Famille :

Les concours de la FPT

Par Bastien Urbain, Docteur en droit privé
Dernière mise à jour : septembre 2019

L’objectif des politiques du logement est de faire en sorte que chacun puisse accéder à un logement décent et s’y maintenir. Pour atteindre cet objectif, les pouvoirs publics ont mis en place divers dispositifs destinés à apporter non seulement une aide « à la personne », mais également une aide « à la pierre » (1). Afin de renforcer ces mesures et d’intensifier sa lutte contre le « mal logement », le législateur a par ailleurs fait du droit au logement, un droit opposable (2).

1. Panorama des dispositifs destinés à favoriser l’accès ou le maintien dans un logement

Pour que les personnes aux revenus les plus modestes puissent se loger de manière décente, différentes mesures ont été adoptées par le législateur. Elles peuvent être regroupées en deux catégories.

Il existe d’une part les aides « à la personne » qui visent, soit à accorder des prestations en espèces aux personnes qui ont de faibles ressources (1.1), soit à accorder des prestations en nature, c’est-à-dire à fournir un hébergement et une aide à la réinsertion sociale (1.2).

Il existe d’autre part les aides « à la pierre » qui visent à encourager la construction, l’aménagement et la mise à disposition de logements sociaux en nombre et en qualité suffisants (1.3).

1.1. Les aides financières

Le législateur a mis en place trois principales aides financières afin d’aider les ménages aux revenus modestes à payer leur loyer ou à rembourser une partie des mensualités de leurs emprunts immobiliers. Ces aides sont des prestations en espèces non contributives délivrées par les caisses d’allocations familiales. Il s’agit de l’aide personnalisée au logement (1.1.1), de l’allocation de logement familiale (1.1.2) et de l’allocation de logement sociale (1.1.3). Les prestations ne sont pas cumulables. Seule une d’entre elles peut être accordée par foyer.

En dehors de ces aides régulières, les pouvoirs publics ont mis en place un fonds spécial destiné à venir en aide ponctuellement aux ménages qui rencontrent des difficultés financières les empêchant d’accéder ou de se maintenir dans un logement : le fonds de solidarité pour le logement (1.1.4).

1.1.1. L’Aide Personnalisée au Logement (APL)

L’aide personnalisée au logement est une prestation en espèces qui peut être versée à des locataires (pour les aider à payer leur loyer) ou à des personnes qui accèdent à la propriété (pour les aider à rembourser leur prêt immobilier).

Les conditions d’attribution de l’APL sont de deux ordres :

  • Conditions tenant au logement occupé : le logement doit constituer la résidence principale du locataire ou de la personne qui accède à la propriété. En outre, l’aide ne peut être accordée que si le logement est dit « conventionné ». Le conventionnement est une procédure qui permet à l’État de vérifier que le logement mis en location ou récemment acquis répond aux normes de confort, de superficie et de décence. Pour calculer le montant de l’APL, la CAF prend également en compte le montant du loyer et des charges.
  • Conditions tenant au demandeur : le demandeur doit justifier que ses revenus ne dépassent pas un certain plafond. Le niveau de l’aide est par ailleurs ajusté en fonction du nombre de personnes qui composent le ménage.

1.1.2. L’Allocation de Logement Familiale (ALF)

L’allocation de logement familiale est une aide qui se situe à la frontière des politiques du logement et des politiques familiales. Elle vise à augmenter les ressources des personnes qui voient leur famille s’agrandir, afin de permettre à tous leurs membres de se loger dans des conditions décentes.

L’allocation de logement familiale est notamment destinée :

  • Aux jeunes ménages, c’est-à-dire aux couples sans enfant dont la somme des âges n’excède pas 55 ans ;
  • Aux femmes enceintes ;
  • Aux personnes ou ménages qui ont un enfant à charge ;
  • Aux personnes ou ménages qui ont en charge un ascendant de plus de 65 ans ;
  • Aux personnes ou ménages qui ont en charge un collatéral infirme ou inapte au travail.

Les conditions d’attribution et de calcul de l’allocation de logement familiale sont similaires à celles prises en compte en matière d’APL : le logement doit être la résidence principale, les ressources de la personne ou du ménage ne doivent pas dépasser un certain plafond, etc.

1.1.3. L’Allocation de Logement Sociale (ALS)

L’allocation de logement sociale a été conçue pour venir en aide aux personnes particulièrement démunies qui ne peuvent ni bénéficier de l’APL ni de l’ALF. Elle vise en particulier les jeunes, les étudiants, les ménages sans enfant et les personnes âgées ou handicapées.

Les trois aides financières semblent donc complémentaires : l’APL est centrée sur des critères de logement (le conventionnement du logement est une condition centrale dans l’attribution de la prestation), l’ALF prend davantage en considération des critères familiaux et l’ALS se concentre sur la situation personnelle des demandeurs en accordant une place importante au niveau de leurs ressources et des charges de logement qui pèsent sur eux.

1.1.4. Le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL)

En dehors des trois allocations qui viennent d’être présentées, il est important de relever que les personnes qui rencontrent des difficultés financières peuvent demander une aide ponctuelle au fonds de solidarité pour le logement implanté dans leur département. Ce fonds peut intervenir dans deux situations :

  • Pour faciliter l’accès au logement.

Le FSL peut accorder des prêts aux futurs locataires afin de leur permettre de payer le dépôt de garantie exigé par le bailleur pour l’entrée dans le logement, le premier loyer, les frais d’agence, ou encore les frais de déménagement/emménagement.

  • Pour aider les locataires à se maintenir dans le logement.

Lorsque des ménages sont menacés d’expulsion ou confrontés à des incidents de paiement, le FSL peut également intervenir et leur prêter l’argent nécessaire à l’apurement de leurs dettes de loyer, d’énergie, etc.

Outre ces aides financière, le fonds de solidarité pour le logement peut proposer un accompagnement social afin d’aider les ménages à gérer leur budget et leurs dépenses liées au logement.

1.2. L’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale

Les pouvoirs publics ont souhaité intervenir afin de venir en aide aux personnes privées de logement et d’emploi, et qui de ce fait sont généralement désocialisées et marginalisées. Pour ce faire, ils ont progressivement mis en place une politique destinée à proposer un hébergement et à accompagner ces personnes dans une logique de réinsertion sociale et professionnelle.

Qui est concerné par l’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale ?

Initialement, l’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale visait un public bien spécifique. Il s’agissait d’aider les personnes qui sortaient d’un établissement de santé, celles qui étaient libérées de prison, celles qui sortaient de la prostitution et celles considérées comme des « vagabonds ». Au fil du temps, les catégories de personnes susceptibles d’être prises en charge ont été élargies afin de tenir compte de la diversité des formes d’exclusion sociale. Désormais, peuvent demander à bénéficier d’un hébergement et d’une aide à la réinsertion sociale toutes « les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion » (art. L. 345-1 CASF).

Comment s’organise l’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale ?

Comme son nom l’indique, l’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale est organisée autour de deux axes :

  • Une aide à l’hébergement.

Toutes les personnes qui rencontrent de « graves difficultés » pour se loger peuvent demander à bénéficier d’un hébergement. Cette règle appelle deux précisions. D’une part, le droit à l’hébergement constitue depuis la loi du 25 mars 2009 un droit opposable. Cela signifie que toutes les personnes sans abri qui en font la demande doivent a minima se voir proposer un hébergement d’urgence. D’autre part, cette affirmation appelle une précision terminologique : la notion de « logement » doit être distinguée de celle d’« hébergement ». La première fait référence à une forme d’habitat individuel, stable et durable alors que la seconde se caractérise par son aspect provisoire et généralement collectif.

Chaque département doit se doter d’un dispositif de veille sociale et mettre en place depuis 2010 un Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO). Le SIAO a plusieurs missions. Il doit s’assurer que toutes les personnes dans le besoin puissent être accueillies. Il va faire en sorte que ces personnes puissent bénéficier d’une évaluation médicale, psychique et sociale afin qu’elles soient ensuite orientées vers les structures les plus adaptées à leur situation. Le SIAO coordonne tous les centres d’accueil et d’hébergement. Il doit dresser un inventaire actualisé des places disponibles dans ces différents centres. C’est également le SIAO qui gère le numéro d’urgence « 115 ».

  • Une aide à la réinsertion.

L’aide à l’hébergement n’est pas l’objectif ultime des politiques du logement. Il ne s’agit que d’une première étape, destinée à permettre ensuite aux populations les plus défavorisées de « recouvrer leur autonomie personnelle et sociale ». Autrement dit, une fois libérées des difficultés matérielles immédiates, ces personnes pourront se concentrer sur les raisons de leur exclusion sociale et/ou professionnelle et se focaliser sur les solutions à mettre en œuvre pour se réinsérer et (re)devenir autonomes.

L’aide sociale fournie dans cette deuxième étape prend trois formes. D’une part, les personnes en difficulté sont accueillies, écoutées, informées, orientées et conseillées. Un suivi social de longue durée est également mis en place afin de suivre les progrès réalisés. D’autre part, ces personnes bénéficient d’un accompagnement spécifique pour passer de l’hébergement provisoire à un logement durable. L’aide à la réinsertion passe enfin par la mise en activité des bénéficiaires.

Dans la pratique, l’aide à l’hébergement et à la réinsertion sociale est encadrée par des structures spécifiques : les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Certains centres sont spécialisés (femmes enceintes, personnes alcooliques, qui viennent de sortir de prison, etc.), d’autres sont dits « tout public ».

1.3. La construction et l’attribution de logements sociaux

La loi impose aux communes de construire des logements sociaux sous peine de subir des sanctions financières. Pour les communes de plus de 3 500 habitants, situées dans une agglomération ou une intercommunalité de plus de 50 000 habitants et comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, le nombre de logements sociaux locatifs doit représenter 25% des résidences principales d’ici 2025. Les autres communes doivent réaliser 20% de logements sociaux.

La France compte actuellement 4,7 millions de logements sociaux, lesquels permettent de loger près de 10 millions de locataires.

Les logements sociaux – également appelés « logements locatifs sociaux » ou « Habitations à Loyers Modérés » (HLM) – sont des logements construits grâce à des aides publiques afin de loger des personnes aux revenus modestes.

Pour bénéficier d’un logement social, le demandeur doit justifier que ses revenus ne dépassent pas un certain plafond. Ce plafond varie en fonction des financements obtenus par le bailleur lors de la construction du logement, de la localisation du bien et de la composition du foyer. Les demandes sont ensuite étudiées par une commission d’attribution, laquelle attribue en priorité les logements aux personnes handicapées ou étant en charge d’une personne en situation de handicap ; aux personnes en situation d’urgence ; aux personnes logées de manière temporaire par un établissement d’hébergement ; aux personnes victimes de violences conjugales ; aux personnes qui sortent de la prostitution.

Si la commission d’attribution répond favorablement, un logement sera alors proposé au demandeur par un organisme HLM. Il peut arriver qu’une personne se voie attribuer un logement social en raison de la faiblesse de ses ressources mais que, quelques temps plus tard, ses revenus augmentent et dépassent le plafond fixé pour l’attribution des logements sociaux. Dans une telle situation, l’organisme HLM est en droit de demander à cette personne un Supplément de Loyer de Solidarité (SLS), plus généralement appelé « surloyer ». Ce supplément de loyer est dû dès lors que le niveau des ressources du locataire dépasse de 20% le plafond de ressources exigé pour l’attribution des logements sociaux. Le SLS ne s’applique toutefois pas aux personnes qui résident dans une zone de revitalisation rurale ou dans un quartier prioritaire.

Si le demandeur ne reçoit aucune réponse à sa demande, il pourra saisir – dans des conditions qui seront étudiées ci-après – une commission de médiation voire, par la suite, les juridictions administratives.

2. La reconnaissance d’un droit au logement décent et opposable

Le droit au logement décent et opposable s’est construit en plusieurs étapes. Depuis les années 1980, le législateur a en effet eu l’occasion de reconnaître à plusieurs reprises l’existence d’un droit au logement. Très rapidement, l’adjectif « décent » a été accolé à ce « droit au logement ». Pour reconnaître l’importance du droit au logement décent, le Conseil constitutionnel a affirmé en 1995 qu’il s’agissait là d’une obligation de moyens, c’est-à-dire que le législateur était tenu de tout mettre en œuvre afin de permettre l’accès et le maintien dans un logement décent (2.1). En 2007, une nouvelle étape a été franchie dans la lutte contre le « mal logement » puisque ce droit au logement décent est devenu un droit opposable. Il ne s’agit donc plus d’un simple objectif vers lequel tendre, mais d’une obligation de résultat pour les pouvoirs publics (2.2).

2.1. Le droit au logement décent : un objectif de valeur constitutionnelle

Dans une décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a fait de la possibilité pour toute personne d’obtenir un logement décent un objectif de valeur constitutionnelle. Cela signifie concrètement que le législateur est désormais tenu de tout mettre en œuvre afin de réduire le nombre de mal-logés.

Bien qu’elle ne soit pas très précise, la notion de « logement décent » a ensuite été reprise par le législateur pour justifier sa lutte contre les marchands de sommeil. Elle est également à l’origine de la loi de solidarité et de renouvellement urbain du 13 décembre 2000 qui impose aux propriétaires de proposer un logement décent à leurs locataires, c’est-à-dire un logement qui ne présente pas de risque pour la sécurité ni pour la santé de ses occupants.

Le droit au logement décent justifie en outre les réformes qui ont été menées à partir de 2005 afin de lutter contre l’habitat insalubre et dangereux. C’est en effet parce qu’il est tenu de tout mettre en œuvre pour permettre à la population d’accéder ou de se maintenir dans un logement décent que le législateur a autorisé le gouvernement, dans une loi du 18 janvier 2005, à prendre toutes les ordonnances qu’il estime nécessaires pour lutter contre l’habitat insalubre et dangereux.

Malgré les efforts entrepris par le législateur depuis le début des années 1980 pour fournir un logement décent, salubre et sécurisé à l’ensemble de la population, le problème du « mal-logement » se posait toujours dans les années 2000. Afin d’y mettre un terme, et sous la pression associative, le législateur a décidé de franchir une étape supplémentaire en rendant le droit au logement « opposable ».

2.2. Le droit au logement opposable

La loi du 5 mars 2007 a bouleversé les politiques du logement en faisant du droit au logement un droit opposable aux autorités publiques. Désormais, « le droit à un logement décent et indépendant […] est garanti par l’État à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence […], n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir » (art L. 300-1 du Code de la construction et de l’habitation).

Concrètement, cela signifie que toute personne qui remplit les conditions pour bénéficier d’un logement social et à qui aucune solution durable n’a été proposée, peut exercer un recours – d’abord amiable, ensuite devant les juridictions administratives – pour se voir attribuer un logement :

  • S’agissant de la procédure amiable : une « commission de médiation » a été instituée auprès du préfet de chaque département. Cette commission est chargée de statuer sur le caractère prioritaire ou non de la demande de logement et de déterminer, compte tenu des besoins et des particularités éventuelles du demandeur, les caractéristiques du logement qui doit lui être proposé. Après avoir été examinées par la commission, les demandes sont transmises au préfet du département, lequel confiera à des organismes bailleurs disposant de logements correspondant aux caractéristiques établies par la commission de médiation le soin de proposer un logement au demandeur. Lorsque la demande de logement n’aboutit pas, un recours devant la juridiction administrative peut être enclenché.
  • S’agissant de la procédure contentieuse : seuls les demandeurs qui se sont vus reconnaître un statut prioritaire devant la commission de médiation et pour qui la demande de logement n’a pas abouti peuvent saisir le président du tribunal administratif. Les personnes n’ayant pas ce statut prioritaire ne disposent pas d’un droit de recours devant la juridiction administrative. Après avoir constaté que le demandeur remplit bien les conditions pour bénéficier d’un logement social, que sa demande a été reconnue prioritaire par la commission de médiation et qu’aucune offre de logement ne lui a pourtant été faite, le juge pourra ordonner à l’État de trouver un logement à ce demandeur. En outre, il peut assortir cette injonction d’une astreinte qui n’est pas versée au demandeur mais à un fonds d’aménagement urbain qui finance le logement social.

Le droit au logement opposable était censé contraindre l’État à fournir un logement décent et indépendant aux personnes qui n’en bénéficient pas. Le comité de suivi de la loi sur le droit au logement opposable a rendu en 2017 un rapport chiffré pour la période 2008-2016 : si, entre 2008 et 2016, plus de 124 000 ménages ont pu bénéficier d’un logement au titre du droit au logement opposable, force est de constater que le droit au logement opposable peine encore à être respecté puisque 55 000 personnes sont en attente d’un logement depuis 1 à 10 ans.

Pour en savoir plus

  • AUBIN (E.), Droit de l’aide et de l’action sociales, Issy-les-Moulineaux : Gualino, 4e éd., 2014, 521 p.
  • BORGETTO (M.) et LAFORE (R.), Droit de l’aide et de l’action sociales, Issy-les-Moulineaux : LGDJ, 10e éd., 2018, 819 p.
  • Comité de suivi de la loi DALO, Bilan chiffré du droit au logement opposable 2008-2016, 2017, 85 p. [en ligne], disponible sur www.hclpd.gouv.fr

Auteur(s) :

URBAIN Bastien

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