L’organisation sportive auprès des différents publics : scolaires, clubs, publics inorganisés
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Les concours de la FPT
Dernière mise à jour : Août 2023
- 1) Les collectivités construisent un projet global sportif autour d’une offre éducative
- 2) Les collectivités territoriales exercent diverses activités de soutien notamment auprès des associations
- 3) Les collectivités accompagnent le développement des pratiques émergentes en agissant sur l’aménagement territorial, accessible à toutes et tous
Portée par une volonté politique, les actions de ces organisations diffèrent selon les époques, les territoires, les décideurs, les problématiques territoriales.
William Gasparini identifie l’organisation sportive[1] à travers de multiples caractéristiques : des objectifs à différentes échelles temporelles ou un projet négocié (produit, service, formation, enseignement…), des structures qui déclinent « la division du travail, la coordination des tâches et la distribution du pouvoir », des acteurs membres de l’organisation, un environnement influençant son fonctionnement et une culture commune permettant l’existence d’un consensus formalisé dans la politique de l’organisation. Elle est composée par ailleurs « d’une multitude de sous-systèmes en interrelation dynamique ».
Sera abordée ici en priorité, l’organisation portée par une logique politique et administrative de service public et les alliances qu’engage cette organisation pour concevoir des politiques sportives territoriales (développement de pratiques socialement positives pour la population française). Si la légitimité de l’intervention publique dans le domaine sportif est acquise, le vote du 16 juillet 2015 du projet de loi portant la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) invite à amplifier la collaboration entre les différents échelons territoriaux et la mutualisation des moyens, à coproduire de l’action locale avec un double défi de cohérence horizontale (une politique sportive incluse dans un projet territorial) et verticale car le domaine sportif reste encore une compétence partagée. Depuis, l’Agence nationale du sport (ANS), créée en avril 2019, se veut réformer le sport hexagonal par « une gouvernance partagées à responsabilités réparties » car il existe une pluralité d’acteurs de la gouvernance du sport comme le prévoient les lois de 1975[2] et 1984[3] (les collectivités locales trouvent enfin une reconnaissance dans cette organisation). Pour les collectivités et leurs groupements, la clarification de leur coordination s’impose désormais dans les mises en œuvre des politiques sportives locales pour davantage d’efficacité.
Il faut aussi convaincre les populations du bien-fondé des actions menées car au niveau local, une des préoccupations, est le bien-être des administrés. Ces derniers devront intégrer l’idée d’une baisse des ressources publiques, admettre la nécessité de l’engagement écoresponsable et s’intéresser à l’augmentation des pratiques « libres » qui correspondent à une nouvelle catégorie de pratiquants, les « auto-organisés » en lien avec les évolutions sociétales.
1) Les collectivités construisent un projet global sportif autour d’une offre éducative
Dans un contexte mouvant (évolution de la société, loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école publiée au journal officiel du 9 juillet 2013, reconnaissance des valeurs éducatives du sport, loi n°2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport et comportant un volet « développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre », 2023/2024 année olympique et paralympique à l’école pour faire vivre toutes les dimensions du sport…), les collectivités peuvent coordonner, enrichir l’offre éducative sportive sur le territoire local dans les temps scolaire et périscolaire et soutenir l’action du secteur associatif et des clubs sportifs.
Au service de l’Education Physique et Sportive (EPS), les relations entre écoles et collectivités locales sont formalisées. D’après la loi n°2004-809 du 13août 2004, modifiant le code de l’Education et son article L. 212-4, « la commune a la charge des écoles publiques, elle est propriétaire des locaux et en assure la construction […] et le fonctionnement », le département est en charge des collèges sur son territoire et des transports scolaires, la région est en responsabilité des lycées. Pour les activités et programmes scolaires d’enseignement en EPS fixés par l’État, les communes doivent aussi s’assurer, d’installations sportives en nombre suffisant ainsi que de leurs niveaux d’adaptation. Si par exemple certains équipements se trouvent être en régie déléguée, il convient d’anticiper des conventions d’exploitation prévoyant ces enseignements obligatoires de l’EPS. D’autre part, selon l’origine de la participation de différents financeurs (commune, établissement public de coopération intercommunale, département, région), les priorités d’accès pour les installations peuvent être mises en débat et créer, au regard de l’insuffisance des installations sportives, des tensions entre les différents niveaux d’enseignement (primaire, secondaire, supérieur). Avec la loi de démocratisation du sport, l'obligation pour les collectivités locales d'aménager, lors de la construction d’une école, d'un collège ou lycée public ou lors d’une rénovation importante, un accès indépendant aux équipements sportifs de ces établissements, est désormais acté, cet élargissement de l’accès à ces installations doit permettre un accroissement de la pratique sportive. Grâce au recrutement d’ETAPS, personnels qualifiés et agréés par l’Éducation Nationale (EN), les communes, même si elles n’en ont pas l’obligation, peuvent intervenir selon l’article L-363-1 du code de l’éducation, dans une co-intervention avec les professeurs des écoles. L’enseignement en EPS est dispensé par les personnels enseignants mais « toutefois, un personnel qualifié et agréé peut assister l’équipe pédagogique avec son accord et sous la responsabilité de celle-ci ». Bien que le travail effectif reste sous l’autorité de l’enseignant, cette action conjointe avec l’intervenant extérieur se construit autant didactiquement que pédagogiquement et s’élabore lors de la conception d’un projet pédagogique d’école(s) ou un projet départemental), décliné en projets de classe. Mettant en évidence des besoins notamment en compétences techniques, l’ETAPS devient un incontournable pour accompagner les activités d’enseignement/apprentissage, la co-intervention peut être alors ponctuelle, sur un cycle, ou une année. Des conventions, précisant le rôle de chacun sont alors passées entre l’employeur des intervenants qualifiés et, selon le champ d’extension de son champ d’implication, l’Inspecteur d’Académie, le directeur académique des services de l’Éducation Nationale (DASEN) ou l’Inspecteur de l’EN de circonscription et contresignées par le directeur d’école. Cette contribution s’exerce diversement selon les territoires, chaque conseil délibérant décide des orientations politiques en matière sportive sur un mandat électif et des moyens qu’il veut allouer à ces interventions scolaires (nombres d’emplois et volume horaire consacré). Le sujet de la natation scolaire est plus sensible puisque déjà la circulaire du 7 juillet 2011 rappelle que savoir nager est un enjeu fondamental de l’éducation (sécurité, santé, accès aux pratiques sociales). En 2023, le gouvernement porte dans une circulaire[4], deux apprentissages fondamentaux prioritaires : le programme aisance aquatique pour les enfants de 4 à 6 ans, l’apprentissage massif du savoir rouler pour les 6 à 11 ans dans le cadre scolaire et périscolaire, en est une autre. Il en est de même dans le cadre d’activités nécessitant règlementairement un encadrement renforcé pour assurer la sécurité notamment sur les activités de pleine nature et nautiques. Elles permettent aux écoles d’être ouvertes sur le monde extérieur et aux élèves de découvrir les richesses d’un territoire local.
Malgré le contexte de questionnement sur l’impact réel de l’éducation dispensée dans un cadre national et de restrictions budgétaires pour les collectivités, l’enseignement en EPS auprès des écoles primaires reste encore une mission valorisée par de nombreux services municipaux des sports car les collectivités ont été très tôt associées au développement du service public d’éducation notamment par la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989. On peut cependant, s’interroger sur la légitimité de l’intervention des ETAPS à l’école primaire et donc leur mise à disposition par la collectivité. Elle est validée par le fait que ces professionnels peuvent être des acteurs centraux pour assurer la cohérence des contenus et démarches dans un projet sportif global intégrant l’EPS, les activités périscolaires et extrascolaires sur un territoire.
Dans le cadre des activités périscolaires (champs artistique, culturel, sportif, scientifique, environnemental…), on constate aussi l’évolution du service public éducatif au regard de la mise en place de politiques éducatives locales nouvelles. Le code de l’éducation Art. L. 216-1 autorise « l’organisation des activités éducatives, culturelles et sportives » par les collectivités. Ces activités restaient, avant 2013, facultatives et complémentaires des obligations scolaires définies par l’Etat. En 2011, le rapport de synthèse issue de la conférence nationale sur les rythmes scolaires proposait pour améliorer les conditions de vie et d’apprentissage des élèves, de revoir le pilotage entre responsables scolaires nationaux et locaux d’une part et les collectivités locales d’autre part. Cette révision devait permettre une adaptation aux différents contextes locaux, et de mieux concilier temps scolaire, temps familial, temps social et temps périscolaire. Il invitait à une évaluation conjointe des coûts de la politique éducative et, dans le souci d’équité sur le territoire, à une régulation de l’Etat. L’éducation est un cadre collectif car elle est l’affaire de tous. Depuis, le décret du 24 janvier 2013 fixe de nouveaux principes pour l’organisation du temps scolaire. Il est complété par celui du 8 mai 2014 autorisant des expérimentations et des assouplissements adaptés aux réalités locales. Le DASEN peut permettre, sous certaines conditions, des dérogations à l'organisation de la semaine scolaire pour le prise en compte des spécificités des différents territoires. Une des conditions consiste en la libération d'un après-midi de cours pour y regrouper les activités périscolaires. Toute autorisation d'adaptation à l'organisation de la semaine scolaire est conditionnée à la signature d'un projet éducatif territorial (PEdT) par la commune concernée et la transmission au DASEN d'une proposition d'organisation conjointe de la commune ou de l'EPCI et d'un ou plusieurs conseils d'école.
Dès la rentrée 2013 une concertation forte entre les services de l’Éducation Nationale (DASEN) et les collectivités s’est engagée. La nouvelle organisation des temps scolaires s’impose pour élaborer la complémentarité des temps sur la journée en tenant compte des situations locales (offre périscolaire, ressources culturelles, associatives, transports scolaires…). Voulant garantir une école plus juste, la loi pour la refondation de l’école, a créé l’allongement du temps périscolaire et des activités organisées dans ce cadre et gérées par les collectivités. Malgré un fond d’aide national de soutien de 250 millions d’euros en 2013/ 2014, de 372 millions d’euros en 2014/2015 pour un peu plus de 22600 communes (les aides de la CAF sont conséquentes et s’ajoute au fond d’aide, soit 430 millions en 2014), ce transfert de responsabilité a entrainé de nombreuses difficultés logistiques, financières, de compétences et de transports sur les lieux d’activités. L’aide forfaitaire par enfant est plus conséquente pour les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine cible (DSU-cible) ou à la dotation de solidarité rurale cible (DSR-cible). Le comité de suivi sur la réforme des rythmes scolaires note des points de satisfaction pour les communes ayant déjà initié depuis des années une politique éducative de qualité et pour celles qui ont mis la formation des intervenants au cœur des dispositifs. Les éléments négatifs sont liés à une réorientation de certains budgets communaux privant de ressources d’autres secteurs, au manque de concertation pour permettre la complémentarité et la continuité des temps éducatifs, l’inégalité des dispositifs sur le territoire français ou encore l’inadéquation des propositions aux besoins des enfants en maternelle.
Le projet éducatif territorial (PEdT), outil de la concertation sur la question éducative doit permettre de mobiliser toutes les ressources d’un territoire et répondre à des enjeux éducatifs, sociaux et territoriaux. Il peut s’articuler avec d’autres dispositifs déjà existants dans les communes concernées : projet éducatif local (PEL), contrat éducatif local (CEL), contrat de ville, dispositifs culturels, contrat enfance-jeunesse conclu avec la CAF, accompagnement éducatif. Le ministère a fait un point d’étape en juin 2015 : 14000 communes sont couvertes par un PEdT, 75% mettent en œuvre des APS et pour la moitié, les 3h d’activités périscolaires sont gratuites pour les parents. L’enjeu est de le généraliser à 19 000 communes à la rentrée 2015/ 2016 d’autant qu’il permet de prétendre au fond de soutien.
Les réformes des organisations du temps scolaire (OTS) successives ont montré l'importance des activités éducatives périscolaires qui contribuent à l'épanouissement de l'enfant, à sa socialisation et à sa réussite scolaire. Depuis la rentrée 2018 et la mise en place du « Plan mercredi », l’Etat accompagne les communes afin que le mercredi devienne un véritable temps éducatif utile aux enfants, conçu dans le respect de leurs rythmes et la construction d’un socle commun.
Si l’État s’est engagé dans la création d’un service public du sport scolaire encadré par des enseignants, ces activités volontaires qui se différencient de l’enseignement obligatoire en EPS sont encouragées dans le primaire, par l’Union Scolaire de l’Enseignement du 1er degré (USEP). Dans un rapport de la Cour des comptes en janvier 2013, le chiffre de 14 % d’élèves participants laisse à penser que l’USEP n’est pas un partenaire privilégié des élus et que d’un territoire à l’autre, des stratégies différentes sont mises en place. Pour autant les chiffres d’engagements associatifs augmentent, notamment dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, car l’USEP met son action au cœur des questions sociétales pour former des citoyens sportifs. Ainsi en appui de l’éducation physique et sportive (EPS) dispensée par les professeurs des écoles, coanimée par des enseignants et des parents, cette organisation réunit 604 102 licenciés enfants et 33 676 animateurs adultes bénévoles au sein de 6 953 associations, ce qui en fait la 4ème fédération sportive de France. Les conventions le plus souvent signées entre les communes et les comités départementaux USEP, servent à animer les quartiers ou organiser des rencontres le mercredi après-midi, notamment dans les quartiers prioritaires où les enfants n’ont pas la chance de pouvoir s’inscrire dans des clubs sportifs. Les collectivités peuvent alors mettre à disposition des installations, rémunérer des animateurs ou verser des subventions aux associations USEP, permettant ainsi de garder la main sur des activités ouvertes à tous sans s’appuyer forcément sur le réseau associatif local. Un dossier de la revue « en jeu »[5] montre que l’USEP trouve davantage sa place dans les villes moyennes et rurales , faute de moyens, et ne développent pas une politique éducative et sportive aussi riche que dans les grandes villes. Les conseils départementaux encouragent par des subventionnements ce soutien au sport scolaire et financent les transports pour les rencontres. En milieu rural, les associations USEP se regroupent pour mieux dialoguer avec l’administration publique locale et porter des projets regroupant de nombreux enfants favorisant une image dynamique auprès des municipalités. Elles s’associent par exemple à la dynamique des JO à travers un dispositif « Génération 2024 » en participant aux temps forts annuels (journée nationale du sport, semaine olympique et paralympique, journée olympique). Si elles bénéficient d’un agréement, ces associations peuvent aussi être investies pour la mise en place de la généralisation de la mesure « 30 minutes d’activité physique quotidienne » sur le temps périscolaire. [6].
2) Les collectivités territoriales exercent diverses activités de soutien notamment auprès des associations
En 2018, selon les statistiques publiques de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP)[7], 1,3 millions d’associations actives sont dénombrées dont 25% relèvent du domaine du sport. Présentée sur le site de Localtis[8] en 2015, une enquête de l’Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) révèle que près d’un quart des communes ont réduit leurs subventions aux associations sportives pour la saison 2014/2015 et cela dans le cadre de la baisse des dotations de l’État aux collectivités. Pourtant l’évolution de la politique de subventionnement est à relativiser tant l’utilité sociale du mouvement sportif n’est plus à démontrer et que le soutien financier n’est pas la seule forme d’aide possible. En 2017, selon le ministère des Sports et de la vie associative, les subventions représentaient 18% du budget des associations sportives.
Les communes sont les plus généreuses en termes de subventions, devant l’État puis les départements. Le code du sport (art L. 100-2) légitime l’intervention des collectivités territoriales aux côtés de l’Etat et des associations. La commune est dotée de compétences qu’elle exerce de plein droit, mais lors des lois de décentralisation, la compétence sport n’a pas été édictée ainsi c’est par la clause de compétence générale qu’elle inscrit ses interventions dans le secteur sportif avec une relative autonomie de décision et notamment pour le soutien aux associations et clubs sportifs[9] amateurs. Grâce à cette liberté d’intervention et traditionnellement, les élus offrent leur soutien au développement de la pratique des APS promu par les associations sportives. En juin 2012 la Cour des comptes[10] donne le chiffre de 180 000 associations sportives structurées dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901, la plupart ne sont pas soumises à un système juridique particulier (cadre du droit commun des associations). Elles restent très hétérogènes dans leurs caractéristiques (associations ou clubs sportifs, finalités poursuivies, encadrement bénévole ou/et professionnel, taille, nombre et âge des adhérents ou licenciés, nombre et nature des APS, implantation locale physique, notoriété, ancienneté, possibilités d’évolution…). Elles sont souvent des partenaires naturels incontournables pour répondre au développement sportif d’un territoire car elle porte un modèle universel de pratique, tente de satisfaire aux attentes des pratiquants dans leur diversité et porte la mission d’une réduction des inégalités sociales et territoriales d’accès au sport. Cette participation à la dynamique d’un territoire ne doit pas leur faire perdre le sens associatif qui donne vie à l’action collective dans ces organisations. Pour développer la cohérence des actions et servir les orientations de politique sportive choisies par les élus, un cadre légal et réglementaire permet de formaliser les relations entre une commune et les associations locales afin de préserver leur mobilisation de proximité et éviter les risques de gestion de fait et de requalification. Les leviers d’aide sont nombreux : soutien financier, mise à disposition en personnel et locaux, fourniture de matériel ou en transport. Les outils formalisés dans un ouvrage par Patrick Bayeux[11] sont variés : chartes ou conventions cadres, contrats ou conventions d’objectifs ou de partenariat, conventions spécifiques.
Les débats autour de la loi relative à l’économie sociale et solidaire (loi ERS) donnent en juillet 2014 une définition législative à la notion de subvention en la basant sur le critère de l’initiative des acteurs associatifs. Dans l’article 59, il est défini qu’elle porte un caractère facultatif pour celui qui la prend en charge renvoyant donc à un choix politique en définissant les contours de ce qui est d’intérêt général au niveau local et permet de sécuriser les relations entre collectivités territoriales et associations. Elle concerne un projet d’intérêt général ou une action de formation des bénévoles. Elle existe simplement pour des actions, des projets, des activités à la seule initiative des associations qui poursuivent ainsi des objectifs propres et construisent un contenu en adéquation. Ceux-ci peuvent croiser ceux déclinés dans une politique publique locale. La collectivité peut ainsi faire « appel à projet » sans prendre d’initiative sur les propositions attendues (circulaire du 18/11/2010), ni passer par une procédure de commande publique.
Les documents et procédures se sont progressivement uniformisés et la répartition des ressources peut se construire sur des normes. La ville d’Évreux[12] propose des subventions de fonctionnement calculées sur la base de critères de répartition (nombres d’adhérents et de licenciés, vitalité dans la vie compétitive, qualité de l’encadrement, capacité d’autofinancement), Ces subventions servent au fonctionnement, à l’investissement ou à des projets identifiés. Pour nourrir l’image et le dynamisme de la ville, elle crée aussi une subvention promotionnelle sur présentation d’un cahier des charges en lien avec une promotion, une animation, une manifestation sportive. Enfin une subvention exceptionnelle, gérée par l’élu chargé des sports peut être débloquée à tout moment. Chaque collectivité est ainsi libre de définir au regard des missions qui l’animent des critères personnalisés pour construire de réels partenariats. Pour obtenir ce soutien, les associations doivent se professionnaliser pour gagner en légitimité et assumer différentes démarches : clarifier leurs objectifs et leur projet social en lien avec l’intérêt général, définir l’objet de la demande d’aide, constituer un dossier, envisager un conventionnement déterminant les droits et obligations de chacun (obligatoire pour toute subvention supérieure à 23 000 euros ou lorsque l’association organise des spectacles vivants), établir bilans et compte rendu financiers notamment pour l’emploi de subventions permettant ainsi un contrôle de l’activité, enfin montrer une approche préventive et citoyenne dans leurs pratiques et celles de leurs adhérents. S’il existe de nombreuses formes de conventions, Jean-Marc Gillet[13] évoque une convention « cadre » comme outil global de l’ensemble des relations que les collectivités peuvent entretenir avec les associations locales. D’autres collectivités préfèrent la logique de projets à celle de partenariats mettant en avant les axes sociaux des projets : développement du sport pour tous, d’activités en direction de publics cibles ou d’activités porteuses de valeurs. Dans cette dialectique, les associations ne doivent pourtant pas être considérées comme des prestataires de services, le respect du projet associatif devant être préservé face au risque d’instrumentalisation.
Ces décisions et le nouveau cadre réglementaire qui les accompagne sont le résultat d’une vaste réflexion sur le soutien aux associations et les risques juridiques que créent les relations entre collectivités et associations. Il y a eu une volonté d’aide à la rationalisation de l’activité des associations recevant des fonds publics parallèlement à celle de l’action publique, de rendre les choix politiques plus cohérents, les arbitrages transparents et de stabiliser les relations sur le long terme suite aux élections. Pour compenser la réduction des subventions, les communes ont été plus généreuses sur les aides indirectes en 2014 / 2015 car elles ont la volonté de préserver la vitalité du mouvement sportif dont les ressources sont largement d’origine publique même sans attribution de droit. Elles ont d’autre part bien compris le rôle fondamental des associations dans l’animation de la cité en favorisant ou complétant l’action des services publics locaux. A partir d’un état des lieux, l’approche des services des collectivités peut rester globale pour faciliter la mise en œuvre et le suivi des dossiers, une entité administrative « commune / associations » peut se constituer. Cette vision systémique permet à l’ensemble des associations d’un territoire, d’échanger, de construire collectivement des actions complémentaires ou solidaires, de faire vivre des forums d’associations, de fédérer ou mutualiser des ressources et des compétences, de construire des passerelles vers les autres pour répondre à des problématiques de territoires. La charte des engagements entre État / collectivités / associations est une référence dans l leurs relations avec les pouvoirs publics. Si les associations sont des acteurs de développement, elles sont aussi porteuses d’innovations culturelles. Par exemple, le croisement des champs du sport, de l’art et de la culture modifie le paysage des pratiques de loisirs et permettent grâce à des politiques transversales et partenariales d’exploiter la richesse éducative et citoyenne de ces pratiques pour promouvoir un quartier, un territoire, un projet créatif, le vivre ensemble[14].
3) Les collectivités accompagnent le développement des pratiques émergentes en agissant sur l’aménagement territorial, accessible à toutes et tous
Á la fin du XXe siècle, sous l’effet concomitant, de bouleversements socio-culturels, démographiques (crise culturelle lors de mai 1968, renouvellement des générations…) et de l’impact de l’environnement propre au champ sportif (médias, technologie, secteur marchand, nouveaux acteurs, évolution de la demande du public …) un élargissement du « système des sports » se profile avec toutes sortes de « contre-cultures ». Christian Pociello[15] nous offre un cadre de réflexion pour apprécier la transformation des pratiques sportives et envisager des éléments constructifs pour l’avenir du sport et la prise en compte de ces facteurs pour concevoir l’action publique autour du développement local. L’auteur envisage 4 tendances lourdes d’une transformation du système de pratiques : leur « massification » doublée de leur diversification, la personnalisation et l’individualisation des pratiques de loisir, l’écologisation, l’agoraphilie et la forme aventureuse des activités. Pociello envisage trois autres orientations : la « féminisation » des pratiques, « l’augmentation des cycles de vie sportifs » et « la recherche par les citadins de formes d’organisation à faibles contraintes ».
De nouvelles pratiques sportives
Cette approche prospective trouve des points de convergence avec l’enquête[16] « le temps libre des Français dédié au sport » du ministère de la Jeunesse et des sports et de la vie associative en 2010 (aujourd’hui ministère des Sports et des jeux olympiques et paralympiques) et d’autres enquêtes nationales sur les loisirs (INSEE). Elle confirme la mutation du profil du sportif et la métamorphose de la scène sportive. Au-delà des phénomènes établis de massification (65% des individus âgés de 15 ans et plus déclare pratiquer au moins une fois par semaine et 20% une seule fois par semaine), de segmentation (formes différentes de pratiques selon les âges, les genres, les groupes sociaux), de diversifications de pratiques fondées sur la singularisation des individus (importations, combinaison, hybridation, technologisation…) et de leur modalités, on pressent à la lecture d’autres analyses sociologiques que le sport « institué », affilié aux fédérations, « organisé », « standardisé » s’enrichit d’un modèle complémentaire, d’un sport loisir « libre », « émergent », « auto-organisé » ou « inorganisé », « informel », « sauvage », caractéristique en partie d’une désaffiliation sportive, surtout pour les populations d’adolescents et de jeunes qui ont initié ce mouvement pour s’émanciper et s’affirmer. Plus récemment, Vertigo, institut spécialisé d’études dans la recherche marketing pour le marché des loisirs et du digital a publié sur le site the « média leader »[17], des données sur le temps libre des jeunes ? Français. Sur une estimation de 6h15 de temps libre par jour, les activités préférées sont les suivantes : échanger sur les réseaux sociaux, suivre l’actualité, jouer aux jeux vidéo, regarder des films et écouter de la musique. Cette étude Hobby-One confirme que le temps moyen consacré à la pratique sportive ne serait que de 16 minutes par jour en moyenne, ce qui ne peut que questionner les décideurs publics qui cherchent après la période de crise COVID, à encourager particulièrement pour la jeunesse, une pratique physique en l’inscrivant dans nos modes de vie. « Se remettre au sport » suppose la prise en considération d’une diversification des formes de pratiques, comme des aspirations et de tenir compte de la désinstitutionalisation des pratiques. Les nouvelles formes d’engagement dans l’auto-organisation doivent être analysées et traduites en axes stratégiques publics structurants puis opérationnels.
Selon Armand Zouari[18], les inconditionnels de l’auto-organisation se donnent « toutes les possibilités d’une pratique discontinue voire épisodique, au jour le jour dans une relation à autrui qui peut se faire ou se défaire, sur les critères de la proximité physique ou d’autres purement affectifs (…) Une dynamique de diversifications des pratiques, de parcellisation des pôles d’intérêt, de choix multiples, anime aujourd’hui nombre de pratiquants qui n’hésitent plus à revendiquer le droit à la versatilité et au libre choix des modalités de leur pratiques ».
Les nouvelles pratiques émergentes et la prise en compte des publics inorganisés
Depuis 1980, loin des lieux traditionnels, l’engouement est réel pour les sports de pleine nature, de glisse, de rue, de culture urbaine, d’aventure en même temps qu’apparaissent de nouvelles manières de pratiquer des sports traditionnels (ski hors-piste, VTT, trial…). Les règles d’organisation sont le libre arbitre, l’absence d’encadrement, un milieu non codifié et choisi, des systèmes d’échange modulés en fonction des acteurs pour laisser place à l’accomplissement individuel. Jean-Pierre Augustin[19] propose une analyse des espaces ouverts selon leurs fonctions premières, ils sont détournés pour la pratique sportive de loisir, « Les espaces dits urbains (parkings, places, rues, escaliers…), les espaces piétonniers et cyclistes (allées, pistes cyclables, berges…), les espaces de détente (plages, jardins, spots, ...), les espaces naturels de loisir (bois, parcs, falaises, montagnes…) et les espaces dits sportifs (aires de jeux, plateaux sportifs…) ». L’usage de l’auto-régulation s’est amplifié avec l’expression de l’évolution de la demande des pratiquants parallèlement à celle des modes de vie, de la mise en évidence des mobilités, de la valorisation du corps, de son entretien, de son esthétique, d’individuation et de l’émergence de nouvelles valeurs sociétales.
Puisqu’ils ne peuvent négliger l’existence de ces pratiques, les collectivités et le monde sportif doivent envisager de nouveaux axes de réflexion et d’action. En structurant leur offre ou leurs services. Les communes et leurs groupements vont devoir évoluer vers davantage de coopération contractualisée avec les associations et de partenariat avec le secteur sportif ou marchand pour répondre à la demande de pratiques émergentes et certainement accompagner à la structuration et à la valorisation de ces champs de pratique (le parkour qui fait partie des sports urbains est un cas d’école). Ces activités peuvent être un véritable vecteur de développement local. Ainsi le surf, renforçant une identité locale en est un bon exemple comme le choix de sports jeunes à Paris 2024 (surf, escalade, break dance, skateboard) pour créer les conditions d’accès à ces pratiques parlant à la jeunesse. Le programme 5000 équipements sportifs de proximité de 2022/2023[20] pour une enveloppe de 200 millions d’euros, confirme des propositions en lien avec le déploiement de street workout, skateparks, pumptracks, box/containers favorisant les pratiques extérieures L’aménagement des parcs comme lieux d’activités récréatives ou en lien avec la santé (parcours santé), en est un autre. Enfin, les activités se sont aussi développées dans les espaces naturels (randonnées, VTT, raquettes, kayak…), conciliant partage des lieux et préservation de la nature de la biodiversité d’une part, et aménagement et gestion des flux d’autre part. Il convient aussi de reconsidérer les projets d’interventions ou d’animation : de nombreuses villes se sont emparées de la mode du roller pour organiser des déplacements collectifs tous styles confondus (skate, trottinette, roller…) dans les rues, en prévoyant encadrement et sécurité. En proposant des équipements adaptés, multifonctionnels, de proximité valorisant le confort d’utilisation, la convivialité (réhabilitation, modernisation, construction nouvelle) en complément d’équipements standardisés, normés pour la seule compétition et en envisageant des espaces (ouverts, de libre accès) coïncidant avec les modes de vie et pratiques actuels. Être attentif aux demandes de pratiques nouvelles, supposera certainement de favoriser les coopérations intercommunales pour structurer les territoires, leur processus de décision dépend de la nature de la compétence assumée par l’établissement public de coopération intercommunal (principe de spécialité et d’exclusivité). Bien plus, il faudrait envisager selon J.P. Augustin « une urbanité flexible laissant à chacun la possibilité d’accéder à des lieux diversifiés, d’entrer en relation avec des groupes variés et de participer à des occasions de rencontres programmées ou non ». L’enjeu de l’appropriation de la ville par les usagers dépasse ici la simple volonté d’aménagement, la ville devenue attractive s’ouvre à de nouveaux espaces de liens sociaux. Dans un contexte budgétaire contrait et les conditions liées à la nécessaire transition écologique, tout sera question d’arbitrage par les élus des collectivités et de leurs groupements. Ils pourront soit rénover les équipements vieillissants, les modifier pour les adapter aux nouvelles pratiques, soit créer de nouveaux espaces, les rendre accessibles et diffuser le « sport » sur les territoires, autant d’options face à des usagers/consommateurs de plus en plus exigeants. En assurant la sécurité des pratiquants car la multiplication des pratiques inhabituelles, déambulatoires, acrobatiques pose le problème du partage des espaces. Il convient alors de sensibiliser à la non exclusivité spatiale, de construire l’usage citoyen, d’appliquer normes et réglementations, en organisant l’affichage des obligations etla signalisation des dangers. Il faut aussi satisfaire les besoins de formations des animateurs devenus régulateurs pour éviter les problèmes de dégradation, de vandalisme, d’accidentologie, de climat dégradé, de discriminations (les plus jeunes, les filles, les communautés). L’entretien des installations publiques est aussi primordial. Le parc des sports Saint-Michel à Bordeaux créé en 2009 est un modèle « exemplaire » du genre. En envisageant la responsabilité des décideurs et des gestionnaires publics car le développement des pratiques inorganisées peut générer des risques liés aux pratiques, aux sites utilisés (responsabilités en tant que propriétaire ou gestionnaire du site), des risques d’atteinte à l’ordre public (sécurité et tranquillité publiques). Ceci suppose une bonne connaissance des publics et de leurs pratiques.
La prise en compte des publics dits inorganisés dans la dynamique sportive de ce début de siècle et de la diversité des rapports aux corps, lieux et espaces qui accompagnent la société sportive aujourd’hui, infléchit toute forme d’action publique. Après avoir répondu à la démocratisation des pratiques en développant l’accès aux sports pour tous, les collectivités territoriales et leurs partenaires vont devoir assumer l’élargissement territorial des pratiques tout en tenant compte de nouvelles considérations environnementales.
[1] Revue coordonnée par Gasparini M., L’organisation sportive. Édition Revue EPS, 2003
[2] Loi nº 75-988 du 29 octobre 1975 relative au développement de l'éducation physique et du sport dite Loi Mazeaud
[3] La loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dite loi Avice
[4] Circulaire du 23 juin 2021, Bulletin Officiel n°26 du 1er juillet 2021
[5] UFOLEP, EJ une autre idée du sport, revue n° 432, 2010
[6] Suite au bulletin officiel n°30 du 28 juillet 2022
[7] INJEP, chiffres clés de la vie associative 2023
[8] Localtis.info, quotidien d’information en ligne des collectivités territoriales et leurs partenaires
[9] Un club sportif peut être constitué soit d’une association seule, soit conjointement d’une association sportive et de la société qu’elle a créée pour la gestion de son secteur professionnel (régime fiscal spécifique)
[10] Cours des comptes, rapport « Sport pour tous » 2013
[11] Bayeux P., « guide de l’élu délégué aux sports, élaborer et piloter une politique sportive », PUS 2008
[12] Gabet Fr., Fiches pratiques sportives « subventions aux associations… », Acteurs du sport n° 108, avril 2009
[13] Gillet J.M., DGA des services, Fiches pratiques sportives « conventions avec les associations », Acteurs du sport n°153, novembre 2013
[14] Voir « Sport-Culture, une ambition éducative et citoyenne » Rencontres territoriales organisées par le CNFPT - INSET de Nancy sous le « haut patronage » du Ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative en partenariat avec l’Agence pour l’éducation par le sport (APELS) et le quotidien « Le Monde », octobre 2012
[15] Pociello Ch., « Structure et évolutions des loisirs sportifs dans la société française », rapport de recherche au MJS, septembre 1989
[16] Enquête « Pratiques physiques et sportives en Franc 2010 », CNDS/ Direction des sports, INSEP, MEOS et Lefèvre Br. et Thiery P., Stat-info ; Jeunesse, Sport et Vie associative, n° 10-01- décembre 2010
[17] https://themedialeader.fr/les-ecrans-captent-plus-de-60-du-temps-libre-des-francais-dapres-une-etude-de-vertigo/
[18] Zouari A., « Le nouvel équipement sportif des villes : service de proximité et espace de liberté », Les annales de la recherche urbaine, n° 70, 1996
[19] Augustin J.P., « Assiste-t-on à un rejet de la culture sportive traditionnelle ? », Agora débats/jeunesse n°16, 1999
[20] https://www.agencedusport.fr/plan-5000-terrains-de-sport
Auteur(s) :
RIVIERE-LE GUEN Sylvie
Thématique(s) :
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