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Notions clés

La loi du 15 novembre 1999, à l’origine de la création du pacte civil de solidarité, a pris la précaution de définir le concubinage afin de mettre un terme à une jurisprudence discriminatoire qui refusait le bénéfice de cette qualification aux couples homosexuels présentant pourtant les critères de stabilité et de continuité exigés par les tribunaux. Le législateur n’est pas allé plus loin car, à défaut, il aurait été particulièrement difficile de faire coexister le concubinage avec le pacte civil de solidarité. Il existe donc plusieurs formes juridiques de la vie en couple : l’union libre, le concubinage, le pacte civil de solidarité et le mariage.

Sommaire

Selon l’article 515-8 du Code civil le concubinage est défini comme : « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Outre cette rédaction maladroite (caractérisée par un caractère…), on peut plus sérieusement s’étonner de l’intervention du législateur dans un domaine qui, par sa nature factuelle, aurait dû demeurer vierge de toutes dispositions. Si les exigences de stabilité et de continuité figuraient déjà parmi les caractéristiques du concubinage selon la jurisprudence, les tribunaux refusaient de considérer l’existence du concubinage homosexuel. La Cour de cassation, dans un arrêt rendu par sa troisième chambre civile, le 17 décembre 19971, avait notamment jugé que « le concubinage ne peut résulter que d’une relation stable et continue ayant l’apparence du mariage, donc entre un homme et une femme ».

En imposant une définition, la loi brise cette habitude judiciaire discriminatoire. Il ne s’agissait donc pas de réglementer le concubinage puisque cela aboutirait à nier son existence. La loi du 15 novembre 1999, qui a introduit cet article 515-8 dans le Code civil, est également celle qui a instauré le pacte civil de solidarité. Depuis, l’on assiste donc à une coexistence entre l’union libre, le concubinage, le pacte civil de solidarité et le mariage. A l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’octroi d’une pension de réversion, le Conseil Constitutionnel a précisé, dans sa décision n° 2011-155 du 29 juillet 2011, que les effets juridiques produits par le mariage peuvent être différents de ceux générés par les autres formes de conjugalité telles que le concubinage ou l’union par un pacte civil de solidarité sans pour cela nuire au principe d’égalité. Cette étude est exclusivement destinée à rendre compte de la situation juridique des personnes vivant en concubinage en présentant tout d’abord une analyse restreinte au couple lui-même (1) avant d’entreprendre une orientation tournée vers l’extérieur représentant le couple dans ses rapports juridiques avec les tiers (2).

1. Le couple de concubins

La finalité du concubinage est certes la vie en commun de deux personnes (1.1) mais cette forme d’union n’est pas à l’abri des vicissitudes malheureuses de l’existence en ce sens qu’elle peut aussi conduire à une désunion du couple (1.2).

1.1. La vie en commun

Le caractère informel qui est volontiers attribué à cette forme d’union résulte essentiellement de l’absence de statut juridique. En effet, les concubins ne se voient pas imposer de devoirs ou d’obligations. Cependant les personnes vivant ensemble sans avoir organisé juridiquement leurs relations ne sont pas toutes considérées comme étant en concubinage. Le bénéfice de cette qualité ne s’entend que lorsque leur couple présente un caractère de stabilité et de continuité dont l’existence relève du pouvoir souverain d’appréciation du juge. A défaut de pouvoir être considéré comme vivant en concubinage le couple évolue en union libre.

Avant même la promulgation de la définition légale, la jurisprudence avait été amenée à se prononcer sur la notion de stabilité. C’est ainsi par exemple que la Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 8 juin 19822, jugeait déjà que : « la situation des concubins est empreinte d’une certaine stabilité, imitée du mariage ». Quant à la Cour d’appel de Bordeaux, le 25 mars 19973, celle-ci précisait que : « l’état de concubinage ne se caractérise pas essentiellement par une communauté de vie, mais par des relations stables et continues ».

La vie en commun va entraîner l’achat de biens et, l’absence de règles spécifiques, conduit logiquement à l’application du droit commun. A ce titre, si le bien a été acquis par les concubins moyennant des apports financiers égaux, il sera indivis, c’est-à-dire qu’ils seront ensemble propriétaires. En revanche, pour les biens acquis exclusivement par l’un ou par l’autre, ceux-ci demeurent la propriété de celui qui a financé l’achat sous réserve de prouver cette réalité car, à défaut, la présomption d’indivision s’applique.

Le même raisonnement s’opère pour les dettes. Les concubins sont solidairement tenus s’ils se sont tous deux engagés, à défaut, seul celui qui a contracté l’engagement doit l’honorer. Cette liberté d’organisation de la vie en commun se prolonge naturellement vers la dissolution de cette union de fait.

La Cour de cassation avait été amenée à préciser, dans un arrêt du 19 mars 19914, qu’en l’absence de disposition légale réglementant la contribution des concubins aux charges de leur vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté exprimée à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées.

1.2. La dissolution

Depuis le 1er janvier 2010, suite à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 13 mai 2009 modifiant le Code de l’organisation judiciaire, le contentieux relatif à la liquidation du patrimoine des concubins doit être porté devant le juge aux affaires familiales et non plus devant le tribunal de grande instance5.

La Cour de cassation a affirmé le principe de la liberté de rupture du concubinage6. Cette rupture peut être volontaire ou imposée par les circonstances (décès). Les difficultés surviennent généralement lorsque le moment est venu d’assumer l’absence de statut juridique du couple. Afin d’éviter des situations trop inégalitaires, la jurisprudence tente parfois de réguler les conséquences de la rupture en faveur du concubin délaissé sentimentalement et matériellement par l’autre. Les tribunaux ont recours à différentes techniques juridiques que l’on étudiera successivement :

  • la reconnaissance d’une société créée de fait entre les concubins

La mise en œuvre de cette théorie suppose que soient réunies les conditions de constitution du contrat de société, à savoir la preuve d’apports de l’un et de l’autre, associée à l’intention d’unir leurs efforts pour participer ensemble aux résultats. Il convient toutefois de préciser que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres. Si ces conditions sont satisfaites, les tribunaux considèrent l’existence d’une société créée de fait (car aucune formalité légale n’a été accomplie) entre les concubins. Cette reconnaissance permet à chacun des membres du couple de participer aux profits réalisés pendant la vie commune après apurement des dettes.

  • l’enrichissement sans cause

Le recours à cette technique peut se concevoir dans une situation très précise où l’activité de l’un des concubins a contribué à l’enrichissement de l’autre sans contrepartie, ayant ainsi entraîné, pour ce dernier, une perte et donc un appauvrissement.

Exemple : Si l’un des concubins assure gracieusement le secrétariat de l’autre, il existe bien un enrichissement de l’un (qui évite une dépense) et un appauvrissement corrélatif de l’autre (qui aurait pu, à la place, prétendre à un emploi rémunéré). Le recours à l’enrichissement sans cause permet l’octroi d’une indemnité en faveur du concubin appauvri.

  • la gestion d’affaires

Dans l’éventualité où l’un des concubins aurait dû engager des dépenses personnelles pour gérer les affaires de l’autre en son absence, il pourrait se voir indemniser par l’autre, si cela n’a pas déjà été fait, à condition toutefois que les dépenses aient été utiles.

Exemple : L’un des concubins est propriétaire du logement du couple et part en déplacement, des intempéries font céder le toit, l’autre concubin finance la réparation avec ses deniers. Au moment de la rupture du couple, le gérant d’affaires peut prétendre à une indemnisation car sa dépense a évité une dégradation plus importante du bien et par là même a donc été utile.

  • l’obligation naturelle

L’un des concubins prend l’engagement de contribuer aux besoins de l’autre en lui concédant une donation qui est, du fait de la loi, irrévocable. Au moment de la rupture, il va tenter de faire annuler cet acte en prétextant que sa cause est immorale, mais les tribunaux rejettent cette argumentation en considérant que cette donation a pour cause une obligation naturelle, un devoir de conscience de l’un envers l’autre.

  • les dommages et intérêts

La rupture du concubinage ne constitue pas, en elle-même, une faute susceptible d’ouvrir droit à des dommages et intérêts. Leur octroi suppose une rupture fautive et donc très brutale de l’un des concubins. L’action est engagée sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle mais demeure incertaine en raison du pouvoir d’appréciation pouvant être exercé par le juge en ce domaine.

Le caractère fautif de la rupture a notamment été reconnu à la suite d’un départ brutal du concubin après quarante années de vie commune (Civ., 1ère, 3 janv. 20067) ou encore lors du départ du concubin, laissant la concubine dans le désarroi matériel et moral, pour aller vivre avec la fille de celle-ci (Civ., 1ère, 25 juin 20088).

Ces différentes techniques permettent donc aux tribunaux de maintenir un certain équilibre en cas de dissolution du couple. Mais cette vision étroite ne doit pas faire oublier que les concubins sont également amenés à entretenir des rapports juridiques avec les tiers.

2. Les concubins et les tiers

La vie en concubinage est choisie et l’on dit souvent que choisir c’est sacrifier. Au cas présent, si les concubins tirent parfois avantage de leur situation (2.1), il faut également remarquer qu’elle produit des effets juridiques qu’ils n’ont pas forcément recherchés et peut-être même auraient souhaité éviter (2.2).

2.1. L’état de concubinage revendiqué par le couple

Parmi les différents cas pouvant procurer quelques avantages aux concubins, on note généralement :

  • la possibilité de bénéficier de la qualité d’ayant droit au regard des organismes débiteurs de prestations sociales ;
  • la continuation du bail en cas d’abandon du logement loué par le concubin seul signataire du bail, sous réserve de justifier d’un an de vie commune ;
  • la possibilité octroyée par la jurisprudence d’obtenir réparation contre l’auteur d’un accident mortel qui est à l’origine de la rupture du concubinage.

2.2. L’état de concubinage opposé par les tiers

Le concubinage peut parfois produire des effets qui sont, à l’opposé, davantage subis par le couple. C’est ainsi, par exemple, que le tiers créancier peut se prévaloir d’une apparence de mariage lorsque la dépense se fait en présence des deux concubins. C’est également sur ce fondement que des concubins ou des pacsés ayant bénéficié d’une aide personnalisée au logement versée à tort sont solidairement tenus à sa restitution et cela quand bien même celle-ci n’aurait été attribuée qu’à un seul d’entre eux9.

Le concubinage peut faire cesser le bénéfice de certains droits. D’une manière générale, le concubinage est pris en considération pour le calcul des ressources avant de décider l’octroi de prestations. Au regard du droit fiscal, l’imposition sur le revenu demeure séparée.

Civ. 3e, 17 déc. 1997 : D. 1998, 111, concl. Contraires Weber, note Aubert.

2 CA Montpellier, 8 juin 1982 : D. 1983, 607, note Dhavernas.

3 CA Bordeaux, 25 mars 1997 : Dr. fam. 1997, n° 132, note Lécuyer.

4 Civ., 1ère , 19 mars 1991 : Bull. civ. I, n° 92.

Art. L. 213-3 Code de l’organisation judiciaire.

6 Civ., 1ère, 20 juin 2006 : Bull. civ., I, n° 312.

7 Civ., 1ère, 3 janv. 2006 : JCP 2006, I, 199, n° 7, obs. Bosse-Platière.

8 Civ., 1ère, 25 juin 2008 : Defrénois 2008, 2420, obs.Massip.

9 CE 9 juill. 2003 : D. 2004, somm. 2967, obs. Lemouland ; RTD civ. 2004, 69, obs. Hauser.

  • ARCHER (F.) : Manuel de préparation à l’épreuve de droit civil du concours d’Adjoint administratif des collectivités territoriales, 5ème édition, C.N.F.P.T., 2009.
  • BENABENT (A.) : Droit civil : droit de la famille, coll. Précis Domat, Montchrestien, 2010.
  • DOUCHY-OUDOT (M.) : Droit civil, introduction, personnes, famille, coll. Hypercours, 6ème éd., Dalloz, 2011.
  • GOUBEAUX (G.) et VOIRIN (P.) : Droit civil, coll. Manuels, 33ème éd., L.G.D.J., 2011.
  • HESS-FALLON (B.) et SIMON (A.-M.) : Droit de la famille, coll. Aide-mémoire, 7ème éd., Sirey, 2009.
  • MALAURIE (Ph.) et FULCHIRON (H.) : Droit civil, la famille, 4ème éd., Defrénois, 2011.

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