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Les concours de la FPT

1. Savoir distinguer les juridictions existantes

Il existe plusieurs juridictions internationales et européennes que l’on confond souvent. Il faut savoir les distinguer, car la portée de leurs arrêts, comme leur champ géographique de compétences ne sont pas les mêmes. Certaines de ces juridictions sont à vocation unique et temporaire, d’autres sont permanentes.

1.1. Les juridictions à vocation unique et temporaire actuelles

Il existait essentiellement deux juridictions à vocation unique : le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le tribunal international pour le Rwanda (TPIR).

Le premier avait pour but, dès sa création en 1993, de juger les crimes commis entre 1991 et 2001 durant la guerre entre les pays de cette zone ; sa mission a pris fin en décembre 2017. Le second créé en 1994 avait pour but de traiter des crimes génocidaires commis dans ce pays ; il a cessé ses fonctions le 31 décembre 2015.

Pour assurer la consolidation des activités de ces juridictions, le Conseil de sécurité de l’ONU, le 22 décembre 2010, a créé le « Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux ». Cette instance veille à l’application des peines prononcées par les tribunaux, et peut instruire les appels aux jugements des tribunaux.

Pour ce faire, elle dispose de deux divisions :

  • La division africaine basée à Arusha en Tanzanie pour conduire les travaux du TPIR
  • La division européenne installée à la Haye (Pays-Bas) pour les travaux du TPIY.

1.2. Les juridictions à vocation permanente

Hors celles de l’Union européenne, elles sont au nombre de trois.

1.2.1. La Cour internationale de justice (CIJ)

C’est une juridiction qui émane de la charte des Nations-unies signée en juin 1945. La CIJ est l’organe judiciaire de l’ONU. Elle siège à la Haye aux Pays-Bas et comprend 15 juges élus pour 9 ans par l’Assemblée générale de l’ONU et par la Conseil de sécurité. Le mandat est renouvelable. Les langues officielles sont l’Anglais et le Français.

Elle exerce deux fonctions : contentieuse et consultative.

  • Contentieuse lorsqu’elle a à connaître un litige entre 2 États (contestation de frontières terrestre ou maritime, relations diplomatiques, incident aérien, etc.). Tous les États de l’ONU n’ayant pas reconnu cette juridiction, seuls peuvent la saisir ceux qui ont adhéré à son statut.
  • Consultative car elle donne des avis sur des questions juridiques que lui soumettent les organes de l’ONU ou d’autres institutions.

1.2.2. La Cour européenne des droits de l’homme

Elle a été créée le 4 novembre 1950 lors de l’adoption à Rome de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle concerne les 47 pays membres du Conseil de l’Europe représentant 830 millions d’habitants ; elle siège à Strasbourg. Elle est chargée de faire appliquer les termes de ladite convention.

Après une longue période de ratification de la Convention et le temps utile à son installation, la CEDH siège de manière permanente depuis le 21 janvier 1959. Elle comprend 47 juges, soit 1 par État membre. Ceux-ci sont indépendants et leur mandat est de 9 ans non renouvelable. Ses arrêts ont force contraignante pour les États.

1.2.3. La Cour pénale internationale

Elle n’appartient pas au système des Nations-Unies. Elle fait l’objet d’un traité signé à Rome le 17 juillet 1998. Cette Cour est complémentaire des juridictions nationales. Elle n’intervient pas si une procédure est en cours, de bonne foi, au niveau national.

Elle comprend 18 juges, 1 procureur et 1 greffier. Elle a débuté ses travaux le 1er juillet 2002, soit après la ratification par au moins 60 États du traité l’instituant.

Elle est compétente envers les personnes qui ont commis des crimes graves de portée internationale : crime contre l’humanité, crime de génocide, crime de guerre et crime d’agression. Les États sont exclus de ses compétences. La Cour ne peut juger que les affaires intervenues après son entrée en fonction et pour les ressortissants des seuls pays ayant ratifié le traité.

1.3. Les juridictions européennes

  • La Cour des comptes que nous avons examinée dans le chapitre consacré aux institutions de l’Union
  • La Cour de justice et le Tribunal de l’Union européenne que nous allons étudier.

Ces institutions dites juridictionnelles siègent à Luxembourg, la Cour des comptes depuis 1977 ; la Cour de justice depuis 1959 et le Tribunal depuis 1988.

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La Cour de justice de l’Union européenne à Luxembourg

2. La Cour de justice de l’UE

L’article 19 du TUE expose que la Cour de justice de l’Union européenne est composée de la Cour, du Tribunal et de tribunaux spécialisés, en l’occurrence, du Tribunal de la fonction publique ; que la Cour comprend un juge pas État membre et qu’elle est assistée d’avocats généraux. L’article précise que ces magistrats sont nommés d’un commun accord entre les États membres parmi des personnalités présentant toutes les garanties d’indépendance.

Enfin, l’article établit que la Cour statue conformément aux traités :

  • Sur les recours formés par un État membre, une institution, une personne physique ou morale ;
  • A titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité des actes adoptés par les institutions ;
  • Dans tous les autres cas prévus par les traités

2.1. Composition et nomination de ses membres

Actuellement, la Cour comprend 28 juges et 11 avocats généraux. A ces membres se joint 1 greffier. (Ces chiffres seront modifiés après le départ des Britanniques)

Si ces magistrats sont nommés par les États membres, leur candidature est préalablement soumise à l’avis d’un comité qui contrôle l’adéquation des candidats à exercer les fonctions. Ce comité est formé de 7 personnalités issues des hautes juridictions nationale et européenne ; l’une de ces personnalités est proposée par le Parlement européen.

Parmi ces 28 juges se trouvent des magistrats, des fonctionnaires, des hommes politiques, des avocats ou des professeurs d’université, tous disposant de compétences notoires. Cette diversité des professions fait la richesse de la Cour qui a à connaître des affaires de la plus grande variété.

Parmi les 11 avocats généraux, 4 sont obligatoirement issus des 4 « grands » pays que sont l’Allemagne, la France, l’Italie et la Grande-Bretagne. Les autres sont nommés par alternance tous les 6 ans.

Le greffier est un fonctionnaire de l’Union européenne qui est le secrétaire général de la Cour et qui assure la direction des services et la gestion des dossiers instruits par la Cour, sous l’autorité du président. Il est nommé par la Cour.

Le mandat de ces magistrats est de 6 ans ; il est renouvelable. Ils élisent en leur sein le président pour un mandat renouvelable de 3 ans. Un renouvellement partiel de la Cour a lieu tous les 3 ans.

2.2. Organisation et langues de travail

La Cour est organisée en 5 formations :

  • L’assemblée plénière de 28 juges. Elle se réunit dans des cas précis prévus par les traités, notamment pour mettre fin aux fonctions du médiateur de l’Union, d’un commissaire ou d’un magistrat de la Cour des comptes, voire de l’un de ses magistrats ou de ceux du tribunal. Elle se réunit également lorsqu’elle juge qu’une affaire est exceptionnelle.
  • La grande chambre de 13 juges. Elle se réunit lorsqu’un État membre ou une institution de l’Union est partie prenante à l’affaire et qu’il le demande.
  • 10 chambres dont 6 à 5 juges et 4 à 3 juges. Les affaires traitées par ces chambres leur sont attribuées selon l’importance et la spécialisation de l’affaire par l’ensemble des juges et avocats généraux lorsqu’une requête est examinée après une phase d’instruction par un juge rapporteur.

Le rôle des avocats généraux est d’assister la Cour en présentant, après une étude approfondie du dossier en toute indépendance et impartialité, des conclusions à partir desquelles la Cour, quelle que soit sa formation, débattra de l’affaire et rendra son jugement.

A noter que la Cour ne peut valablement délibérer qu’en nombre impair.

Langues de travail. Il faut distinguer la langue de procédure et la langue de délibération.

  • La langue de procédure est choisie par le requérant dans le cas d’une action conduite par une personne physique ou morale parmi les 24 langues officielles de l’Union. Ainsi, un ressortissant belge pourra choisir entre le français, l’allemand ou le flamand. Mais, imaginons un Français d’origine italienne. Il n’est pas obligé de choisir le français ; il pourra choisir l’italien pour langue de procédure. Lorsqu’il s’agit d’un recours préjudiciel, c’est la langue du juge national qui saisit la Cour qui est la langue de la procédure. Pour la publication des arrêts et les échanges de documents, c’est la langue de procédure qui fait foi.
  • La langue de délibération. Elle a été choisie pour disposer d’une source unique d’enregistrement des arrêts et pour faciliter la bonne utilisation des termes de droit qui nécessitent une grande précision. C’est le français qui a été choisi comme langue de délibération, cela veut dire que les juges délibèrent en français, quelle que soit la langue de procédure. Tous les documents rédigés dans la langue de procédure tout au long de l’instruction de l’affaire sont traduits en français.

Un mot sur les traducteurs. Au-delà des qualités linguistiques que requiert cette profession, ceux de la Cour et du Tribunal doivent aussi avoir une formation initiale de juriste afin de bien comprendre les termes traduits et les nuances qui en découlent. Ils sont d’ailleurs autorisés à consulter, tout au long de la procédure, les documents qui viendront en discussion afin de bien en maitriser le sens. Il va sans dire qu’ils ont un devoir de discrétion absolu.

2.3. Compétences et procédures

La Cour est à la fois l’instance suprême et unique pour toutes les questions relevant du droit de l’Union. Selon l’article 19 du TUE : « Elle assure le respect du droit dans l’interprétation des traités ».

Cela lui confère le pouvoir de contrôler :

  • le respect du droit de l’Union
  • la conformité aux traités des décisions prises par les institutions européennes et par les États membres
  • de veiller au développement du droit de l’Union.

Autre pouvoir non négligeable, celui d’interpréter le droit de l’Union, notamment pour ce qui concerne la façon dont un article des traités doit être compris.

« Exemple de l’article 45 du TFUE concernant la libre circulation des personnes et leur libre accès au marché du travail dans un pays membre. Pendant longtemps, la France et quelques autres pays refusaient d’ouvrir leur fonction publique à des ressortissants non nationaux. L’affaire a été portée devant la Cour de justice par la Commission européenne. La Cour a statué que seuls les emplois liés à la souveraineté nationale devaient être réservés aux nationaux, c’est-à-dire ceux relevant de la justice, de la police, de la défense, de la diplomatie et de toute fonction contribuant à l’élaboration d’actes législatifs et de réglementation nationale. Tous les autres emplois devaient être offerts aux ressortissants des autres pays de l’Union, selon les procédures d’accès existant pour les nationaux. C’est à partir de cette époque (début des années 1990) qu’en France, les fonctions publiques territoriale et hospitalière ont pu recruter des fonctionnaires n’ayant pas la nationalité française ».

Ces pouvoirs font que la Cour assume plusieurs tâches juridiques et de jurisprudence.

  • La consultation juridique est obligatoire pour tous les accords internationaux que l’Union souhaite conclure avec des pays tiers ou des organisations internationales. Dans ces cas, l’avis de la Cour est contraignant. Cela signifie qu’en cas d’avis négatif, l’accord ne peut être conclu.
  • L’instance judiciaire d’où se forge la jurisprudence. C’est sa tâche la plus importante. Dans les États membres, de telles tâches sont souvent remplies par plusieurs juridictions. Au sein de l’Union, la Cour est tout à la fois :
    • Juridiction constitutionnelle. Elle intervient dans ce cadre lors de litiges entre les institutions de l’Union et pour le contrôle de légalité du droit de l’Union ;
    • Juridiction administrative. Elle vérifie les actes administratifs adoptés par la Commission et ceux établis par les États membres lorsqu’ils le sont sur la base du droit de l’Union.
    • Juridiction sociale et du droit du travail. Elle intervient pour la bonne application de la liberté de circulation et la sécurité sociale des travailleurs, ainsi que pour l’égalité de traitement des hommes et des femmes dans le monde du travail.
    • Juridiction financière. Elle veille à la validité et à l’interprétation des directives concernant le doit fiscal et douanier.
    • Juridiction pénale. Pour contrôler les amendes imposées par la Commission.
    • Juridiction civile. Elle statue sur les plaintes en dommages et intérêts, sur la bonne application des décisions en matière civile et commerciale et sur les litiges liés aux titres européens de propriété intellectuelle.

La portée de ses décisions se matérialise à travers plusieurs procédures.

  • Le renvoi préjudiciel. Il est utilisé par les juridictions nationales qui ont besoin, pour trancher un litige dans une affaire où intervient du droit de l’Union, de connaître l’interprétation de la Cour de justice de l’Union. L’arrêt ou l’ordonnance motivée que rend celle-ci lie la juridiction nationale qui a engagé le recours, mais aussi toutes les autres juridictions des autres États membres qui auraient à connaître un problème identique.
  • Le recours en manquement. Il est engagé par la Commission envers un État qui n’aurait pas respecté l’application du droit de l’Union. Préalablement, la Commission aura demandé à cet État de répondre au grief qui lui est fait. Sans réponse satisfaisante, le recours est engagé. La Cour prend un arrêt qui doit obligatoirement être appliqué. S’il ne l’était pas, il peut faire l’objet, lors d’un second arrêt, d’amende par une somme forfaitaire ou d’une astreinte, laquelle ne sera levée que dès l’instant où l’État aura respecté le droit en cause.
  • Le recours en annulation. Il concerne les actes pris par les institutions de l’Union. Il peut être engagé par un État, par une autre institution ou par un particulier. Si le recours est engagé par un État ou une institution, il est traité par la Cour. S’il est engagé par un particulier, il est traité par le Tribunal.
  • Le recours en carence. Il concerne les institutions lorsque l’une d’elles ne présente pas ou ne légifère pas sur des politiques prévues au traité. La Cour peut être saisie par un ou plusieurs États, par une autre institution ou par des particuliers, personnes physique ou morale.

Les arrêts ou ordonnances de la Cour créent la jurisprudence de l’Union qui constitue un bloc important du droit de l’Union.

2 autres procédures sont aussi appliquées :

  • Le pourvoi. Dans ce cas, la Cour examine un recours sur des questions de droit liées à un arrêt du Tribunal. Elle peut annuler une décision du Tribunal, juger l’affaire à sa place ou la renvoyer devant lui, ce dernier devant alors tenir compte de l’arrêt de la Cour.
  • Le réexamen. Il s’agit d’un recours engagé devant la Cour sur une décision du Tribunal qui a décidé en appel, d’une affaire qui a fait l’objet d’un arrêt du Tribunal de la fonction publique.

Dans ces cas, la Cour fait office de juridiction de dernière instance.

2.4. Le Tribunal de la fonction publique

Il est ce que le traité appelle « les tribunaux spécialisés » de la Cour.

Il est adjoint, depuis 2004 au Tribunal et traite des litiges relatifs à la fonction publique de l’UE. Il comprend 7 juges ayant le même statut que celui du Tribunal et siège en formation à 3 juges. Il tranche tout litige entre les fonctionnaires de l’UE et leur administration.

3. Le Tribunal

Le Tribunal a été créé en 1988 par le traité de l’Acte unique pour décharger la Cour d’un certain nombre d’affaires. Il s’agissait alors du Tribunal de 1ère instance. Depuis la réforme de la Cour par le Traité de Nice en 2000, il est devenu une juridiction à part entière sous le nom de « Tribunal ».

Comme les décisions de la Cour, ses arrêts engagent les États, les institutions et les particuliers.

3.1. Composition, organisation et lien avec la Cour

Le Tribunal comprend 28 juges choisis selon les mêmes critères que pour ceux de la Cour et nommés de la même manière par un accord unanime des États. Le Tribunal ne compte pas d’avocat général. C’est donc un juge qui est désigné, lors de chaque affaire qui le nécessite, pour exercer cette fonction.

Le Tribunal siège en chambre de 3 à 5 juges. C’est le règlement de procédure qui détermine la composition des chambres et l’attribution des affaires qu’elles auront à connaître. Pour certaines affaires, il peut être désigné un juge unique.

Le Tribunal peut aussi siéger en formation plénière (28 juges) ou en grande chambre (13 juges). Il dispose de son propre greffe. En ce sens il est autonome par rapport à la Cour de justice.

Ses liens avec la Cour sont organiques puisque le Tribunal est une juridiction de la Cour de justice, mais aussi juridiques en ce sens que la Cour peut être saisie en appel des décisions du Tribunal.

3.2. Compétences et champs d’interventions

  • Juridiction de première instance, le Tribunal est compétent pour recevoir les recours engagés par des particuliers –personnes physique ou morales- qu’il s’agisse de recours en carence ou en annulation. Ces recours sont engagés contre une institution de l’Union ou contre un acte résultant d’une clause de compromis (clause compromissoire) que l’Union a introduit dans un traité conclu par l’UE (exemple d’un traité commercial).
  • Juridiction de recours, il est compétent pour examiner les décisions des tribunaux spécialisés, en l’occurrence, celui de la fonction publique. Il agit comme un tribunal d’appel.
  • Enfin, il lui est reconnu une compétence en matière de décisions préjudicielles, soit la possibilité d’examiner les préjudices subis par un particulier dans l’application d’une décision de l’Union et donc de consentir à l’indemniser.

Auteur(s) :

REGUILLON Alain

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