Corruption passive et trafic d'influence passif

Modifié le 16 mai 2023

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Notions clés

La corruption et le trafic d’influence constituent deux infractions étroitement liées à la détention d'un pouvoir public dont le titulaire entend abuser.

Ils caractérisent un manque de loyauté grave, car ces agissements impliquent une trahison de la puissance publique et de l’intérêt général par ses serviteurs.

Les infractions sont réprimées dans le Code pénal, au titre des manquements au devoir de probité (article 432-11 du Code pénal) :

« est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou investie d'un mandat électif public,

de solliciter ou d'agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement,

des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui :

1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s'abstenir ou s'être abstenue d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ; [corruption]

2° Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable » [trafic d’influence].

On parle de corruption passive et de trafic d’influence passif pour la personne qui, exerçant des fonctions publiques, est corrompue.

On parle de corruption active et de trafic d’influence actif pour le particulier ou l’entreprise qui corrompt l’agent public.

1 Les éléments constitutifs de l’infraction

L’infraction est consommée par un élément préalable tenant à la qualité du prévenu (1.1) et à son comportement (1.2). La constitution du délit requiert enfin l’intention de l’auteur (1.3).

1.1 Les conditions tenant aux fonctions du corrompu

Le corrompu peut être une personne :

  • dépositaire de l'autorité publique (un Maire, un fonctionnaire de police municipale) ;
  • investie d'un mandat électif public (un adjoint, un député, un sénateur) ;
  • chargée d'une mission de service public (un fonctionnaire public, un Directeur général, un employé de bureau).

1.2 Les comportements incriminés et sanctionnés

La corruption et le trafic d’influence sont composés des éléments cumulatifs suivants :

  • Un pacte corruptif, soit l’engagement du corrompu en échange d’une récompense par le corrupteur (1.2.1)
  • Un élément intentionnel (1.2.2)

1.2.1 Un engagement en échange d’une récompense (pacte corruptif)

a) L’engagement du corrompu

(i ) S’agissant de la corruption, l’engagement du corrompu peut se matérialiser par la proposition (le corrompu a l’initiative du pacte) ou l’acceptation (le corrupteur est à l’initiative) d’accomplir ou ne pas accomplir un acte relevant de ses fonctions ou facilité par ses fonctions ; dans ces conditions, il convient de noter que :

  • la seule sollicitation faite au corrupteur suffit pour caractériser l’élément matériel ; idem s’agissant de l’acceptation donnée au corrupteur ;
  • le recours à une personne intermédiaire entre le corrupteur et le corrompu est indifférent ;
  • l’agent doit avoir le pouvoir (à lui seul ou non) d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir l’acte rattaché à l’exercice de ses fonctions ou facilité par l’exercice de ses fonctions.

L’engagement du corrompu peut donc procéder d’un acte de commission (accomplissement) ou d’omission (abstention).

(ii) S’agissant du trafic d’influence, le corrompu, qui n’a pas le pouvoir d'accomplir l'acte convoité par le corrupteur, se contente d'exercer ou de promettre son influence auprès de qui de droit.

  • Le délit sanctionne l’influence putative, ce qui caractérise « l’influence vraie ou supposée » ou sens du texte d’incrimination.
  • Cette influence est exercée en vue de faire obtenir un comportement positif, de la part d'une autorité ou d'une administration publique, à savoir (liste limitative) :
  • des distinctions,
  • des emplois,
  • des marchés,
  • toute autre décision favorable

Exemple : un agent public intervient auprès d'une autre personne ou d'un autre service public pour faciliter l'obtention d'une subvention, l’attribution d'un marché public, ou encore la délivrance d'un permis de construire.

Le délit n’est pas caractérisé si l'influence est exercée en vue d’obtenir, de la personne détenant le pouvoir, une simple abstention.

Exemple : le délit n’est pas consommé si l’agent public, sollicité par une entreprise évincée d’un marché, est intervenu auprès du Maire pour que celui-ci ne soit pas notifié à l’entreprise concurrente.

b) La récompense espérée ou versée en contrepartie

La récompense obtenue ou seulement espérée peut procéder :

  • D’une somme d'argent
  • D’objets de valeur
  • De la mise à disposition d’un appartement
  • De voyages d'agrément
  • D’une mise à disposition de véhicules
  • De l’acquittement d’une dette
  • De travaux ou de réparations
  • D’un prêt d’argent consenti dans des conditions inespérées

La récompense doit constituer une contrepartie. Il faut donc une corrélation entre l’engagement et la récompense, caractérisant ainsi un pacte de corruption ou de trafic d’influence.

Le délit n’est donc pas constitué si l’agent public n’a fait que céder aux pressions sans qu’il y ait eu un principe de contrepartie.

En outre, le pacte peut naître après l’exécution, par le corrompu, de l’acte de sa fonction ou après l’exercice de son influence.

Soulignons qu’il importe peu :

  • de déterminer qui a pris l’initiative du pacte (le corrupteur ou le corrompu) ;
  • d’établir que l’engagement du corrompu ait été exécuté ;
  • que l’influence exercée n’ait pas été suivie d’effets ;
  • que la contrepartie espérée ou attendue ait été versée ou réalisée ;
  • que le corrupteur ait personnellement profité ou était personnellement destinataire de la récompense.

1.2.2 L’élément intentionnel

Cet élément se définit comme la conscience d’agir en violation de son devoir de probité, soit plus précisément la volonté d’entrer dans le pacte de corruption.

L’établissement de cette preuve présente moins de difficulté, lorsque l'agent public corrompu a pris l’initiative du pacte de corruption (il a sollicité le corrupteur).

Elle l’est plus difficilement, lorsque l'agent public corrompu s'est contenté d'accepter la proposition qui lui a été faite.

2 La répression de la corruption passive

Les peines principales sont dix ans d'emprisonnement et 1 000 000 € d'amende.

Des peines complémentaires peuvent être prononcées, telle que l'interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, pendant au plus cinq ans

Notons que le refus d'inscription sur les listes électorales, pendant un délai de cinq ans (article L. 7 du Code électoral) a été abrogé par le Conseil Constitutionnel (Déc., n°2010-6/7 QPC, 11 juin 2010).

Au titre de l’action civile, le juge pénal reçoit les constitutions de partie civile des Collectivités territoriales, à raison de la corruption passive reprochée à leur agent, au titre d’un préjudice matériel et/ou moral (atteinte portée à la notoriété de la Collectivité).

Auteur(s) :

Cabinet Seban et associés

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