Les causes subjectives d'irresponsabilité pénale

Modifié le 16 mai 2023

Famille :

Les concours de la FPT

Dernière mise à jour : juin 2019

Les causes subjectives d’irresponsabilité pénales font obstacle à la constitution de l’infraction dans son élément moral. L’élément moral qui se décompose entre l’imputabilité et la culpabilité peut ne pas être caractérisé dans l’une de ses composantes. L’imputabilité renvoie à la notion de libre arbitre, et la culpabilité renvoie à la faute pénale (Cf fiche l’infraction).

Les causes subjectives d’irresponsabilité pénale intéressent tant l’imputabilité que la culpabilité. C’est la raison pour laquelle, nous envisagerons d’une part les causes subjectives propres à l’imputabilité (1) et la cause subjective propre à la culpabilité (2).

1. Les causes subjectives propres à l’imputabilité

Ce qui nous intéresse c’est la notion d’imputabilité : l’imputabilité correspond à deux opérations distinctes : l’imputation matérielle qui consiste à rattacher matériellement l’acte à son auteur et l’imputation morale qui suppose que l’intéressé dispose d’une conscience morale. L’intéressé doit avoir agi avec son libre arbitre. L’imputabilité morale suppose que l’individu est doté de discernement et de volonté.

A défaut, la caractérisation de l’élément moral fera défaut et l’infraction ne sera pas constituée. Les causes subjectives sont variées et peuvent affecter le discernement (1.1) ou la volonté (1.2).

1.1. Les causes affectant le discernement

Les causes subjectives ou de non imputabilité affectant le discernement et faisant ainsi obstacle à la constitution de l’infraction sont le trouble mental (1.1.1) et la minorité pénale (1.1.2).

1.1.1. Le trouble mental

L’article 122-1 du code pénal dispose : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable. Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime ». Le législateur prend soin de distinguer entre le trouble mental qui aboli le discernement et fait totalement obstacle à la constitution de l’infraction, du trouble qui aura simplement aboli le discernement et qui ne fera que moduler la peine. Seul le trouble mental ayant aboli le discernement nous intéressera en ce qu’il engendre l’irresponsabilité pénale de la personne dont le discernement a été aboli.

Plusieurs conditions doivent cependant être réunies pour que soit déclarée l’irresponsabilité pénale (1.1.1). L’irresponsabilité pénale ne reste pas sans effets sur la situation de l’intéressé (1.1.2).

1.1.1.1. Les conditions de l’irresponsabilité pénale pour trouble mental

D’après l’article 122-1 du code pénal, il convient que trois éléments soient réunis pour retenir l’irresponsabilité pénale pour trouble mental :

  • • Un trouble psychique ou neuropsychique : entendu largement, le trouble psychique ou neuropsychique correspond à n’importe quelle affection supprimant la conscience morale. Il peut également résulter d’une privation temporaire du discernement (épilepsie). L’ivresse, en revanche, bien qu’elle ait engendré une abolition du discernement ne fait pas obstacle à la responsabilité de l’intéressé.
  • • Une concomitance avec l’infraction : il convient que le trouble mental soit concomitant à la réalisation de l’infraction puisqu’il fait obstacle à la caractérisation de l’élément moral. S’il survient après la constitution de l’infraction mais avant le jugement définitif, l’action publique sera suspendue, l’objectif étant que le mis en cause soit capable de comprendre la procédure dont il fait l’objet.

Une fois ces conditions réunies, le trouble mental ayant aboli le discernement fait obstacle à la constitution de l’infraction et l’irresponsabilité pénale pourra être déclarée. En pratique, les juges ont recours à l’expertise psychiatrique pour la preuve du trouble mental. Le juge n’est cependant pas lié par cette expertise.

1.1.1.2. Les effets de la déclaration d’irresponsabilité pénale

Le trouble mental qui a aboli le discernement fait obstacle à la constitution de l’infraction, faute d’élément moral. L’auteur sera donc irresponsable pénalement. En revanche, les coauteurs ou complices resteront punissables.

Jusqu’à la loi du 25 février 2008, le juge devait prononcer un non-lieu en cas d’irresponsabilité pénale. Désormais, le juge d’instruction, s’il estime qu’il est susceptible de conclure à l’irresponsabilité pénale doit informer le parquet et les parties qui peuvent alors saisir la chambre de l’instruction afin qu’elle statue sur l’irresponsabilité pénale. Plusieurs solutions s’offrent alors à la chambre de l’instruction :

  • • Elle peut déclarer l’irresponsabilité pénale.
  • • Elle peut renvoyer la personne devant le tribunal correctionnel compétent sur demande de la partie civile afin qu’il se prononce sur la responsabilité civile de la personne et l’attribution de dommages et intérêts.
  • • Elle peut également prononcer une ou plusieurs mesures de sûreté instituées par la loi du 25 février 2008 : hospitalisation d’office de la personne dans un établissement psychiatrique, interdiction d’entrer en relation avec la victime.

Ces règles sont applicables au tribunal correctionnel ou à la cour d’assises compétente : un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale sera alors rendu.

L’irresponsabilité pénale pour trouble mental ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité civile.

1.1.2. La minorité pénale

L’article 122-8 du code pénal énonce le principe de responsabilité pénale des mineurs capables de discernement. Il invite à distinguer entre les mineurs dotés de discernement et ceux dénués de discernement. Seuls ceux dotés de discernement sont exposés à des sanctions pénales adoucies. En revanche, ceux dénués de tout discernement sont déclarés irresponsables pénalement.

C’est la chambre criminelle qui, le 13 décembre 1956, dans l’arrêt Laboube a énoncé de principe d’irresponsabilité pénale pour les mineurs dénués de discernement, puisque l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante n’y faisait pas référence. Elle a accordé un place importante au discernement qui sera repris par le législateur lors de la loi du 9 septembre 2002 dans l’article 122-8 du code pénal. Lorsque le mineur est dénué de discernement, l’infraction ne peut lui être imputée.

1.2. La cause affectant la volonté

L’article 122-2 du code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pas pu résister ». La contrainte est alors une cause d’irresponsabilité pénale. A la différence des causes affectant le discernement (capacité de comprendre), la contrainte affecte la capacité de vouloir, autre composante de l’imputabilité (Cf. fiche infraction / élément moral).

Lorsqu’elle est caractérisée la contrainte prive l’intéressé de sa capacité de vouloir. L’imputabilité fait défaut et l’infraction n’est pas constituée faite d’élément moral. Toutefois, la contrainte doit remplir certaines conditions cumulatives pour pouvoir être caractérisée.

En ce qui concerne la nature de la contrainte, elle peut être morale ou physique. La contrainte physique peut résulter dans le fait d’une personne ou bien d’un événement naturel comme du verglas. La contrainte morale suppose que l’intéressé ait été privé de tout choix.

Pour être caractérisée, la contrainte doit être irrésistible, extérieure et imprévisible :

  • • irrésistible : la jurisprudence traduit cette irrésistibilité comme une « impossibilité de se conformer à la loi ».
  • • extérieure : en ce qui concerne la contrainte morale, la condition d’extériorité est systématique. En revanche, en ce qui concerne la contrainte physique, n’est pas nécessairement extérieure (le voyageur qui s’endort malgré lui et dépasse le trajet que recouvrait son titre de voyage).
  • • imprévisible : l’imprévisibilité correspond à l’inattendu. Une faute antérieure ayant participé à la survenance de la circonstance irrésistible ne remplie pas cette condition.

En pratique, les conditions sont très rigoureusement examinées par les juges.

2. La cause subjective propre à la culpabilité

Rappelons que la culpabilité (culpa = faute), est la seconde composante de l’élément moral.

La maxime nul n’est censé ignorer la loi est la résultante du principe de légalité formelle : «pas de crimes sans texte ». En d’autres termes, les citoyens sont informés préalablement de ce qui est interdit, mais ils doivent se renseigner avant d’agir. C’est pourquoi l’erreur de droit était ignorée du code pénal de 1810.

L’article 122-3 du code pénal dispose que « n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ». Le législateur a consacré l’erreur de droit lors de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal.

L’erreur de droit constitue une cause subjective d’irresponsabilité : elle fait obstacle à la constitution de l’infraction pour défaut d’élément moral, dans sa composante culpabilité. Plus précisément, le dol général, qui consiste en la connaissance de la loi ne sera pas caractérisé et l’infraction ne sera pas constituée.

Il convient de se pencher sur ce qu’est une erreur de droit (2.1), avant d’envisager ses conditions (2.2).

2.1. L’erreur de droit

L’erreur doit porter sur une règle de droit. L’auteur de l’infraction n’avait pas connaissance du droit applicable. c’est donc l’ignorance même de la règle de droit ou bien de ses effets.

Elle se distingue de l’erreur de fait. L’auteur d’une erreur de fait connaît la loi applicable mais se trompe dans la matérialité des faits commis. L’erreur de fait n’est jamais source d’irresponsabilité pénale. En revanche, l’erreur de fait pourra être cause de non constitution de l’infraction.

La nature de la règle violée importe peu tout comme son origine (peu importe son auteur). Il peut s’agir de la loi pénale comme d’une disposition réglementaire spécifique.

Quant à son domaine, l’erreur de droit est souvent invoquée dans des matières techniques : environnement, droit du travail.

2.2. Les conditions de recevabilité de l’erreur de droit

La conscience de l’illégalité des faits est toujours présumée. La charge de la preuve de l’erreur de droit incombe ainsi à la personne poursuivie. Par conséquent, il est fait interdiction au juge de la relever d’office.

Toutefois, pour que l’erreur de droit puisse produire ses effets, il convient qu’elle réunisse plusieurs caractères :

  • • Elle doit être invincible : elle ne doit pas pouvoir être évitée. L’auteur ne peut donc se prévaloir de sa négligence pour faire valoir l’erreur de droit. Il faut également que l’agent se soit renseigner auprès d’une autorité publique compétente. L’information erronée donnée par une personne qui n’était pas compétente ne suffira pas à retenir l’erreur de droit. A titre d’exemple, la Chambre criminelle a retenu l’erreur de droit envers un chef d’entreprise poursuivi pour une infraction à la législation du travail à la suite d’une information erronée donnée par la direction départementale du travail.

Les juges sont très réticents à retenir l’erreur de droit et elle n’a été retenue que deux fois.

  • • Elle doit avoir donné à la personne qui l’exerce la croyance de la légitimité de l’acte : cette condition est exclusive de tout doute sur le sens de la loi par la personne qui commet l’acte.

Auteur(s) :

COULLET Camille et DI TELLA Camille

Tags :

Accès thématique

Accès famille

© 2017 CNFPT