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Les concours de la FPT

Dernière mise à jour : décembre 2015

Quels sont les modes de gestion des musées et quels en sont les impacts sur leur organisation administrative ?

Citons pour introduire le propos les Musées de plein air des Maisons Comtoises qui sont gérés par un syndicat mixte depuis 1997 tandis qu’à la même période le Musée Jacquemart-André, propriété de l'Institut de France, était géré par la société Culturespaces ; si le Musée du Louvre, établissement public national à caractère administratif, est placé sous la tutelle du ministre de la culture, le Muséum national d’Histoire naturelle, établissement public à caractère culturel, scientifique et professionnel (comme le CNAM) est quant-à-lui placé sous la tutelle de trois ministères (lien vers décret).

En France, jusqu’aux lois de décentralisation adoptées à partir de 1982 ("lois Defferre"), la vie culturelle était le fait de nombreuses acteurs privés et publics contrôlés par l ’État de manière centralisée. Le mode de gestion privilégié alors la régie directe du musée par sa tutelle. Les musées étaient alors :

  • « classés », c’est-à-dire dirigés par du personnel scientifique d’état (Ministère de la culture pour les musées d’art d’histoire et d’archéologie, Ministère de la recherche pour les Muséums d’histoire naturelle)
  • « contrôlés », gérés par du personnel des collectivités locales mais inspectés par le personnel scientifique de l’État.

Suite à la décentralisation, des centaines de musées ont éclos sur tout le territoire (musées d’associations ou d’entreprises (écomusées, musée de société, musées thématiques) laors que paradoxalement, pour des raisons de gestion de fait (http://www.collectivites-locales.gouv.fr/gestion-fait), les collectivités publiques se désengaient des instances de décision de nombreuses institutions culturelles gérées par des associations. Le législateur a donc proposé d’élargir les modes de gestion des entreprises culturelles pour les collectivités publiques en créant les établissements publics de coopération culturelle, dispositif qui a depuis remporté un certain succès, notamment auprès des grands musées.

Cette évolution dans les modes de gestion est parfaitement illustrée par le cas du Musée des confluences : après avoir été en régie directe sous la tutelle de la ville de Lyon puis dans les années 90 du département du Rhône, il est depuis le 1er juillet 2014 un EPCC.

Les différentes possibilités actuelles de gestion d’une institution muséale relèvent de deux catégories :

1) Service public culturel (Musée public) :

  • Lorsque qu’une personne publique gère :
    • régie directe,
    • régie autonome
    • régie personnalisée
  • Lorsque plusieurs personnes publiques gèrent :
    • L’établissement public (EPCI)
    • L’établissement public de coopération culturelle
    • Le GIPC
  • Lorsque personnes publiques et privées gèrent (suite à une délégation ou à un appel d’offre)
    • SEM
    • SPL

2) Musée privé

  • Les fondations
  • Les associations…

1. Service public culturel (Musée public)

Services publics culturels pour la plupart, les musées français peuvent être gérés soit par une personne morale relevant soit du droit privé, soit du droit public. Les modes de gestion se sont diversifiés, permettant d’aller de plus en plus vers l’autonomie de gestion et la recherche d’une meilleure « rentabilité », tout en maintenant par la loi le contrôle scientifique et technique de l'État (pour garantir la protection du patrimoine culturel en France). Les modalités de ce contrôle sont fixées par décret du Conseil d'État.

Les finances d'un musée public proviennent quasi-exclusivement de subventions publiques, provenant soit de l'État, soit de collectivités territoriales (60 % des musées français sont dans ce cas. Nous verrons que le mode de gestion choisi impact la capacité du musée à s’autodéterminer et s’autofinancer et donc son insertion dans une possible logique économique.

1.1. Gestion par une seule personne (morale) publique : les régies

1.1.1. La régie directe

Tout service public peut être géré de manière directe, que ce soit par une collectivité ou par une personnalité juridique autonome (une université par exemple comme pour de nombreux musées universitaires).

La régie directe reste aujourd’hui le mode de gestion le plus répandu au sein des 1600 musées de France. La collectivité assure alors un contrôle total sur le musée qui est un service public parmi d’autres. La collectivité de tutelle fournit alors tout :

  • les personnels qui y travaillent (agents d’état ou territoriaux)
  • Le matériel (véhicule de service, ordinateurs…)
  • Les fluides
  • Tous les accompagnements règlementaires (assurances, travaux de conformité)
  • La maintenance
  • le financement de l’équipement (expositions, acquisitions…).

C’est un mode peu rentable de gestion car les gestionnaires du Musée ne peuvent récupérer au budget du musée les revenus supplémentaires ou les économies en fonctionnement qu’ils obtiennent. La plupart des usagers ne payant pas le coût réel (lien vers fiche calcul de coût des musées) du service dont ils bénéficient.

Par ailleurs, le processus de décision y est rigide, toute modification dans le fonctionnement même mineure (tarif par exemple) devant être validée par la tutelle (conseil municipal, conseil départementale, décret ministériel…).

1.1.2. La régie autonome

Ce mode de gestion autorise l’autonomie financière mais pas morale : le maire/président de département ou région, ou le ministre reste le représentant légal du musée. Le budget du musée est un « budget annexe » de la collectivité : le coût de l’équipement est donc clairement identifié.

1.1.3. La régie personnalisée

1.1.3.1. Les SPA

Ce mode de gestion offre l’autonomie financière et morale :

  • C’est le conseil d’administration prend les décisions (tarifs…), le directeur les met en œuvre
  • Le représentant légal est le président du CA.
  • Le personnel est recruté par le CA puis dirigé par le directeur

1.1.3.2. SPIC (gestion de l’eau…)

Dans le cadre des SPIC (intérêt commercial), seuls le directeur et le comptable relèvent du droit public. Le reste du personnel relève du droit privé. C’est le directeur qui représente le musée et qui ordonne les dépenses. Mais c’est bien el CA qui fixe par exemple les tarifs.

1.2. La gestion déléguée à une ou plusieurs personnes publiques

Les établissements publics sont créés par des collectivités ou par l’Etat pour assumer une compétence spécifique : diffusion des musiques actuelles, pratiques artistiques, conservation du patrimoine. L’établissement public sera donc qualifié, selon la compétence qu’il met en œuvre, d’EPIC (Industriel et Commercial) ou d’EPA (administratif) ou d’EPCC (coopération culturelle).

Relevant du droit public, les EP sont pilotés par un conseil d’administration et un directeur, nommés certes par la tutelle politique qui garde un contrôle indirect sur la stratégie de l’établissement mais qui dispose véritablement d’une certaine autonomie dans la gestion de l’établissement.

Les personnels d’un établissement public peuvent donc relever du droit privé, sauf pour les EPA (loi du 26/1/1984) et pour le comptable et le directeur d’un EPIC

Les points forts sont indéniablement :

  • Avoir plus d’autonomie décisionnelle pour le directeur
  • Stimuler les coopérations l’esprit partenarial (mutualisation des moyens et de la décision par les acteurs)
  • Permet de considérer le musée (équipement culturel) comme ayant un impact économique (EPIC)

Deux écueils sont à considérer :

  • Les collectivités réunies dans le CA doivent revenir vers leurs assemblées délibérantes pour acter certaines décisions. Le calendrier décisionnaire peut devenir extrêmement long ;
  • Le musée doit alors de doter de tous les moyens de gestion administratifs lui permettant de fonctionner (alors que dans la régie directe ils sont fourni par la collectivité « mère ») : ses propres véhicules, payer ses employés ce qui peut donc vite se révéler plus couteux pour une collectivité que d’avoir un service financier commun à plusieurs structures. Il faut que le musée se dote de tous les agents indispensables à son fonctionnement (comptable, électricien, informaticien… alors qu’il n’en apeut être pas besion à temps plein.

Ex : fusion de la SAS Paris Musées et des musées de la ville en un EPA en 2012

1.2.1. L’EPCC (établissement public de coopération culturelle)

Créé afin de favoriser les partenariats culturels entre collectivités (avec ou sans l’État) dans le cadre de la décentralisation, son objet ne peut être un service rendu par la collectivité ou l’état (exemple : gestion de l’état civil). Les EPCC ont pour ambition d’accompagner l’aménagement des territoires et l’accès de la culture à tous, au cœur des territoires où ils sont créés

Leur création « ex nihilo » diverge de leur création à partir d’une structure préexistante relevant du droit public, avec dans ce dernier cas des transformations dans le mode de gestion allant jusqu’à des changements importants dans le mode de gestion des personnels et donc des mouvements sociaux par exemple, ou des difficultés dans le transfert de propriété des collections.

Administré par un conseil d’administration (avec président) et un directeur, il permet de regrouper des équipements au sein d’un seul organisme (mutualisation des moyens). Les personnes publiques doivent rester majoritaires au sein du conseil d’administration.

Tous les domaines culturels sont concernés (décret 2002-1172 du 11/9/2002 ; circulaire interministérielle n°2003/005 du 18 avril relative à la mise-en-œuvre de la loi relative à la création des établissements publics de coopération culturelle).

Son principal inconvénient est qu’une collectivité seule n’est pas autorisée à créer un EPCC (article LI431.1 du code général des collectivités territoriales), il faut qu’elle s’associe à d’autres acteurs pour ce faire ce qui freine de nombreuses volontés, notamment politiques.

Par ailleurs, le statut des personnels et les droits et obligations doivent être bien précisés en amont.

1.2.2. Le GIPC (Groupement d’Intérêt Public à objet Culturel)

Le GIPC est en réalité un contrat que l’Etat et/ou des collectivités passent avec divers acteurs de droit privé pour constituer au final un établissement relevant du droit public, à but non lucratif (un programme de recherche spatiale par exemple). Son principal inconvénient est une durée de vie limitée, ce qui est incompatible avec les missions de conservation patrimoniale de la plupart des musées.

1.3. La gestion déléguée à une personne de droit privé (seule ou non)

La gestion d’un musée peut être confiée par délégation à une personne privée. Ce fut le cas de nombreux musées de société issus de collectes menés par les témoins d’une activité en cours d’extinction comme l’activité rurale ou l’activité minière et gérés par l’association référente localement sur ce thème, avec toutes les difficultés inhérentes au problème de la gestion de fait, à savoir que l’ordonnateur d’une dépense ne peut être celui qui reçoit l’argent.

1.3.1. La gestion déléguée de à une personne de droit privé et à objectif commercial

C’est un mode de gestion qui permet une grande souplesse et une grande réactivité organisationnelle, comme par exemple dans des secteurs où les horaires doivent pouvoir s’adapter aux contraintes de l’activité (sites touristiques). En contrepartie, le délégataire encaisse les recettes.

Lorsque la collectivité cède son droit de gestion à une personne privé et ce pour une longue durée, ce qui inclut en général la construction même des bâtiments, on parle de concession de service public. Charge au concessionnaire de réaliser d’importants bénéfices. Ce type de délégation de gestion ne concerne pas à ce jour les musées publics, peu rentables au regard des coûts de gestion des collections, intéressent peu les délégataires potentiels qui veulent faire des bénéfices.

Citons la fondation Culturespaces http://www.fondation-culturespaces.com/fr/home qui gère douze sites confiés en concessions par des établissements publics dont le Musée Jacquemart André à Paris, l'hôtel de Caumont à Aix, racheté en novembre dernier pour 10 millions d'euros, sans un sou de l'État (http://www.caumont-centredart.com/).

Pour ce qui concerne les musées, la gestion est souvent mixte car la création de l’équipement se fait en général en amont par la puissance publique puis le délégataire obtient ensuite la délégation pour une durée courte, et la collectivité conserve un regard sur la gestion de l’équipement, comme dans le cas des Sem et des SPL.

1.3.2. La gestion déléguée mixte (droit privé et droit public) : la Société d’Économie Mixte Locale

Les collectivités territoriales peuvent créer des SEML en général pour des opérations ayant une connotation économique et commerciale (aménagement urbain, tourisme) mais dont l’objectif doit relever de «l’intérêt général ».

La collectivité y devient actionnaire (elle ne détient pas l’ensemble du capital).

Une collectivité seule peut créer une SEML dont le directeur a le pouvoir de gestion. La SEML se finance pour partie sur les bénéfices faits.

Seuls les activités de sites muséaux à très forte fréquentation touristique arrivent à être gérés partiellement en SEML (la Citadelle de Besançon dans les années 90), une partie du personnel restant issu de la collectivité (personnel scientifique des collections en général).

En général, c’est l’EPCC qui est choisi aujourd’hui comme mode de gestion si plusieurs collectivités se mettent d’accord.

1.3.3. La gestion déléguée à une personne morale de droit privé et public : la Société Publique Locale

La collectivité peut à nouveau créer seule la SPL mais, à la différence de la SEM, elle y détient l’ensemble du capital (article L1531-1 du CGCT).

La SPL doit avoir un objectif relevant d’une compétence propre à la collectivité publique qui la crée.

La tutelle de la collectivité y est importante, se rapprochant de la gestion par régie, mais en permettant d’intégrer des objectifs commerciaux, comme ce fut le cas en 2012 avec la création à la réunion de la SPL « réunion des musée régionaux » ayant pour objectif de contribuer à l’attractivité de l’Ile et donc au tourisme.

2. La gestion d’un musée relevant du droit privé

2.1. Équilibrer les dépenses et les recettes

Face aux institutions subventionnées, des musées financés par des fonds privés se développent en France, sur le modèle nord-américains où plus ed la moitié des musées est privé. En France, ces musées privés dépendent essentiellement des recettes suivantes :

  • location des locaux pour des événements organisés par les entreprises, des services de protocole, des artistes…
  • billetterie, vente boutique, restaurants du musée
  • vente de collections (s’il le musée n’est pas classé musées de France ou si la collection ne relève pas d’une réglementation spécifique interdisant la vente (renvoi vers statut des collections). Ces ventes concernent les spécimens qui s'insèrent mal dans la collection

La rentabilité y étant incontournable, les musées privés privilégient la création ou la location d’expositions populaires, où les collections présentées sont célèbres et susceptibles d’attirer un large public. Un riche cortège d’outils pédagogiques est souvent présent.

Pour exemple, et selon une équation désormais largement copiée par les musées publics, un projet d’exposition privée multiplie les sources de recettes: 20 % proviennent des soirées d'entreprises, 10 % des restaurants, 15 % de la librairie, 55 % de la billetterie (musées publics : la subvention couvre 70 % à 100% des charges)

2.2. Acquérir (gérer) des collections dans un musée privé

2.2.1. Typologie

Concernant l’acquisition/gestion des collections, plusieurs modes sont rencontrés :

  • Si les collections relèvent du statut des musées de France ou de la domanialité publique comme au musée Maillol ou Jacquemart André, le musée en assume alors uniquement les frais de gestion et de valorisation ;
  • Le musée privé peut aussi se constituer ses propres collections comme c’est le cas pour de nombreux musée privés souvent thématique ou comme par exemple pour La Pinacothèque (Paris) où, grâce à des dépôts de collectionneurs très impliqués jusqu’au montage des expositions, le musée n’a plus qu’à dédommager les dépositaires à hauteur d’un seuil fixer en amont. Il faut que leur intérêt est grand car une œuvre en leur possession, exposé au sein d’une grande exposition rétrospective ou évènementielle peut voir sa valeur se multipliée ;
  • Le Musée des lettres et des manuscrits dont les collections se constituent par des achats en copropriété avec des particuliers est un cas tout à fait intéressant.

2.2.2. Quelques exemples de musées privés

La Pinacothèque (www.pinacotheque.com) : société commerciale ouverte en 2007, elle a pour actionnaire The Art Heritage Group, holding installé en Hollande. Entreprise de 60 personnes Ce musée est rendu possible grâce au dépôt de collectionneurs privés, anonymes ou non

Musée des lettres et des manuscrits (www.museedeslettres.fr/public) : géré par la société Aristophil créée en 1990. (Aujourd’hui 10.000 adhérents et 40 salariés). En échanges d’avantages fiscaux, le musée propose à ses adhérents d’acheter des collections pour le musée en échange d’un «contrat de garde, de conservation et d'exposition ». Aristophil est ainsi devenu copropriétaire de 75.000 documents qu’ils exposent (ou non) , notamment des originaux de Verlaine, la Correspondance d'Émile Zola, La Belle et la Bête de Jean Cocteau.

Musée Maillol (www.museemaillol.com) : le nom seul de l’artiste n’étant pas assez attractif, le musée organise avec des marchands d’art de grandes expositions pour attirer le public ; les galeristes collaborant peuvent alors obtenir à l’étranger le statut de fondation et percevoir des dons.

Bibliographie/textes de référence

  • Loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (Version consolidée au 29 novembre 2015)
  • Article L1531-1 (modifié par ORDONNANCE n°2015-1127 du 10 septembre 2015) du Code Général des collectivités territoriales
  • Françoise Benhamou, 2003. L'Économie de la culture, Paris, La Découverte, coll. Repères n°192.
  • David Throsby, 2014. Handbook of the Economics of Art and Culture.
  • J.-M. Tobelem. 1994. Quelques questions relatives à la gestion des musées in La lettre de l’OCIM n°36, pp. 13-15.

Auteur(s) :

GAUTHIER Catherine

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