Les politiques des centres de documentation en direction des publics

Modifié le 16 mai 2023

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Dernière mise à jour : janvier 2016

1. Sociologie des publics

1.1. Publics et usages

Au service de sa collectivité, le centre de documentation est destiné à répondre à une grande diversité de publics. Selon la mission qui lui aura été confiée, le documentaliste devra commencer par identifier ses usagers pour construire une offre adaptée aux besoins de son ou ses publics (public cible). A chaque type de publics correspondent des besoins et des usages particuliers.

  • Les élus et leurs équipes (Cabinet) : ils ont besoin de suivre de près la vie politique, l’actualité locale, les échos des actions de la collectivité, l’information juridique, l’actualité parlementaire. La presse représente pour eux une source d’information privilégiée. Ils ont également besoin du service de documentation pour des recherches documentaires pointues ou l’élaboration de dossiers.
  • Les équipes de direction : la Direction générale, les directeurs, chefs de service, cadres n’ont souvent qu’un temps limité à consacrer à l’information. Ils privilégient les recherches pointues, souvent en urgence. Ils attendent du service de documentation la fourniture d’informations brutes, de textes de loi, de statistiques, de documents synthétiques leur permettant de prendre des décisions en toute connaissance. Les équipes de direction sollicitent l’abonnement pour leur direction ou service à des revues « phares » ou spécialisées dans leur domaine de compétences
  • Les chargés de mission : ils souhaitent généralement être informés dans la durée sur les thèmes des missions qui leur sont confiées. Souvent ils assument eux-mêmes une part de leurs recherches, sont familiarisés avec internet, ont de nombreux contacts, récoltent de l’information non publiée et constituent parfois leur propre fonds documentaire. Plus que des usagers, ils sont des partenaires précieux pour les documentalistes
  • Les services délocalisés ou territorialisés (circonscriptions, unités territoriales …) : ils peuvent se sentir isolés des services centraux et il leur est difficile de se déplacer au service de documentation. Leurs besoins sont pourtant multiples et il faudra trouver des prestations adaptées à leur situation (personnes relais, alertes et diffusions en ligne, déplacement du documentaliste sur le terrain …)
  • L’ensemble des agents (sans oublier les stagiaires) : ils privilégient la consultation d’ouvrages ou de périodiques spécialisés dans leur domaine de compétence et demandent des recherches pointues pour éclairer leur activité. Ils fréquentent le service également pour préparer des concours.
  • Les partenaires locaux de la collectivité (autres administrations locales ou services publics, associations), les habitants (quand le centre de documentation est ouvert au public) : ces publics peuvent être à la recherche d’informations sur la collectivité et les politiques qu’elle conduit, de chiffres-clés, de dossiers thématiques.

Depuis l’émergence d’internet, le rapport à l’information a changé. Tout un chacun ou presque pratique internet pour les usages de la vie courante. Les moteurs sont devenus très efficaces. Les utilisateurs peuvent alors penser être compétents en matière de recherche documentaire. Mais face à la considérable masse d’information disponible en ligne qu’il faut savoir trier et analyser, et face à la complexité des dispositifs d’information électronique, le rôle du documentaliste vis-à-vis de ses usagers reste essentiel : servir de médiateur et de guide1.

De plus, les agents territoriaux ne sont pas tous logés à la même enseigne en matière d’accès à l’information. Ils peuvent se sentir très isolés au sein de leur collectivité. En fonction de leur poste, ils ne disposent pas tous d’un ordinateur, d’une connexion à internet, ils n’ont ni le temps ni les facilités de se tenir informés et de faire leurs propres recherches.

Quant aux agents les plus à l’aise en matière de recherche, leurs usages de l’information présentent des caractéristiques à connaître :

  • Une autonomisation croissante dans la recherche sur internet, mais un temps limité pour s’informer
  • Un niveau d’exigence de plus en plus élevé vis-à-vis du service de la documentation
  • Une tendance au stockage de l’information sur le poste de travail

Le spectre des informations à traiter est donc très divers :

  • Connaître le contexte législatif et réglementaire
  • Connaître les actes départementaux et les orientations de l’exécutif
  • Connaître ce que font les directions et services de la collectivité
  • Connaître les caractéristiques du territoire sur lequel nos utilisateurs travaillent
  • Faciliter l’actualisation des connaissances des utilisateurs par la veille sur les publications professionnelles
  • Suivre l’actualité sociale, économique, environnementale
  • Connaître ce que font les autres collectivités dans les domaines proches
  • Informer sur les événements phares, les sujets prioritaires et sensibles

1.2. Une culture territoriale en évolution majeure

Le documentaliste de collectivité locale exerce son activité dans une administration qui s’est saisie depuis quelques années des nouveaux modes de management public, d’une nouvelle culture territoriale, de nouvelles problématiques. L’activité des collectivités présente inévitablement une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

1.2.1. E-administration

L'administration électronique est définie par l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) comme "l'usage des technologies de l'information et de la communication et, en particulier de l'internet, en tant qu'outil visant à mettre en place une administration de meilleure qualité"2 . L’émergence des technologies de l’information et de la communication (TIC) a permis de créer de nouveaux services publics en ligne, de favoriser la réactivité, l’interactivité. L’administration électronique impacte également le fonctionnement interne avec la dématérialisation des procédures, les outils collaboratifs (agendas partagés …).

Il est essentiel pour la collectivité - donc pour le service de documentation - d’exercer une veille active sur les nouvelles problématiques liées à l’administration électronique : interopérabilité, sécurité, confiance numérique (signature et archivage électroniques).

1.2.2. Culture de coopération territoriale

En intensifiant la volonté de mieux servir l’usager, les collectivités territoriales sont amenées à passer d’une logique de travail verticale (en silos, par directions, par pôles, par dispositifs…) à une logique transversale tant en interne qu’avec d’autres collectivités et d’autres partenaires. Construites généralement sur la base de conventions, les coopérations territoriales se donnent pour but de renforcer la cohésion des politiques publiques sur le territoire (services à la population, économie, culture …). On parle alors de co-construction des politiques publiques.

1.2.3. Pilotage par projet

Pour mener à bien un projet ou un ensemble de projets stratégiques, le « pilotage par projet » est un mode de gouvernance maintenant répandu dans les collectivités locales. Le déroulement du projet est un processus qui comprend différentes phases (lancement ; mise en place de l'infrastructure du projet et des outils de suivi ; réalisation ; contrôle ; clôture du projet) et différents outils (tableau de bord, gestion des risques, planning, revue de projet ….)

Le documentaliste doit être à l’aise avec les notions de pilotage par projet (ou gestion de projet) car il sera amené à participer à des projets transverses impliquant la documentation, voire à piloter ou co-piloter des projets relatifs à la gestion de l’information : informatisation ou ré informatisation du service de documentation, projet de knowledge management (gestion des connaissances), de Records Management (gestion du cycle de vie du document), de sécurisation des données …

1.2.4. Evaluation des politiques publiques et démarche qualité

S’inspirant souvent de la série des normes internationales de management de la qualité ISO 9000, les démarches d’amélioration de la qualité du service public occupent désormais une place centrale dans les politiques de modernisation des services publics.

Plusieurs méthodes combinées sont à privilégier pour améliorer la qualité3 :

  • Le management des processus : dès lors que la priorité est donnée à la satisfaction des bénéficiaires, il s’agit d’identifier, de maîtriser et d’améliorer les processus de réalisation des produits/services attendus par ceux-ci.
  • La mesure des résultats au travers d’indicateurs construits dans le regard des bénéficiaires, car, pour les qualiticiens, il n’y a pas de progrès sans mesure.
  • L’amélioration continue de ces résultats, notamment par la suppression des causes de non-conformités (de dysfonctionnements) à tous les niveaux (c’est la boucle de l’amélioration continue aussi connue sous le nom de « Roue de Deming ») (ISO 9000 :2005).

Si votre collectivité est engagée dans une démarche de certification ISO, vous aurez à construire des outils de suivi qualité. En l’absence de ce formalisme, vous aurez intérêt toutefois à connaître les outils de la démarche qualité, et à choisir d’en utiliser certains, qui vous aideront dans l’évaluation de votre activité, dans une perspective d’amélioration du service rendu.

1.2.5. Existence d’un système d’information décisionnel

Les fonctions d’aide à la décision en matière de politiques publiques (analyse de gestion, audit interne, évaluation, finance …) ont en commun de devoir s’appuyer sur des données fiabilisées et crédibles. Les systèmes d’information décisionnels qui se mettent en place dans les collectivités sont des supports majeurs pour ces fonctions d’aide à la décision.

Ils renforcent le dispositif de pilotage. Ils font de l’information stratégique un bien commun, à la fois dans une logique de partage et dans une logique de renforcement de la participation active des agents territoriaux à l’animation des politiques publiques.

Quand un SI décisionnel existe dans la collectivité, les documentalistes ne peuvent qu’être concernés par ce mode de pilotage, à la fois en capitalisant l’information produite, en traitant les données numériques du système, en contribuant à la structuration du système.

1.2.6. La Donnée (Data)

A l’instar de toute la société et des autres institutions, les collectivités sont concernées par le traitement des données, avec à la clé deux enjeux majeurs :

  • La sécurisation des données. Il faut à la fois assurer la sécurité des données enregistrées dans les serveurs informatiques, protéger le capital intellectuel (en particulier pendant les phases de production non encore finalisées ni validées), et assurer la traçabilité des documents dont la collectivité porte la responsabilité (valeur de preuve)
  • L’Open Data. Le mouvement « Open Data » (ou « données ouvertes ») est une démarche de publication de données numériques en ligne selon une série de dix critères garantissant leur libre accès et réutilisation par tous. Ainsi, une donnée brute est dite ouverte si elle est publiée de manière : Complète, Primaire, Opportune, Accessible, Exploitable, Non-Discriminatoire, Non-Propriétaire, Libre de droits, Permanente, et Gratuite. Cette démarche de publication concerne notamment les collectivités publiques (cf. fiche 9.6).

Cette nouvelle culture territoriale dont nous venons de voir les principales déclinaisons implique le service de documentation. Il devra ajuster son fonctionnement à celui de sa collectivité et inscrire sa politique documentaire et ses prestations dans les grands enjeux et les projets menés par l’institution.

2. Accueil

La nécessité de positionner le centre de documentation comme un outil stratégique d’aide à la décision (cf. 1.1) ne doit pas faire oublier le rôle fondamental de l'accueil de l’ensemble de son public. Les utilisateurs doivent être encouragés à utiliser les compétences et services offerts par le documentaliste.

La qualité de l’accueil est la première prestation sur laquelle se fera la réputation du service. L’usager ne doit jamais avoir l’impression d’être mal reçu. Il faut au contraire instaurer un climat de confiance, encourager l’expression de l’usager si sa question est floue, inadaptée ou s’il est mal à l’aise. Le langage du corps (sourire, posture), la politesse y contribuent. Si la réponse à sa problématique n’est pas du ressort du centre de documentation, il faut s’efforcer de le réorienter sur la structure susceptible de le renseigner.

La signalétique des lieux est une composante de la qualité de l’accueil. La circulation dans le centre de documentation doit être visible et bien signalisée. Les horaires, conditions et modalités d’accès doivent être rédigés, affichés.

Un poste d’accueil doit être facilement accessible et présenter des documents supports utiles à tous les utilisateurs (dépliant de présentation du service, plans de classement, catalogues …).

L’accueil est aussi virtuel. Si possible, un poste informatique avec accès à internet et au portail documentaire doit être mis à disposition du public. Un grand soin doit être apporté à l’interface que représente le portail de ressources. Il doit être visible, bien positionné, simple d’accès. La page principale ne doit pas être trop chargée, ce qui serait dissuasif, mais distiller clairement les principales informations qui donneront envie d’en savoir plus et de naviguer dans les menus, onglets, pages profondes.

3. Analyse et anticipation du besoin

Le centre de documentation est là pour répondre aux besoins d’information des services. Avant toute mise en place de prestation documentaire, il est indispensable de se donner les moyens de connaître ces besoins.

Plusieurs méthodes sont à pratiquer :

  • La demande de rendez-vous avec une direction, un service, un groupe professionnel
  • Le questionnaire de besoins à envoyer par courrier interne, par messagerie
  • Le dialogue de face à face avec un usager à l’occasion d’une demande pôle d’accueil du service de documentation
  • Les réunions avec les directions utilisatrices, la participation aux projets menés par celles-ci
  • La lecture des projets et rapports d’activité

Il est important d’interroger les utilisateurs sur ce qu’ils font, et pas seulement sur leurs besoins d’informations, car tous n’ont pas conscience de leurs manques en la matière. Bien les connaître, et connaître leur environnement de travail permettront dans bien des cas de rebondir sur leurs besoins d’information. Quelles sont leurs fonctions, comment les pratiquent-t-ils, en quoi l’information repérée est-elle une clé pour mener à bien leur travail ?

Connaître les missions, les projets en cours, les problématiques, constitue donc la première brique à poser pour élaborer sa politique documentaire. Le repérage de l’information en sera facilité, le but à atteindre étant une très grande réactivité en matière de sélection et de diffusion de l’information, voire l’anticipation sur le besoin grâce à la veille et à l’attention portée aux « signaux faibles ». (cf. fiche 7.4)

4. Médiation documentaire et formation des usagers

Le centre de documentation n’est plus le point d’entrée unique de la recherche d’information. L’information était rare, elle est devenue surabondante, multi-sources, partagée par tout un chacun.

C’est pourquoi parmi les spécificités du métier de documentaliste, les fonctions de médiation, formation à la recherche, sensibilisation aux outils et technologies de l’information et de la communication sont devenues majeures. Le documentaliste est un intermédiaire, un guide, un accompagnateur, qui facilite l’accès à l’information des usagers face au « maquis informationnel ». En voici quelques exemples :

  • Accompagnement des agents pour la recherche d’information sur le logiciel documentaire
  • Formation à l’interrogation des bases de données auxquelles la collectivité est abonnée
  • Formation à l’usage des moteurs de recherche sur internet et à la navigation dans les pages et les sites
  • Formation à la gestion des signets (sauvegarde et classement)
  • Conseil sur les centres de documentation ou autres structures à même de répondre plus efficacement à leur demande

5. Communication et marketing

Faire connaître son savoir-faire auprès des interlocuteurs contribue à assurer la fonction de médiateur. Une promotion des prestations rendues par le service doit être développée pour faciliter l’accès des usagers aux sources d’information et leur appropriation des outils de recherche.

Le documentaliste ne doit pas rester « derrière » l’information. Il faut au contraire se faire connaitre pour emporter l’adhésion : se former à la communication, utiliser différents vecteurs de communication, adopter une démarche inspirée du marketing, réaliser des enquêtes, des événements. Cela participe d’une dynamique de service.

5.1. Quelles compétences documentaires faut-il communiquer ?

  • Connaissance des sources
  • Connaissance des technologies de recherche, de capitalisation, de diffusion de l’information
  • Rigueur dans la recherche et la sélection de l’information
  • Compétences en organisation de l’information
  • Disponibilité et sens de l’écoute des besoins
  • Gain de temps pour les cadres, agents, leurs collaborateurs, partenaires
  • Apport de ressources stratégiques (aide à la décision)

5.2. Des actions de communication

  • Elaboration de supports de communication traditionnels (affichettes, marque-page, guide de l’usager …)
  • Communication via le web 2.0 (facebook, twitter …)
  • Interventions lors des journées d’accueil des nouveaux arrivants
  • Organisation de journées portes ouvertes ou d’événements autour d’un thème
  • Réalisation d’enquêtes de besoins et d’enquêtes de satisfaction
  • Publication d’articles dans le journal de communication interne et/ou le site intranet/internet de la collectivité
  • Projections vidéo ou « tables de presse » thématiques

Au-delà des utilisateurs « de terrain », il faut faire remonter à la Direction générale l’information sur ce qui est réalisé, excellent moyen de se faire connaître et reconnaître.

Tenir régulièrement auprès des décideurs, des usagers et des partenaires un discours en adéquation avec les compétences documentaires, à savoir que la qualité des prestations documentaires constitue un atout pour la qualité de l’institution dans son ensemble, aura pour conséquence de faire évoluer l’image parfois erronée que les non-spécialistes ont de la documentation.

La participation active à diverses instances de réflexion de la collectivité (à l’instar des chantiers transverses, études, groupes de projet …) donne de la visibilité au service de documentation et participe – au-delà de l’intérêt stratégique – de la politique de communication du service.

Enfin, le service ou centre de documentation a tout intérêt à se créer un logo et une charte graphique bien reconnaissable sur l’ensemble de ses diffusions et produits documentaires. Logo et charte seront bien évidemment conçus selon les recommandations et avec l’aide de la direction de la communication de la collectivité.

  1. ^ Bretelle-Desmazières, Danièle. 2009. « Evolution de la relation avec les usagers », Documentaliste Sciences de l’information, vol. 46, n° 3, p. 32-35 
  2. ^ http://www.collectivites-locales.gouv.fr/zoom-sur-ladministration-electronique
  3. ^ Barouch, G. 2010. La mise en œuvre de démarches qualité dans les services publics : une difficile transition. Politiques et Management Public, vol 27/2, 2010

Auteur(s) :

NOET Françoise

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