement, les investisseurs arrivent et rivalisent d'ingéniosité dans la construction des villas. L'hippodrome sort de terre en 1863, un an après l'établissement hydrothérapique. Le casino sera inauguré le 15 juillet 1864. La ville intègre le giron fermé des « Villes de plaisir » avec ces réalisations.

1.2. Heurs et malheurs de Deauville

A la chute de l'Empire en 1870 succède une crise économique. Deauville n'a pas le succès attendu auprès des familles bourgeoises parisiennes et l'aristocratie de cour impériale lui préfère Trouville-sur-Mer ou Biarritz. 1871 enfonce le clou, la cour impériale déserte Deauville, le port décline au détriment du Havre, l'établissement d'hydrothérapie est fermé puis rasé.

Un malheur ne venant jamais seul, durant l'hiver 1874 - 1875, une énorme tempête dépose à quelques centaines de mètres de la plage, un isthme de galets rendant difficile l'accès à la mer. Une estacade en bois sera même construite pour accéder à la mer. S'en suit la fermeture du casino en 1889 suite à des actes illégaux de ses dirigeants.

1.3. Enfin le renouveau - Comment transformer les contraintes en opportunité

En 1900 arrive un nouveau Maire : Désiré LE HOC. Il s'associe à Eugène CORNUCHE, propriétaire du restaurant Maxim's à Paris et gérant du casino de Trouville-sur-Mer depuis 1905. En 1909, son projet de reconstruction n'est pas retenu par Trouville-sur-Mer, il donne sa démission et rejoint l'autre côté de la Touques. Deauville accepte son projet. En 1912, le casino est inauguré. Le nouvel établissement, dès l'ouverture, dépasse celui de Trouville-sur-Mer. La station de Deauville est relancée. Des palaces surgissent : le Normandy en 1913, puis le Royal.

Une nouvelle tempête survient en 1913 faisant reculer la mer de 300 mètres. La municipalité obtient des Domaines de récupérer les lais de mer tout en interdisant les constructions, sauf des jardins et des tennis.

La station accueille les ballets russes et NIJINSKI en 1912, Coco CHANEL investit Deauville. Lors de la 1ère Guerre Mondiale, les grands hôtels sont transformés en hôpitaux de guerre. Les «Gueules cassées » n'oublieront pas l'accueil de Deauville !

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Durant les années folles, Deauville devient la destination à la mode où il est bon d'être vu. Le tout Paris foule les Planches, construites sur les lais de mer en 1923 avec les cabines et les bains pompéins.

Ce nouvel essor est stoppé avec la Seconde Guerre Mondiale. Ville de garnison allemande, la plupart des habitants ont fui. La ville est laissée à elle-même et n'est plus entretenue.

La reprise de l'activité après la libération est timide. La Normandie est détruite, son outil industriel cassé. A partir de 1950, elle renaît timidement de ses cendres. La Côte Fleurie épargnée des bombardements est le lieu de villégiature à la mode, mais la côte d'Azur devient une sérieuse concurrente.

​​​​​​​1.4. « Les Sixties »

En 1962, Michel d'ORNANO devient Maire de Deauville. Comme ses prédécesseurs, il se rapproche des entrepreneurs, notamment Lucien BARRIERE, propriétaire du casino et des grands hôtels. Conscient de la concurrence avec les destinations du Sud de la France et du renouveau attendu par les clientèles, Ministre de l'Industrie, Michel d'ORNANO inaugure en 1977 l'A13 prolongé jusqu'à Caen avec une bretelle de Pont-l'Evêque en direction de Deauville. La voiture supplantant le train, l'Ouest parisien converge vers la Côte Fleurie, Deauville devenant le 21ème arrondissement de Paris. L'aérodrome de Deauville — Saint-Gatien-des-Bois devient aéroport. Le turbotrain rejoint Lisieux de Paris en 1H25.

Outre les courses, les jeux et la mer, Michel et Anne d'ORNANO décident de diversifier les contenus de la station vers la culture, notamment le cinéma. Après le succès du film de Claude LELOUCH en 1966, « Un homme et une femme » avec Anouk AIME et Jean-Louis TRINTIGNANT consacrant Deauville au cinéma, il crée, avec Anne, son épouse, Lionel CHOUCHAN et André HALIMI, le Festival du Cinéma Américain en 1974, d'abord honorant les grandes productions hollywoodiennes, puis se tournant peu à peu vers le cinéma indépendant. De nombreuses stars s'y précipitent, les hôtels se développent.

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Outre les courses hippiques, les ventes de chevaux y prospèrent avec les commerces de luxe. Après les crises pétrolières des années 1973 à 80, Michel d'ORNANO, puis Anne d'ORNANO, devenue maire à partir de 1977, et Lucien BARRIERE décident de se lancer dans le tourisme d'affaires pour diversifier la destination et prolonger la saison. Le Centre International de Deauville voit le jour en 1992. 18 000 m2 sont construits sous les lais de mer, toujours préservés dans un POS Intercommunal datant de 1976. La saison passe de 5 semaines à 3 mois, puis 4 mois avec la venue de grands salons (dont Top Résa, plus grand salon Européen des professionnels du tourisme).

Après avoir implanté sa société de ventes de chevaux à Deauville (devenue ARQANA), Philippe AUGIER, le PDG, entre au Conseil Municipal de Deauville en 1995 en tant qu'adjoint au tourisme et à la culture. En 2001, il succède, en tant que Maire de Deauville à Anne d'ORNANO.

1.5. Le boom du développement événementiel de la station — Un nouvel Age d'Or

Dès 2001, avec l’arrivée d’un nouveau Maire, Philippe AUGIER, le territoire s’oriente vers l’accueil des grands forums nationaux ou internationaux qui prolongent la saison à 6 mois par an.

En 2003, le G27 des Ministres des Finances de la zone Euro prend ses quartiers au Centre International de Deauville.

En Octobre 2006,  le congrès AdCF accueille 1 600 élus communautaires qui foulent les planches et débattent au Centre International de Deauville. Marc CENSI, Président de l’ADCF  fait une proposition d’impôt territorial, toujours d’actualité.

Le 8 novembre 2006la Région Basse-Normandie organise ses Etats Généraux du Tourisme en Normandie en présence de Bernard CAZENEUVE, Joël GAYET et Philippe AUGIER afin d'effectuer un diagnostic territorial pour la Normandie et bâtir une stratégie de développement.

En 2008, Philippe AUGIER devient le Président de la Communauté de Communes Coeur Côte Fleurie. La même année, il accueille à Deauville la réunion des Directeurs Internationaux de l'OTAN

En juillet 2009, fort de l’expérience du territoire,  Philippe AUGIER remet au Président de la République, le rapport « Pour une politique gagnante des grands évènements », les grandes manifestations Internationales sportives et culturelles, leviers de croissance pour la France.

De 2010 à 2017, les Sommets s’enchaînent :

  • 2010 G3 France-Allemagne-Russie,
  • 2011 avec notamment la présence de Barack OBAMA et, cinq années durant de 2012 à 2017, le Women’s Forum s’installe à Deauville.

En 2015, Philippe AUGIER propose au nouveau Président de la Normandie réunifiée de travailler sur son image et sa marque. S’en suit la création de MAN (Mission d'Attractivité Normande) agence d'attractivité régionale avec création de la marque Normandie-Normandy, présidée par Philippe AUGIER, pour le compte de la Région Normandie.

En juillet 2017, Philippe AUGIER, Maire de Deauville et Président de France-Congrès, intègre le comité interministériel de tourisme auprès du 1er Ministre Edouard PHILIPPE.

Désormais, la saison à Deauville dure 11 mois sur 12. Si la météo fut longtemps le vecteur déterminant de la saisonnalité sur la Côte Fleurie, dorénavant, avec la politique d'évènementiel permanent, ce facteur n’occupe plus une part prépondérante dans l'afflux vers le territoire de Deauville. Le « il se passe toujours quelque chose à Deauville » l'emporte et déclenche indépendamment du beau temps, le séjour sur le territoire.

En 2017, l’intercommunalité décide, elle aussi, de développer collectivement son attractivité avec la création de la SPL communautaire du territoire de Deauville et de la marque mondiale « In Deauville », qui s'ajoute à la marque déposée « Deauville » propriété de la commune.

En octobre 2018 : 29ème Convention Nationale de l'AdCF, avec plus de 1 800 élus des intercommunalités de France métropolitaine et d'Outre-mer. L’intercommunalité française se plaît sur le territoire et revient y tenir son congrés.

Les résultats en termes d'impact sur l'emploi:

  • 1,5 emplois/actif sur Coeur Côte Fleurie
  • 4.3 emplois/actif sur Deauville
  • 9000 emplois avant la crise de 2008, près de 11 000 en 2017.
  • Un manque de main-d’œuvre : chômage quasi résiduel ou transitoire pour les extras de l'hôtellerie et de la restauration. Nécessité d'organiser des salons de l'emploi pour trouver de la main-d’œuvre depuis 2004. En mars 2019, avant la saison, 1 500 emplois ne sont pas pourvus sur le territoire, obligeant les communes et la CCI à organiser des salons de l’emploi.

Les leviers :

S’agissant d'infrastructures de Tourisme et d'attractivité, plusieurs leviers ont été identifiés sur le territoire :

  • La capacité d'hébergement :

147 000 lits touristiques dont 16 774 lits marchands, la capacité hôtelière se déploie notamment autour d’une bonne densité d’offres en 3, 4 et 5 étoiles de luxe rénovés.

  • Les centres d'affaires et de congrès :

Le Centre International de Deauville (18 000 m2), les Grands hôtels de Luxe, les 3 casinos, les hôtels haut de gamme avec réceptifs,  les sous-traitants d'incentive, les thalassothérapies

  • Les infrastructures de mobilité :

La mobilité s’articule autour d’une offre routière A13 (2x3 voies), ferroviaire (gare de Trouville-Deauville au cœur de la ville), aéroportuaire avec l’aéroport Deauville-Normandie situé sur la commune de Saint-Gatien-des-Bois et enfin, les ports. Un port de pêche et deux ports de plaisance (1 400 anneaux). Les mobilités douces se constituent avec 10 kilomètres de pistes cyclables en construction.

  • Les 2 hippodromes (Deauville la Touques et Clairefontaine) : avec des courses toute l'année grâce à une piste fibrée.
  • Les principaux grands équipements sportifs :

Trois golfs privés de 27 trous, le Pôle International du Cheval (géré par une SEM), Le Pôle OMniSport (POM'S), le Parc de Loisirs (football) géré en régie, Le mini Wimbledon (tennis sur gazon privé) + tennis en terre battue (gestion Société Publique Locale)

  • ​​​​​​​Ces équipements ont été conçus pour accroître la notoriété et l’attractivité et être bases arrières des équipes de France ou Internationales :

Euro 2016 : Croatie pour le football

2019 : Mondial féminin de football

JO de Londres et Championnat du monde : Equipe de France féminine de basket au POM’S mais également l'équipe de France d'équitation au Pôle International du Cheval.

Le C.I.D. a aussi accueilli les dernières sélections les JO de Pékin en tir à 10 mètres.

  • Avant 2006, la culture était à développer sur le territoire, trois musées complètent désormais l’offre :

Le Paléospace à Villers-sur-Mer (62 000 entrées en 2018), les Franciscaines à Deauville (en cours de construction, ouverture en mars 2020, il s'agit d'un projet à 25 millions d'euros), la Villa Montebello à Trouville-sur-Mer.

  • Une attractivité Internationale qu’elle soit sur l’accueil de congrès, de sport ou de culture nécessite des infrastructures techniques aux dernières normes. Elles sont portées par l’intercommunalité :
    • La couverture en Très Haut Débit numérique fibre optique couvre l'ensemble des communes de l'intercommunalité (FTTH : habitants) et (FTTB : entreprises) disposent de 33 500 prises attribuées  en  Délégation de Service Public à COVAGE, elle vise à doter l’ensemble des habitants en Très Haut Débit
    • Le réseau d'eau potable a été sécurisé pour les grands événements internationaux en télé relève avec rendement de près de 90 %. Il est délégué à VEOLIA,
    • Le réseau d'assainissement dispose d’une ultrafiltration avec contrat de suivi de qualité des eaux de baignade (certification qualité des eaux de baignade), il est également délégué à Véolia,
    • Afin de pouvoir disposer sur place de personnel de service, une politique de logement social forte est entreprise (30 % de logements sociaux sur Deauville, Trouville-sur-Mer et touques)

L’attractivité internationale repose également sur une marque forte : Deauville. Elle est portée par la commune qui a autorisé la SPL communautaire de tourisme, en déclinaison de la marque ombrelle « In Deauville » pour l’ensemble des communes adhérentes. La SPL cible les clientèles internationales à fort potentiel, de manière segmentée, de façon à ne pas subir les affres du tourisme de masse. Une forte présence sur internet de la marque Deauville en atteste. Sur Google, en 2015, Deauville est la première destination européenne de court séjour devant Barcelone, Paris et Venise en termes de contacts sur internet.

L’attractivité passe aussi par des outils marketing dirigés vers la relation client (GRC). L’eau et les ordures ménagères l’ont permis au niveau intercommunal avec un contact passé avec la start-up HOME FRIEND.

En découle un chat-bot communautaire « Sophie » et l’évolution vers une maison de service public virtuelle de façon à répondre 24 h/24 par de l’intelligence artificielle aux sollicitations des habitants et des résidents.

Enfin, les deux derniers leviers d’attractivité structurants apparaissent dans la durée :

  • Un PLUi sur l'ensemble du territoire communautaire depuis 1976 avec 3 SPR protégeant plus de 1 000 villas sur Deauville — Trouville-sur-Mer et Villers-sur-Mer, un SCoT préservant les paysages et limitant l'étalement urbain et un règlement de publicité communautaire,
  • Un PCAET en cours valorisant la défense de l’environnement et de la qualité de vie avec une collecte sélective des ordures ménagères et assimilés avec traitement par incinération et production d'électricité et de chaleur. Régie + Syndicat Mixte (SEVEDE)

2. Les Antilles Françaises

2.1. Des atouts exceptionnels supérieurs à ceux de la Côte Fleurie...

Un climat « inversé » à celui de la métropole avec des températures agréables toute l'année (de 20 à 32 °)

  • Un climat insulaire et tropical,
  • Un fort niveau d'ensoleillement : 7 à 8 heures par jour en moyenne.

Un territoire par nature durable :

  • Avec de l’eau en grande quantité entre 1850 et 1970 mm par an sur 200 jours de pluie,
  • Une mer transparente et chaude toute l’année : entre 26 et 29 °
  • Des ports accessibles et des plages exceptionnelles,
  • Des fonds marins de grande qualité,
  • Une nature luxuriante et une grande diversité d'essences, une flore tropicale exubérante, - Proximité de la mer et de moyennes montagnes d'origines volcaniques (La Soufrière en Guadeloupe : 1467 mètres et la Montagne Pelée : 1397 mètres),
  • Des énergies non fossiles en quantité : eau, courants maritimes, énergie solaire, énergie d'origine volcanique, vent...

Un atout social :

  • Un métissage culturel propice à l'originalité et aux traditions, « La French Touch » avec une qualité gastronomique spécifique des Antilles Françaises, enviée dans l'ensemble des Caraïbes,
  • Une pyramide des âges, certes vieillissante, mais qui reste favorable avec une croissance de la population jusqu'en 2040 (32% de jeunes contre 24% en métropole),
  • Une forte présence d'Antillais jeunes en métropole et aussi en Amérique du Nord qui pourraient revenir sous certaines conditions dans les îles,
  • Une « diaspora » universitaire à travers le monde,
  • La culture créole

Une économie diversifiée qui ne demande qu'à croître, notamment l'économie touristique :

  • 8% du PIB pour la Martinique, 11% pour la Guadeloupe,
  • Des îles situées à proximité de 400 millions de consommateurs à pouvoir d'achat élevé, sur le continent américain,
  • L'appartenance à l'Europe avec aussi 400 millions d'habitants à pouvoir d'achat élevé,
  • Un territoire ayant un potentiel de croissance élevé dans le secteur du tourisme, notamment durable.

Des points communs avec la Côte Fleurie et Deauville : un tourisme choisi et durable plutôt qu'un tourisme de masse (cf préconisations du CESE, rapport « Promouvoir le tourisme durable dans les Outre-Mer », 28 mars 2018, Inès BOUCHAUT-CHOISY)

  • Se ressourcer et/ou faire du sport,
  • Les courts séjours dominent, à Deauville (3-4 jours) pour (6-10 jours) dans les Antilles.
  • Une gastronomie terre/mer à terroir fort,
  • Des gisements importants de clients à fort pouvoir d'achat (Région parisienne, Benelux, Grande-Bretagne pour Deauville, Américains, Amérique Centrale, Canadiens et Européens pour les Antilles).
  • Des villages typiques à préserver,
  • Des ports,
  • Des liaisons aériennes,
  • Une grande capacité de lits touristiques avec une hôtellerie haut de gamme à renforcer,
  • De l'eau potable en quantité,
  • Des sites naturels préservés.

2.2. Des points communs différemment exploités

  • L’avion :

Les liaisons aériennes -à prix attractifs (vols A/R entre 300 et 400 €, en anticipant)- sont l'atout majeur d'accessibilité aux Antilles avec une progression ces dernières années au point de rattraper les records de 1998 après la crise qui a duré 20 ans.

Un accès relativement faible à la Côte Fleurie par avion (environ 170 000 passagers), la route dominant avec 94 % des flux, le rail 5%. L'aéroport Deauville-Normandie étant proche et complémentaire de celui de Caen et à 2H00 des aéroports parisiens.

  • Les ports de plaisance :

Deauville, avec 1 400 anneaux est le plus grand port de plaisance de Normandie après le Havre et Cherbourg. Pourtant, port de marées, les sorties sont courtes (4H00) avec peu de relais vers l'Ouest : Dives-sur-Mer, Ouistreham, Port-en-Bessin, Carentan, également port de marées, ensuite Saint­-Vaast-la-Hougue, très fréquenté par les Anglais, puis Cherbourg avant d'affronter le terrible Raz Blanchard pour rejoindre Diélette ou les Iles Anglo-Normandes, avant la Bretagne. Les mouillages sont quasi-impossibles hormis face aux îles Anglo-Normandes. La navigation de type port en port est difficile au-delà de la Baie de Seine, l'hiver.

Les Antilles, comme la Bretagne, permettent un cabotage et des mouillages aisés en raison surtout de l'archipel qu'elles constituent et de quelques ports, toutefois bien occupés. L'aléa météo des cyclones oblige une navigation saisonnière avec une météo chaude.

  • Les mobilités douces et l'intermodalité

Si Deauville démarre seulement sur ces thématiques en raison notamment de l'ultra domination de la voiture depuis les années 60, les liaisons douces intègrent désormais avec les voies piétonnes ses projets de connexion entre les différentes villes de bord de mer et du retro-littoral. Tout comme les Antilles, un facteur limitait le développement du vélo : des montées entre 10 et 20 % de pente, dès qu'on quitte le bord de mer. Le vélo avec assistance électrique offre désormais de nouvelles perspectives.

S'ajoute en Normandie, une météo froide et pluvieuse, l'hiver. Il est clair que du côté températures, le souci est moindre dans les Antilles ! Toutefois les pistes cyclables protégées restent à développer en lien avec les circuits VTT et les randonnées pédestres. Co-voiturage et peut-être navettes fluviales peuvent compléter l'ensemble des mobilités et limiter bouchons et attentes dans les zones denses.

Les contraintes à lever, gages d'un développement de l'économie touristique.

  • Les infrastructures : si l'essentiel des infrastructures est là, l'accès à l'eau potable et le rendement des réseaux d'eau potable notamment, reste un sujet dans les Antilles Françaises. Certes les aléas liés aux sols et à leur nature sismique, les cyclones, pèsent sur l'efficience, mais n'expliquent pas tout. Le suivi, la maintenance et la gestion des réseaux restent perfectibles. Les clientèles Américaines et Européennes peuvent difficilement accepter des ruptures d'alimentation en eau potable. Coeur Côte Fleurie a longtemps subi ce phénomène. Ayant beaucoup investi, le rendement avoisine désormais les 90% et la pression, depuis 2009, est bonne sur l'ensemble du territoire.
  • Le développement durable à mettre en place : la gestion des déchets, par exemple, est un autre sujet dans les Antilles. Pour ne pas être en reste, Coeur Côte Fleurie a dû également trouver, dès 2006, des solutions. L'Etat ayant fermé son incinérateur hors normes, une mutualisation à l'échelle du pôle métropolitain, via un syndicat mixte : le Sevede, situé à une heure de route, permet une revalorisation des ordures ménagères via la production d'électricité et de chaleur tout en rejetant dans l'atmosphère des vapeurs trente fois en dessous du seuil minimum autorisé.

A l'échelle des Antilles, on peut considérer que comme sur Deauville, l'enfouissement avec, en outre, les terribles perspectives d'augmentation de la TGAP, ne saurait être une solution pérenne.

Certes les filières de tri sont à développer davantage, voire parfois à créer et à bien valoriser pour également convaincre les locaux de l'utilité du geste de tri.

La difficulté commune aux deux territoires est aussi de convaincre le touriste du bon geste de tri de façon aussi à préserver l'environnement tout en diminuant les émissions de déchets. Le recours à des Nudge (Port Louis en utilise afin de lutter contre les mégots sur les plages), constitue une piste à développer sur d'autres déchets (plastique, bouteilles, carton...).

En termes de biomasse et d'énergie verte, des initiatives antillaises ont fait leurs preuves : la Centrale Thermique du Moule, valorise la biomasse à partir de la bagasse de la sucrerie Gardel et la transforme en électricité (60 MgW). De son côté, l'usine Bologne valorise en méthanisation ses vinasses et produit de la chaleur et de l'électricité. La Martinique n'est pas en reste avec 'Importante usine de méthanisation au Robert. Ces initiatives permettront peut-être à terme de sortir de l'enfouissement et de gagner en autonomie énergétique.

La pollution visuelle reste aussi un sujet : les carcasses automobiles ou l'abondance de panneaux publicitaires, y compris parfois dans des sites de valeur. Le Règlement Local de Publicité Intercommunal (RLPI) est une piste sous réserve de son application ! Coeur Côte Fleurie vient de lancer le sien en 2018, l'application est subtile !

  • Les PCAET (plan climat air énergie territoriaux) pour faire basculer réellement dans le développement durable ?

Les PCAET peuvent constituer un projet politique pour ancrer les territoires dans un véritable développement durable. C'est sur ce quoi s'appuie désormais Coeur Côte Fleurie à Deauville. Le développement durable des Antilles françaises y trouverait sûrement un axe de développement favorable amenant à la fois une évolution des comportements des habitants permanents sur ces thématiques de préservation de la ressource et d'économie durable, tout en adressant à leurs visiteurs un signal fort.

La co-construction d'un projet de ce type implique d'autant plus les habitants en les amenant à être acteurs et ambassadeurs du projet de développement durable.

  • Une appropriation, par les locaux, de l'économie touristique :

Si certaines régions de France ont su très tôt travailler sur l'accueil touristique et rendre plus empathique le comportement de ses habitants, certaines régions ont eu davantage de difficultés considérant les touristes comme des « envahisseurs ». La Normandie n'échappe pas à la règle et même dans les territoires très touristiques, des efforts d'amabilité, de gentillesse, d'aller vers l'autre sont à développer.

Le sourire étant le premier élément marketing, la marge de progrès reste réelle même sur la Côte Fleurie. Le touriste n'est pas qu'une « machine à cash ». Le traiter ainsi, si en outre le produit n'est pas à la hauteur, il ne reviendra pas et diffusera une image négative.

L'accueil est humain essentiellement, mais aussi visuel, environnemental et urbanistique. Les ex ZPPAUP, devenues AVAP puis SPR permettent de conserver et de mettre en valeur des architectures anciennes et de préserver ainsi la typicité d'un territoire. On ne compte plus les belles façades bigarrées des commerces créoles, les maisons typiques... sources, à mon sens, d'attractivité. Des politiques de rénovation de façades avec SOLIHA, par exemple, des OPAH ou autres leviers ont été mis en œuvre sur la Côte Fleurie pour classer plus de 1 000 villas et près de 1 500 façades.

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Dès lors, des visites historiques ou théâtralisées se tiennent, via les offices de tourisme ou les tour-opérateurs ainsi que des jeux de piste en ville, nouvelle forme d'incentive pour les entreprises ou des enterrements de vie de jeune fille, dont Deauville constitue une destination privilégiée ayant su garder le cachet de ses villas.

2.3. Des potentiels à développer aux Antilles Françaises

Tout comme pour la marque Normandie(y), Philippe Augier pour le Conseil Régional a développé un réseau d'ambassadeurs qui portent la marque et la région dans le monde.

Après avoir élaboré un diagnostic territorial afin de définir les valeurs de la marque, des vecteurs — des ambassadeurs — sont incontournables pour la faire vivre et la diffuser.

Les Antilles Françaises disposent d'une « diaspora antillaise » dans le monde entier, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Ils constituent un réseau d'ambassadeurs, un potentiel non négligeable à davantage exploiter pour redonner de l'envie et de l'attractivité à la marque Antilles Françaises.

Les produits créoles peuvent s'y greffer, les sportifs, les artistes peuvent valoriser le territoire et relancer la marque.

Il existe toutefois un risque : celui d'une sur-marque qui serait en décalage avec la réalité. D'où la nécessité d'agir préalablement sur les leviers : infrastructures, environnement et bien sûr, le plus difficile, le comportement humain.

Quelles pistes autour de la marque « Antilles Françaises » de mon regard de la Côte Fleurie :

  • Dépaysement,
  • Authenticité,
  • « French Touch »,
  • Créole attitude,
  • Ambiance chaleureuse à créer aux points d'accueils majeurs : aéroportuaires, ports...
  • En termes d'accueil de publics cibles :
    • Europa and America, First.
    • Créer des événements partout sur les îles, bien coordonnés, pour générer des flux soit routiers, soit de port en port, soit selon des mobilités douces à inventer.
    • Etendre la saisonnalité comme à Deauville en diversifiant l'offre touristique et en amenant du fond « il n'y a pas que la plage... »,
    • Sport, notamment sport nature (développer des raids ou treks pour faire savoir, randonnée-écolo),
    • Culture (davantage diffuser la culture créole),
    • Tourisme industriel autour de la canne à sucre et du rhum,
    • Découverte accrue de l'environnement tropical (terre et mer) et des biotopes exceptionnels,
    • Offre de tourisme d'affaires à développer avec le continent américain,
    • Associer les partenaires sociaux au développement de l'économie touristique de façon à co­-construire et ainsi limiter les tensions sociales, contraintes fortes pour le développement touristique.

Quelques leviers dépassent largement ma compétence dans cette tentative de benchmarking entre Coeur Côte Fleurie et les Antilles Françaises, toutefois, quelques pistes peuvent être soulevées :

  • Gagner en autonomie énergétique en y associant la revalorisation des déchets, mais aussi les ressources marines, éoliennes et solaires.
  • Passer d'une défiscalisation d'opportunité (5 ans) à une défiscalisation de projets, plus durable (10 ans). Le rapport sénatorial du 24 mai 2011 levait déjà cette piste. Donner dans la durée de la lisibilité aux investisseurs favorise la qualité de projets et l'engagement accru des maîtres d'ouvrage.
  • Il semble nécessaire d'y adjoindre les propositions faites notamment par mon Président et maire de Deauville, Philippe AUGIER, le directeur général de la Caisse des Dépôts, Eric LOMBARD, Serge Trigano, Christina MANTEI, directeur général d'Atout France, etc.... dans le cadre du comité interministériel de tourisme au 1 er Ministre (19 janvier 2018).

Outre l'évolution d'Atout France et le renforcement de la promotion touristique, une volonté forte de développer davantage l'investissement touristique est apparue : un objectif de 15 Md€ par an à partir de 2022, en complément du cadre fiscal très favorable adopté par le Gouvernement dans la loi de finances 2018. La Caisse des dépôts amplifie désormais via sa section générale ses interventions en tant qu'investisseur territorial avec 500 M€ sur les 5 prochaines années. Ceci permet de réaliser par un effet levier, 3.5 Md€ d'investissements. Le « Prêt hôtellerie » également est renforcé en lien avec Bpifrance et la Caisse. France Investissement Tourisme double ses fonds qui passent à 200 M€.

Enfin, le FILM (Fonds d'Investissement en Location Meublée) et les SIIC (Sociétés d'Investissement Immobiliers Cotées) peuvent intervenir conformément à la loi du 6 août 2015.

Conclusion

Les Antilles Françaises, véritable trésor vert, bleu et jaune à ne pas gâcher.

  • Vert : par son biotope exceptionnel de destination tropicale à la fois montagne et plaine,
  • Bleu : par la couleur de la mer et du ciel,
  • Jaune : son soleil, sa chaleur et le sourire de ses habitants.

Cette alchimie peut fonctionner et fortement contribuer à une relance de l'économie globale en renforçant ce qui devrait constituer le point fort de son PIB, l'économie touristique choisie plutôt que le tourisme de masse, tourisme durable, gage croissant d'attractivité.

Deauville et le cœur de la Côte Fleurie ne disposaient pas de ces atouts indispensables et pourtant sont aujourd'hui une destination prioritaire en Europe pour les courts séjours.

A travers les contacts établis via l'ADGCF, lors de la seconde rencontre de la délégation Ultra-Marine en avril dernier, j'ai pu constater la richesse et la pertinence de l'analyse que mes collègues Directeurs et Directrices Généraux antillais font de leurs territoires. Cette contribution se veut positive et montre que sur un territoire comme Coeur Côte Fleurie, le potentiel était très inférieur au départ et le territoire en partie dépourvu d'histoire car créé ex-nihilo en 1860 pour Deauville. Aujourd'hui, nous rivalisons avec les grandes destinations européennes, sans tomber dans les travers du tourisme de masse en tenant ce fragile équilibre du tourisme choisi.

Les Antilles gardent, à mon sens, un potentiel nettement supérieur et doivent peut-être ne pas souffrir de faux complexes par rapport à de nombreuses destinations : « Yes, you can.... » « Just do it ! ».

Annexe

Pour compléter votre lecture, consultez également l'article "Les conditions d’une relation bénéfique entre tourisme et événementiel : le cas du territoire de Deauville" [PDF]

 

Auteur(s) :

BOURHIS Marc

Mot(s) Clé(s) :

 Tourisme

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