L’éducateur sportif en relation avec des personnes d’âge ou de genre différents
Famille :
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Dernière mise à jour : août 2023
L’éducateur doit donner une signification à sa conduite d’encadrement de publics divers, ce qui suppose :
- Qu’il perçoive la réalité des pratiquants dans une approche globale de ceux qui lui sont confiés et qu’il offre les possibilités d’une activité physique adaptée aux aptitudes, possibilités, besoins, motivations de chacun
- Qu’il adosse son expérience professionnelle à de solides connaissances pluridisciplinaires actualisées
- Qu’il articule son savoir expérientiel avec des problématiques de terrain et des réflexions sur le développement des politiques publiques porteuses d’enjeux dans un contexte local particulier (enjeux sportif, éducatif, social, culturel, de santé, de cohésion sociale, de développement économique, de politique, d’aménagement du territoire, d’attractivité …)
- Qu’il éveille son attention pour observer et interpréter les conduites des pratiquants, car l’acte pédagogique est un processus mettant en relation des individualités qui s’influencent, interagissent et peuvent perturber la cohésion d’un groupe et limiter la dynamique de réussite ou d’atteinte des objectifs.
Le décret n°2011-605 du 30 mai 2011 portant statut particulier du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives (ETAPS) fixe, en son article 3-I, que :
« Les membres du cadre d’emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives préparent, coordonnent et mettent en œuvre sur le plan administratif, social, technique, pédagogique et éducatif des activités physiques et sportives de la collectivité ou de l’établissement public. Ils encadrent l’exercice d’activités sportives ou de plein air par des groupes d’enfants, d’adolescents et d’adultes. Ils assurent la surveillance et la bonne tenue des équipements. Ils veillent à la sécurité des participants et du public. Ils peuvent encadrer des agents de catégorie C ».
Pour les activités de natation, les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives recrutés selon les dispositions prévues au I des articles 5 et 9 du décret n°2011-605 du 30 mai 2011 modifié doivent être titulaires du titre de maître-nageur sauveteur. Les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives exerçant leurs fonctions dans des piscines peuvent être chefs de bassin.’’
L’article 3-II ajoute que :
« Les titulaires des grades d’ÉTAPS de 2ème classe et d’éducateur principal des activités physiques et sportives de 1ère classe […] correspondent à un niveau particulier d’expertise. Ils encadrent les participants aux compétitions sportives. Ils peuvent participer à la conception du projet d’activités physiques et sportives de la collectivité ou de l’établissement, à l’animation d’une structure et à l’élaboration du bilan de ces activités. Ils peuvent être adjoints au responsable de service. »
Autant de verbes d’action qui viennent clarifier les interventions de l’ÉTAPS. L’éducateur conçoit donc des actions de projet à visée de changement (éduquer, progresser, retrouver la forme, s’insérer, s’intégrer…), il agit sur le déroulement de ses initiatives, les accompagne pour généralement animer un groupe, doit faire preuve d’autorité si besoin, comme agent d’une collectivité qui cadre sa pratique professionnelle dans une politique sportive identifiée et partagée. Il peut être tour à tour éducateur, animateur, entraineur, médiateur, coordonnateur, agent de développement territorial, logisticien, organisateur.
Ce métier « de contact » porte en lui la complexité car l’incertitude est élevée, de nombreux éléments sont en interaction que cela soit dans le travail d’équipe (autres agents, partenaires) ou d’interservices ou dans celui avec des pratiquants avec une contrainte temporelle forte pour tenir les objectifs. Participant à la mise en œuvre de la politique sportive définie par la collectivité au service de l’intérêt général territorialisé, il applique des instructions (code du sport, code de l’éducation…) tout en ayant une autonomie importante dans l’organisation de son travail. L’intervention est nécessairement conditionnée par le niveau, la taille de la collectivité, l’environnement géographique, social, économique, politique et peut s’effectuer dans différentes organisations (structures de la collectivité, clubs, écoles élémentaires, centres de vacances ou de loisirs). Ce métier est en évolution constante, on constate :
- Une offre diversifiée et de proximité car le public s’élargit (féminisation de la demande, pratiques autonomes, investissement des espaces urbains et de plein air, nouveaux usagers sportifs grâce à l’utilisation du numérique) et les politiques s’intéressent de plus en plus aux publics éloignés de la pratique d’APS ;
- Des pratiques adaptées à la spécificité d’un territoire ;
- Un renforcement de la sécurisation des usagers et une réglementation renforcée de l’accueil des jeunes ;
- De nouvelles situations fonctionnelles (transfert de compétences aux EPCI, projets transversaux, management par projets et objectifs).
L’éducateur mobilise de nombreuses compétences opérationnelles : définir des objectifs, concevoir une planification et un scénario pédagogique, construire et conduire des séances, créer un climat favorable, faciliter l’aménagement du contexte en jouant sur des variables didactiques (ressources humaines et matérielles, espace, temps, groupe, règles d’organisation, intensité de l’effort), offrir des régulations pour lisser les difficultés, choisir des remédiations, évaluer. Ces moyens d’intervention sont multiples : exercice, situation, démonstration, guidage, feed-back, observation…
Qu’il encadre des enfants, adolescents, adultes, séniors, de sexe féminin ou masculin, pour agir efficacement dans le contexte d’exercice de son intervention, il doit mobiliser des données actualisées qui doivent toujours être nuancées car l’humain dépasse en complexité toutes les modélisations qui tentent de donner sens à sa conduite et il devrait abandonner des formes pédagogiques standardisées pour tenir compte des différences interindividuelles (âge, genre, niveaux de pratique, activité antérieure, rapport au corps, motivations, etc.).
Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’enfants
Il est difficile de formaliser en quelques lignes les éléments généraux caractérisant les différents âges de l’enfance (petite, moyenne, grande enfance malgré des variations individuelles entre enfants du même âge) mais il faut retenir que les processus de développement de l’enfant conditionnent fortement ses capacités d’action et donc les méthodes pédagogiques utilisées auprès de ce public. Les travaux des lois de l’évolution de l’enfant du psychogénéticien Jean Piaget [1] , du docteur en médecine et professeur d’EPS Guy Azemar [2] , du biologiste Georges Cazorla, de Donald Wood Winnicott[3] et d’autres, permettent d’avancer quelques repères fondamentaux.
Durant l’enfance, l’organisme se transforme sous l’effet de la croissance, la maturation et le milieu dans lequel il évolue (milieu porteur de la richesse des apprentissages). Pour répondre aux sollicitations de son environnement, l’enfant possède dès sa naissance une force d’adaptabilité importante. Les jeux, l’activité physique, l’action volontaire sur le monde environnant tiennent une place décisive dans le développement harmonieux de tous ces systèmes et fonctions d’autant que le besoin de mouvement est constitutif de celui-ci et permet son développement psychologique [4]. Tous les travaux de recherche cités en amont invitent à une pédagogie ouverte, concrète, favorisant les prises d’initiatives, le mobilisant dans sa globalité à travers des formes variées d’activité motrice, lui permettant d’exercer ses fonctions locomotrices élémentaires, d’enrichir son répertoire gestuel, d’expérimenter, de tâtonner. Ainsi vont se mettre en place progressivement et dans un processus d’accroissement, le potentiel psychomoteur de l’enfant. La motricité d’abord spontanée et globale va s’affiner au fil des expériences avec des coordinations plus fines et une gestualité mieux maîtrisée, c’est plus tardivement qu’une pédagogie technicienne prend sa place dans ce processus de progrès moteurs. Au cours de son développement, les acquisitions se multiplient, s’enrichissent et c’est sur celles-ci que l’éducateur doit étayer sa pédagogie. Le plaisir, facteur de motivation est une composante inséparable de l’activité de jeu qui est nécessaire à l’équilibre psychique et donne accès à l’intelligence (l’intelligence représente ici la capacité à s’adapter à son environnement avec succès). Ainsi les formes jouées sont à privilégier d’autant qu’elles vont permettre de progressivement accéder à une dimension sociale évoluée (prise en compte de l’autre, passage de l’épreuve de la règle à sa nécessité, de l’apparition de la coopération à la solidarité). Pendant l’enfance, la régulation organique ne permet pas toujours une adaptation efficace à l’effort, l’éducateur prendra en compte la nécessaire alternance travail/ repos et n’utilisera pas de procédés qui viennent durablement perturber la croissance.
Chez l’enfant, l’activité physique encadrée est bénéfique pour la santé, En France, la recommandation diffusée depuis 2002 par le ministère chargé de la santé, dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), est de pratiquer l’équivalent d’au moins 60 minutes d’activité d’intensité modérée ou élevée par jour pour les enfants et adolescents. En février 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a publié l’avis et le rapport relatifs à l’« Actualisation des repères du PNNS : révisions des repères relatifs à l’activité physique et à la sédentarité ». L’agence recommande la réduction des comportements sédentaires et la pratique d’activités physiques, dans tous les contextes de vie et à tous les âges. Selon les recherches médicales, la pratique physique diminue la prévalence du surpoids et de l’obésité, a un effet sur le profil métabolique, augmente la densité minérale osseuse, permet la conquête de l’estime de soi et la conscience intériorisée de son corps et procure des bénéfices sur le plan social. A côté de ces bienfaits immédiats, il existe un bénéfice à long terme car les bonnes habitudes de pratique sont souvent pérennes et elles constituent un élément primordial d’une future hygiène de vie et donc de préservation de son capital santé.
Le ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques et celui du ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse partagent l’objectif commun de développement de la pratique sportive des enfants et des jeunes : « Construire une nation sportive »[5], « Mettre le sport au cœur de la vie de la jeunesse », autant de slogans en 2023, exprimant la volonté d’accompagner les transformations de notre temps. A ce titre, l’activité physique doit prendre toutes sa place dans le quotidien des enfants avec la généralisation des 30 minutes d’Activité physique quotidienne (30’ APQ) dans les écoles primaires, le déploiement de 200 cours d’écoles actives dès la rentrée, la poursuite du déploiement du programme « Savoir Rouler à vélo » et du plan « savoir-nager », la mise en place des 30’APQ dans les établissements médicaux-sociaux (ESMS) pour la rentrée 2024 avec 10M€ délégués aux ARS (lancement de l’appel à projets visant à financer l’intervention de clubs et d’éducateurs, et la location ou l’achat de petit matériel en 2023), le renforcement des passerelles entre les écoles et les clubs avec le label « Génération 2024 », enfin, la dotation de toutes les écoles élémentaires de 40 000 kits de petits matériels sportifs d’ici la fin de l’année 2023 grâce au MSJOP, à l’ANS et au COJOP).
Les valeurs admises du sport le place comme outil d’éducation notamment dans le cadre d’un enseignement obligatoire : l’éducation physique et sportive (EPS). Comme le montre l’enquête du CNFPT[6] en 2002, les valeurs d’éducation par le sport sont partagées par les collectivités, la priorité des communes étant la prise en compte de la demande des jeunes. Ainsi elles peuvent mettre à disposition des personnels qui œuvrent à côté des enseignants de l’école primaire pour des apprentissages fondamentaux en EPS et des apprentissages secondaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, (complémentarité et continuité éducatives des différents temps de l’enfant). Le « Plan Mercredi », favorisant la création d’accueils de loisirs de qualité, vient compléter l’offre éducative scolaire en s’inscrivant dans le temps périscolaire, par l’initiative des communes et à l’appui de l’État, des caisses d’allocations familiales (CAF) et des associations partenaires. Le « sport scolaire » portée par l’Union nationale de l’enseignement du premier degré (USEP) est lui aussi une composante originale de la politique éducative, il implique fortement les collectivités locales (participation d’éducateurs porteurs dans leur formation d’une forte valence sportive, subventionnement, soutien et aide aux déplacements). A l’interface entre deux systèmes, scolaire et fédéral, les associations scolaires sont un vivier pour alimenter en apprentis sportifs les associations de proximité, les clubs sportifs, les écoles municipales des sports. Les éducateurs sont des relais pour renforcer les coopérations et partenariats territoriaux grâce à l’appui technique, politique qu’ils peuvent apporter).
Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public d’adolescents
Après l’insouciance de la période enfantine, le jeune va progressivement se structurer malgré les doutes et les tensions internes ; à la recherche de son identité, il va surtout évoluer loin de sa sphère habituelle, sa famille[7]. Le point de départ de l’adolescence s’inscrit dans le biologique (période pré-pubère et puberté), dont la fin est spécifiée par des critères sociaux (autonomie dans de nombreux domaines). C’est une période de déséquilibre d’un point de vue des transformations morpho-physiologiques et biologiques de l’organisme, la puberté modifiant la construction identitaire en cours, sa relation à son propre corps et au monde [8]. Les normes de nos sociétés qui prônent la beauté du corps peuvent induire certaines souffrances. C’est aussi une phase de préoccupations et fragilités sur un plan socio-psychologique ; empreint d’une grande émotivité, recherchant les amitiés tout en étant parfois solitaire, en difficultés dans ses relations sociales car préoccupé par lui-même et les transformations de son corps, le jeune oscille souvent entre des comportements opposés. Les enquêtes récentes indiquent que les jeunes constituent le groupe le plus actif physiquement [9] mais presque la moitié ne pratique pas en dehors de l’enseignement obligatoire et une diminution des APS de loisirs est observée avec l’âge surtout chez les filles (pratique moins fréquente et peu dans un cadre institué). Les styles de vie des adolescents (sédentarité, habitudes alimentaires, tabagisme, manque chronique de sommeil, loisirs passifs, addiction aux écrans…) entrainent une diminution forte de l’AP et des loisirs encadrés dans leur vie quotidienne.
Dans le cadre des séjours de loisirs sportifs, d’animations pendant les vacances scolaires, des pratiques inorganisées ou dans le milieu associatif, l’éducateur devra construire son contenu pédagogique en synergie avec les caractéristiques des adolescents pour les aider à se construire des repères structurants et à mieux vivre les transformations de leur corps. L’offre sportive et en genre (pratiques sexuées) doit être attractive (permettre une image positive de soi), adaptées aux motivations (activités congruentes à l’identité masculine et féminine) pour créer l’adhésion et procurer du plaisir à agir. Les APS, riches en émotions et incertitudes, doivent permettre aux adolescents de s’affirmer ou de gagner confiance en soi. David Le Breton a démontré l’existence de « prises de risque non réglées », par un choix d’APS ciblées, l’éducateur doit veiller à permettre à l’adolescent de s’éprouver dans des prises de risques sécurisées (construire une sécurité active et interactive) et ainsi développer une meilleure connaissance de soi. Face à un rendement énergétique fluctuant, des phases de grande fatigue (effets du développement) et l’hétérogénéité des progressions des adolescents, l’éducateur, agira sur le contenu des séquences sportives par le biais des variables didactiques.
Toujours à l’écoute, l’éducateur pourra s’appuyer sur les nouvelles possibilités d’abstraction et de raisonnement de l’adolescent pour faire comprendre les tentatives infructueuses, les échecs et mieux prévenir ses effets néfastes. Pour répondre à leur demande d’autonomie, il pourra avec eux négocier des objectifs en lien avec la pratique, des projets ou le fonctionnement du groupe. Des modes de communication spécifiques lui permettront de répondre à la variable « dynamique de groupe » pour créer la cohésion, gérer et dédramatiser les conflits, repérer les leaders ou les signes de marginalisation, être juste dans ses décisions et fixer les limites. Les éducateurs devront porter une attention particulière aux interrelations dans leur groupe, pour lutter contre les incivilités, les violences, les discriminations de toute nature (racisme, sexisme, homophobie, LGBT phobies) et faire la promotion de l’égalité, valoriser la mixité, créer l’inclusion et cela en fonction des problématiques de chaque territoire. Il faudra ainsi s’informer pour protéger, agir pour prévenir et déconstruire les stéréotypes liés au sport, communiquer et sensibiliser grâce aux outils mis à disposition par le ministère des sports. Ainsi le code de conduite sportive, c’est-à-dire l’éthique, doit concerner tous les professionnels et particulièrement les éducateurs sportifs territoriaux, dans leur rôle de relais éducatif.
Il existe une corrélation entre l’absence ou la baisse de la pratique sportive chez les jeunes et les milieux sociaux les moins favorisés[10]. En effet, le niveau de diplôme des parents est un déterminant essentiel, les bas revenus et l’inactivité professionnelle des parents étant des facteurs aggravants. Certains facteurs culturels sont aussi des freins à la pratique (environnement socio-culturel familial imprégné d’un modèle sociétal). Cette inégalité est accentuée chez les filles, comme le montre le rapport « Femmes et sports »[11] lequel présente une statistique intéressante : alors que 51% des filles font du sport en France, la proportion tombe à 32% dans les quartiers sensibles, sous le poids de la famille et la pression de l’univers confiné des cités[12] sur les comportements des filles et leurs pratiques culturelles.
La puissance publique entend spécifiquement apporter des points de résolution à l’absence de pratique des jeunes dans les quartiers prioritaires. Dans le cadre de la politique de la ville (QPV) conduite par l’Etat et les collectivités territoriales dans le respect de la libre administration, elle accompagne des actions spécifiques, éduquer par le sport est au cœur de cette politique.
Selon une première orientation , déclinaison opérationnelle des mesures prises lors du comité interministériel pour l'égalité et la citoyenneté[13], le sport a vocation à s'inscrire dans les trois volets du contrat de ville : cadre de vie et renouvellement urbain, cohésion sociale, et développement de l'activité économique et de l'emploi.
Dans le second volet, le sport pour être pleinement éducatif, doit être encadré, d’où la nécessité d’avoir des éducateurs formés à des actions spécifiques pour des publics éloignés des pratiques sportives. Les associations seront mobilisées et les éducateurs auront un rôle essentiel d’encadrement pour développer l’égalité des pratiques dans les territoires, la recherche de cohésion sociale. Pour faire suite à la prorogation des contrats de ville, la dernière orientation interministérielle à travers la circulaire d’application « Sports-Villes-Inclusion »[14], signée le 19 avril 2019, doit mettre en œuvre un volet intitulé « action sportive à vocation d’inclusion sociale et territoriale » en clarifiant les acteurs de l’action pour l’inclusion par le sport et les actions. Celles-ci à travers l’activité sportive « révélatrice de talents », « porteuses de valeurs » et de « projets de territoire », doivent mobiliser les jeunes publics dans une dynamique d’insertion, de citoyenneté en acte.
Le développement de l’insertion dans et par le sport a fait l’objet en juin 2023, d’un Grenelle de l’emploi et des métiers du sport, ayant pour objectifs la simplification, l’efficience et la mise en cohérence des dispositifs de formation, d’insertion et d’emploi par le sport. La filière sport génère ainsi près de 400 000 emplois soit 1,3% de l’emploi total en France, l’ambition à l’horizon du quinquennat est de créer 100 000 nouveaux emplois et multiplier par cinq les bénéficiaires des actions d’insertion dans et par le sport. Faire de l’activité sportive dans les QPV le point de départ d’un accès à l’emploi ou d’une insertion professionnelle était déjà une préconisation livrée dans le rapport de Karl Olive « Faire nation par le sport » en février 2022.
Pour la réussite des projets tournés vers l’éducation au sport et à la prévention, le service de proximité au sein d’un service des sports doit poursuivre une politique volontariste facilitant :
- L’accès à la pratique des habitants du quartier en faisant des propositions pour favoriser les APS du public féminin (pratiques valorisant le corps, l’esthétique permettant de donner confiance en soi) ;
- L’ouverture des équipements sportifs le soir et le weekend ;
- La mixité sociale et du genre dans un deuxième temps ;
- L’aménagement de nouveaux équipements sportifs répondant aux renouvellement des pratiques physiques et à l’accompagnement des pratiques « viriles » pour des jeunes de banlieue, développement de l’animation sportive municipale notamment dans des activités de proximité dans les quartiers en QPV pour fidéliser les plus jeunes à une pratique régulière avec l’espoir de les orienter vers une activité en milieu associatif ;
- Création de tiers-lieux sportifs en pied d’immeuble et de Maison Sport-Santé en QPV ;
- Des budgets participatifs dédiés au sport pour des projets locaux portés par des jeunes et des habitants, etc.
Pour identifier les besoins en termes d’animation, un éducateur sportif référant, porteur d’une culture de projets, s’efforcera de construire un partenariat entre le monde sportif, scolaire et socio-éducatif. Ceci permettra d’autre part d’augmenter l’efficacité de la transmission des messages éducatifs dans et par la pratique sportive. Agir pour le sport dans les quartiers sensibles, c’est aussi améliorer les conditions de vie des citées.
Un autre acteur associatif, l’Agence pour l’éducation par le sport (APELS) a lancé en 2015 un nouveau défi aux collectivités territoriales nommé « Education par le sport dans les villes » pour tenter de répondre aux problématiques éducatives, d’insertion et de bien-être sur les territoires. Une douzaine de villes sont engagées et de nombreux acteurs sont mobilisés (établissements scolaires, associations, collectivités, entreprises) pour construire l’avenir des politiques publiques dans les zones géographiques jugées sensibles.
Points de repères et incidences en termes d’encadrement pour un public adulte
L’allongement du cycle de vie sportive est un phénomène qui s’amplifie au fil des années mais pour avoir une vie physique raisonnée, encore faut-il en avoir eu une, dans sa jeunesse et qu’elle ait été vécue avec plaisir. Des études ont montré un continuum entre la pratique sportive juvénile et celle à la vie adulte même si ces pratiques sont différentes notamment en fonction de l’âge ou de l’appartenance sociale. L’adulte offre une réalité bien différente de celle de l’enfant et de l’adolescent, en termes de besoins et de motivations notamment à travers des perspectives différentes de pratiques (performance, santé physique, bien-être, contacts sociaux, contact avec la nature, épanouissement personnel, etc.) et de disponibilité, pour avoir une activité physique (AP). Ainsi le statut social de la femme peut être un facteur d’éloignement de la pratique sportive amateur ou compétitive.
Le potentiel physique de l’adulte dépend inévitablement de sa pratique antérieure (fréquence, intensité, continuité, régularité) et de son mode de vie passé et actuel. Progressivement, à partir de trente ans, les personnes perçoivent des signes d’involution dus à un vieillissement de leur équipement neuro-moteur, une diminution de l’efficacité des capacités d’adaptation à l’effort et des mécanismes de régulation, des difficultés à modifier leurs cadres de référence acquis et une diminution de leur adaptabilité.
L’individu atteint son potentiel physique maximal entre vingt et trente ans mais sa forme sportive peut s’entretenir sur des décennies avec un besoin de récupération qui va s’allonger avec l’âge. Si l’enquête de 2010[15] établit le fait que la pratique d’APS diminue avec l’âge notamment pour ceux et celles dont la pratique était occasionnelle, le baromètre national des pratiques sportives[16] en 2023 souligne qu’après la période du COVID, la pratique régulière augmente dans toutes les tranches d’âge, notamment chez les plus de 40 ans.
Certains découvrent la pratique ou retournent à la pratique tardivement quand ils constatent une baisse de leur potentiel ou que leur corps offre une image qu’ils refusent. La pratique sportive des jeunes adultes ne représente que 26% de leur temps libre selon les chiffres clés offerts par l’enquête de la « société Projet S »[17], car de nombreuses pressions rendent difficile une pratique régulière et la crise sanitaire l’a fortement impactée.
Elle peut varier considérablement en fonction de nombreux facteurs, tels que les goûts personnels, les disponibilités en termes de temps et de budget, et les opportunités locales. Ils choisissent la diversité des expériences avec des préférences pour la musculation/fitness, les sports collectifs et pour les plus jeunes d’entre eux de « nouveaux sports » comme les pratiques urbaines, la pratique à domicile, les structures privées au cadre moderne et convivial, la pleine nature. Plaisir, santé, forme/apparence, détente sont les motivations les plus exprimées avec le désir d’une personnalisation de la pratique, d’où le constat pour la tranche 25-29 d’un pourcentage faible de licenciés : 30,6 % de jeunes licenciés d’après les chiffres clés 2021 de l’INJEP sur la jeunesse.
Dans les années 2010, la massification de l’exercice physique va de pair avec les changements sociaux et culturels de la vie quotidienne et les pratiques sont devenues davantage de loisir, d’hygiène, de forme. Loin des activités compétitives, les motivations des femmes sont centrées sur le ludique, l’entretien de soi, la convivialité. Selon les travaux de Catherine Louveau et Michèle Métoudi, de nombreuses inégalités existent pourtant selon l’âge, le lieu de vie, les revenus, le vécu antérieur, les trajectoires familiales.
Le rapport au corps inféré a aussi une prégnance importante dans l’accession à la pratique. En 2022, selon le baromètre national des pratiques sportives[18], 58% des femmes pratiquent du sport en moyenne 1 fois par semaine, soit plus de sept point en 4 ans et la hausse de la pratique régulière est portée par les femmes. Mais seulement 20% des femmes ayant une activité sportive, s’exercent dans un club (chiffres clés du ministère en 2022) et cela malgré le plan de féminisation des fédérations sportives.
Modifiant la loi du 16 juillet 1984, la loi n°2000-627 du 6 juillet 2000 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dite « loi sport », avait pourtant initié le dispositif en faveur de l’égal accès des femmes à la pratique sportive et aux responsabilités, une impulsion nécessaire qui ne donne pas encore tous les résultats attendus.
Pour préserver leur santé, des recommandations existent, pour les adultes en bonne santé de 18 à 64 ans, il faut un minimum d’activité pour avoir des bénéfices sur l’endurance cardio-respiratoire, la force musculaire, l’état osseux, la réduction des maladies liées au vieillissement et le bien-être, soit l’équivalent de 30 minutes de marche rapide par jour au moins cinq jours par semaine ou 25 minutes de course au moins trois fois par semaine. Cette activité d’endurance doit être complétée par des exercices de renforcement musculaire (musculation équilibrée) au moins deux jours par semaine. La population européenne des plus de 65 ans passant de 17% en 2010 à 30% en 2060, en France d’après l’INSEE, le nombre de seniors représenteront 1/3 de la population en 2050. Ainsi les recommandations prennent en compte les singularités des séniors réparties selon une typologie de Fabien Pillard[19] du CHU Toulouse en trois groupes : les « robustes », les fragiles et les personnes dépendantes. Une pratique physique régulière, quotidienne permet des réponses positives et durables du point de vue de l’état de santé. Ces bénéfices ne seront effectifs que si les conditions de pratiques sont adaptées aux limitations qu’offre l’organisme (suivi médical nécessaire), les compétences de l’éducateur sont ici nécessaires pour les optimiser.
Afin de bâtir une nation plus sportive, le gouvernement a élargi le « Pass’Sport » qui s’adressait aux jeunes qui bénéficient de l’allocation de rentrée scolaire de 6 à 18 ans, de l’Allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou de l’Allocation adultes handicapés (AAH) jusqu’à 30 ans. Il a été étendu pour la rentrée universitaire 2022 à 800 000 étudiants boursiers. Un autre programme « le plan 500 équipements » finance sur projet des plateaux multisports très utilisés par les moins de 35 ans et en extérieur des équipements de street workout et pumptrack correspondant aux attentes des jeunes adultes.
Répondant aux ambitions d’un accès au « sport » pour tous, le métier d’éducateur se distend pour prendre en compte les besoins de nouveaux publics attirés prioritairement par une pratique de loisirs sportifs ou de confort physique. Ainsi, l’ETAPS doit construire sa polyvalence pour répondre à la diversification d’APS avec une ouverture vers des activités inédites pour des adultes (les activités purement sportives diminuent aux effets de l’âge) et des modalités multiples qui ne s’excluent pas forcément. A cette polyvalence s’ajoute une solide formation sur le « vieillissement réussi » et une forme d’expertise en santé pour les personnes avançant en âge. La grande hétérogénéité de ce public (besoins, motivations, niveaux de pratique, état de santé, âge…) ne permet pas d’identifier une pédagogie de l’adulte même si, à partir de l’ensemble des caractéristiques de ce dernier, on pressent une approche spécifique. Les propositions de contenu (APS, multi-activités, activités de pleine nature, formes innovantes de pratiques, animations socio-sportives, pratiques douces…) seront en lien avec les besoins identifiés et toujours construites pour entretenir la motivation. Les objectifs doivent être clairement énoncés et en cohérence avec les attentes des personnes, ce qui supposent qu’elles soient exprimées. Le travail en groupe nécessitera de respecter les rythmes individuels tout en préservant une dynamique commune. Pour une pratique raisonnée, l’éducateur s’appuiera sur le principe de progressivité (les formes sollicitantes seront réservées à l’adulte sportif), mobilisant l’agir et l’engagement de chacun. Il saura freiner les excès, car accepter de perdre en pouvoir moteur ou physiologique n’est pas évident. Il tiendra pourtant un niveau d’exigence (technique, placement) pour faciliter le progrès et la réussite. C’est surtout l’aspect relationnel qui prévaudra, atmosphère de sociabilité, climat de convivialité et de participation permettront la régularité d’une pratique durable et l’entretien de la motivation
Les actions directes envers les adultes sont souvent portées par le monde associatif et le secteur privé. Majoritairement les communes ne s’impliquent pas comme force de propositions car ces pratiques adultes sont volontaires et donc prises en charge individuellement. Elles y viennent progressivement pour répondre au droit d’un sport pour tous, aux injonctions nationales d’un sport-santé et pour rendre attractif leur territoire (politique centrée sur les habitants avec des interventions auprès d’un public féminin et sénior, et mise en accessibilité du patrimoine sportif).
Le concept de design actif vise à encourager la mobilité et l'activité physique par l'aménagement de l'espace public. Il s’inscrit dans cette volonté de contribuer aux politiques d’accessibilité à la pratique sportive par l’urbanisme et l’aménagement en innovant Les collectivités locales peuvent se saisir de la démarche pour s’adresser à tous les publics dont la facilité d’utilisation et d’appropriation est primordiale. C’est une démarche réellement inclusive (par des aménagements d’ampleur variée comme des espaces de fitness, skate-parks, mobiliers urbains, animations ludiques, etc.) Le design actif s’adapte facilement aux objectifs de chaque collectivité (politique de jeunesse notamment, de sport et de santé) ainsi qu’aux particularités de chaque projet territorial
En dehors des personnes licenciées dont les aptitudes sont maintenues par la pratique régulière, le public adulte représente un public cible pour des problématiques de santé publique qui n’hésite pas à exprimer la spécificité de ses besoins. Plus la collectivité est importante, plus il est indispensable de mener, à partir des objectifs des politiques et des réalités locales, un diagnostic des besoins sur un territoire pour instruire des choix en terme d’offre, de contenus de pratiques de construire des partenariats (fédérations sportives multisports affinitaires, organisations multisports de gymnastique volontaire, d’entretien physique et de bien-être, de sport pour tous, professionnels de santé) et permettre la professionnalisation du personnel encadrant pour offrir un service de qualité.
[1] « Apprendre, c’est prendre conscience et non suivre une voie toute tracée la meilleure fût-elle. »
[2] « le mouvement actif de l’enfant demeure le support essentiel de l’adaptation »
[3] « le jeu fournit un cadre pour le début de relations affectives et permet donc aux contacts sociaux de se développer »
[4] Wallon Henri. Importance du mouvement dans le développement psychologique de l'enfant. In : Enfance. Tome 12 n°3-4, 1959. Psychologie et Éducation de l'Enfance. pp. 233-239
[5] « Pour une nation sportive, 1 an d’action au service du sport français : bilan et perspectives », Ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques, juillet 2023
[6] Dossier sectoriel du pôle sport « les politiques sportives des villes de plus de 3000 habitants », CNFPT.
[7] Le Breton David, Adolescence et conduites à risque, Editions Fabert.
[8] Claire Perrin « Avec la puberté, l’irruption chez l’adolescent d’un potentiel de sexualité adulte modifie profondément l’image du corps, ce dernier devient avant tout le support du rapport à l’autre »
[9] « Le sport chez les jeunes de 12 à 17 ans », SPORTS, STAT-INFO, Ministère des sports, octobre 2002.
[10] « La pratique sportive des jeunes dépend avant tout de leur milieu socio-culturel », SPORTS, STAT-INFO, Ministère des sports, novembre 2003.
[11] « Femmes et sports », Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, décembre 2004
[12] « Le sport, c’est aussi pour elle », En jeu, une autre idée du sport, ufolep, décembre 2014.
[13] En mars 2015 au titre du plan « citoyens du sport »
[14] Circulaire n° DS/DIR/2019/108 du 19 avril 2019 relative à l’intégration du sport dans les contrats de ville
[15] Ministère des sports, « Les principales APS pratiquées en France en 2010 », STAT-INFO n°11-02, novembre 2011
[16] Baromètre nationale des pratiques sportives, INJEP-CRÉDOC, Rapport, Mars 2023
[17] Nouvelles générations : le grand chamboulement des pratiques sportives ? Cahier n°7 PROJET S, décembre 2022
[18] Baromètre nationale des pratiques sportives, INJEP-CRÉDOC, Rapport, Mars 2023
[19] Sport dans la cité, « Quelles activités physiques et sportives pour les séniors ? », octobre-novembre, 2000 n°2
Auteur(s) :
RIVIERE-LE GUEN Sylvie
Thématique(s) :
L’organisation sportive auprès des différents publics : scolaires, clubs, publics inorganisésLa responsabilité dans les Accueils collectifs de mineursLa santé en Accueil collectif de mineurs (ACM)L'environnement juridique des Accueils collectifs de mineurs (ACM)Épreuve de conduite d’une séance d’Activité Physique et Sportive (ETAPS) : La relation pédagogique et l’analyse de sa propre pratique