Code général de la Fonction Publique : processus, caractéristiques et contenu
Famille :
L'Actualité de la FPT Notions clés
Le CNFPT vous propose une présentation générale du nouveau Code Général de la Fonction Publique à travers l’analyse qu’en a fait pour lui M. Stéphane GUERARD.
Ce dernier est Maître de conférences en droit public, HDR (habilité à diriger des recherches de master et de doctorat), de l’Université Lille - Nord de France, fondateur et Project manager du réseau OLA (Observatory on Local Autonomy).
Ses publications portent principalement sur le droit local et le droit de la fonction publique (principalement locale) en France et en Europe, le droit administratif des biens, le droit public des activités économiques ainsi que sur le management public et la GRH publique.
1 – Le processus de codification
Après cinq habilitations législatives (2004, 2007, 2010, 2012 et 2016) sans résultat, l’alinéa 1er de l’article 55 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a autorisé le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance à l’adoption de la partie législative du Code général de la Fonction publique (CGFP), « afin de renforcer la clarté et l'intelligibilité du droit » ; ce délai d’habilitation a d’ailleurs été prolongé par l’article 14 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de la covid-19.
Le CGFP, en sa seule partie législative, a finalement été concrétisé par l’ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021. En effet, après présentation de l’ordonnance comportant le CGFP, par Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, en Conseil des ministres, le 24 novembre 2021, ledit Conseil l’a validée et le Président de la République l’a signée, le même jour.
2 – Les caractéristiques de la codification
Le CGFP comporte 5 caractéristiques : il ne comprend actuellement que des dispositions législatives (a) ; il a, en principe, codifié les lois, qui y sont intégrées, à droit constant (b), en simplifiant le droit de la FP ainsi codifié (c), en le rendant aussi plus lisible (d) et plus accessible (e).
a) Un code exclusivement législatif
Le CGFP ne comporte que des dispositions législatives ; ce qui explique que toutes les dispositions actuelles de ce code commencent par la lettre « L ». Y sont donc intégrées les quatre grandes lois statutaires : la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 (principes généraux du droit de la FP), celle n°84-16 du 11 janvier 1984 (statut de la FP d’Etat), celle n°84-53 du 26 janvier 1984 (statut de la FP territoriale) et celle n°86-33 du 9 janvier 1986 (statut de la FP hospitalière). Mais, de nombreuses autres dispositions législatives, jusque-là dispersées, y figurent aussi, comme, par exemple, la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui a réaffirmé fortement les valeurs fondamentales du service public et renforcé l’exemplarité des agents publics dans l’exercice de leurs missions, la loi précitée du 06 août 2019, la loi n°84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale, ou encore, l’ordonnance n°2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la FP de l’Etat.
Quant à la partie réglementaire du CGFP, elle est attendue pour 2023.
Le dernier alinéa de l’article 55 de la loi précitée du 6 août 2019 a d’ailleurs prévu le dépôt d’un projet de loi de ratification devant le Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance ; ce à quoi a procédé le Gouvernement de M. Castex en faisant enregistrer un projet de loi, visant une telle ratification, à l’Assemblée nationale, le 23 février 2022.
b) Une codification « à droit constant »
Comme l’a souligné l’article 55 de la loi précitée du 6 août 2019, la codification, opérée au sein du CGFP, l’est « théoriquement » à droit constant.
Mais ce même article précise que le processus de codification doit tenir compte de la hiérarchie des normes (donc renvoyer certaines dispositions législatives à la partie réglementaire, à la lumière de la distinction et du champ d’application des domaines législatif et réglementaire, affinés par la jurisprudence constitutionnelle rendue depuis la refonte du Statut de la FP du 04 février 1959), et incidemment du droit de l’Union européenne – comme l’a si bien démontré le rapport du Professeur Lemoynes de Forges (L’adaptation de la fonction publique française au droit communautaire, Dalloz, Collection « Etudes », 2003) – voire du droit international, régulièrement intégré en droit interne, et ce, afin d’harmoniser les textes législatifs existants, de les actualiser, de les expurger de scories formelles ou matérielles et/ou de les adapter.
c) Un code simplifiant voire harmonisant le droit des trois fonctions publiques
La première simplification opérée par le CGFP consiste à entrer dans son champ d’application organique tous les agents publics, les titulaires (CGFP, art. L. 1) comme les contractuels (CGFP, art. L. 2). Le Rapport de présentation de l’ordonnance n°2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du CGFP affirme d’ailleurs que ce code a vocation à fixer « un socle de règles communes », pour l’ensemble des agents publics, et ce, qui plus est, des trois fonctions publiques actuellement existantes. Cette première simplification de la FP, et du droit y afférent, vise à opérer une unification tant fonctionnelle que matérielle de la FP, qui est peut-être riche d’évolutions à venir, comme l’illustre, par exemple, le Titre III (Discipline) du Livre V (Carrière et parcours professionnel) du CGFP … Reste que certaines catégories d’agents de l’Administration, spécialement ceux relevant du droit du travail (les contrats aidés) ou de statuts spéciaux (les ouvriers d’Etat ou les « fonctionnaires » des « entreprises publiques privatisées », par exemple) ne sont pas concernés par ce mouvement d’unification-simplification.
L’autre simplification consiste à regrouper, dans un même code, les règles régissant les trois fonctions publiques (Etat, territoriale et hospitalière), puisque la France est le seul Etat au Monde à avoir trois fonctions publiques. Ce regroupement pourrait permettre une meilleure harmonisation des règles les régissant, en vue de faciliter les détachements et mobilités entre ces fonctions publiques. Reste que l’on peut s’interroger sur l’intérêt du maintien d’un droit particulier pour la fonction publique hospitalière, dont les membres exercent principalement dans des établissements publics administratifs locaux, qui plus est, à l’heure du développement de la territorialisation de la santé publique …
In fine, il existe aussi une dernière simplication-unification, qui concerne l’applicabilité du CGFP au-delà de la métropole vers certains territoires ultra-marins, sous réserve d’adapter les articles dudit code, si nécessaire ; ainsi l’article 10 de l’ordonnance du 24 novembre 2021 prévoit l’applicabilité de ce code à la Nouvelle-Calédonie, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna. L’article L. 8 du CGFP conforte cette extension ultra-marine du CGFP en prévoyant son application, au-delà des territoires précités, de plein droit, cette fois-ci, à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais, si les agents de l’Etat, exerçant en Polynésie française, relèvent du CGFP, les agents publics territoriaux polynésiens sont régis, quant à eux, par un statut spécial fixé par l’ordonnance n°2005-10 du 04 janvier 2005.
d) Un code renforçant la lisibilité du droit de la fonction publique
Si les dispositions législatives codifiées seront normalement abrogées à compter de l’entrée en vigueur du CGFP (ord. 24 nov. 2021, art. 3), soit le 1er mars 2022 (ord. 24 nov. 2021, art. 11) – sauf quelques dispositions, dont l’application est différée par les article 6 et 7 de l’ordonnance du 24 novembre 2021, spécialement d’ailleurs celles relatives aux comités sociaux, directement dépendantes des élections professionnelles de décembre 2022, en vue de leur entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023 –, il convient, toutefois, de ne pas oublier que pour les contentieux en cours ou nés du fait d’actes juridiques pris ou d’actes matériels commis, au plus tard, le 28 février 2022, ces anciennes dispositions législatives perdureront jusqu’à la résolution et/ou l’extinction des recours administratifs ou contentieux y afférents.
Par suite, les services RH ou contentieux des employeurs publics locaux doivent conserver, au cas où, pendant encore quelques années, la « documentation 2021 en droit de la FP » !
De plus, il faut faire attention à l’objectif de lisibilité qui trouve ses limites dans la réalité juridique. En effet, de nombreux codes comportent des dispositions législatives, concernant les agents publics, et auxquels le CGFP renvoie, même si certaines sont aussi intégrées dans le CGFP. Par suite, cet objectif louable est rattrapé par la complexité juridique, qui illustre, aujourd’hui, la juridicisation des relations professionnelles, publiques comme privées, pour des raisons parfois louables, au demeurant (prise en compte de la dimension environnementale et du code de l’environnement, ou encore, amélioration de santé au travail et importance alors du code de la santé publique, etc …). C’est particulièrement avéré, pour les agents publics locaux, dont le statut est aussi en partie et logiquement déterminé voire impacté par le Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cela aboutit d’ailleurs, de plus en plus, à « imbriquer » entre eux les codes, spécialement ceux relatifs à l’action publique.
e) Un code favorisant l’accessibilité des règles pour tous les acteurs
La simplification opérée par le CGFP (voir c supra) vise aussi à offrir un état actualisé des droits et des obligations des agents publics des trois fonctions publiques, pour favoriser l’accessibilité de ce Statut unifié et moderne tant pour les agents d’exécution comme d’encadrement que pour les employeurs publics et les administrés (plus que les seuls « citoyens »).
3 – Le contenu du Code général de la Fonction publique (CGFP)
Comme l’a rappelé le Rapport, relatif à l’ordonnance du 24 novembre 2021 portant partie législative du CGFP, ce code est organisé « selon une logique de ressources humaines, et non plus organisé par fonction publique ».
Par suite, il est structuré en huit livres thématiques, précédés par des dispositions liminaires (art. L. 1 à L. 9), fixant le champ d’application du CGFP sur les plans tant organique (art. L. 1 et L. 2 ; en excluant certaines catégories d’agents publics : art. L. 6) que géographique (art. L. 8) ainsi qu’un certain nombre de définitions (art. L. 3 à L. 5, L. 7).
Concernant la numérotation des articles du CGFP, il convient de rappeler, au risque de nous répéter, que toutes les dispositions, étant dotées d’une valeur législative, elles commencent par un « L », puis de trois (3) chiffres précédant un tiret, suivi d’un dernier nombre. Les 3 chiffres « avant le tiret » visent successivement le numéro du Livre, celui du Titre puis celui du Chapitre au sein du CGFP, alors que le nombre (et non le ou les chiffres), se trouvant « après le tiret », indique le numéro de l’article au sein du Chapitre, du Titre du Livre considéré, dont il est issu.
Ainsi, et par suite, l’article L. 124-25 identifie le 25e article du 4e Chapitre du 2e Titre du 1er Livre du CGFP.
Le Livre Ier définit les éléments composant le cadre d’exercice des agents : droits et libertés, protections, obligations et déontologie.
Malgré l’objet du Livre Ier, et incidemment le fait qu’il comporte les dispositions législatives relatives au droit de grève, les dispositions relatives à l’exercice du droit syndical et au dialogue social sont, quant à elles, insérées dans le Livre II. Ces thèmes impliquent l’intégration dans ce même Livre des outils de mise en œuvre de ce dialogue, à travers le Rapport social unique ou les organismes consultatifs (spécialement les comités sociaux ou les commissions administratives paritaires), par exemple.
Le Livre III porte quant à lui sur le recrutement des agents publics. Ce Livre concerne donc les conditions de recrutement des titulaires (et par là même, les concours et ses adaptations, tel que l’accès réservé aux militaires ou le dispositif « PACTE »), comme celles des contractuels, mais aussi les cas particuliers des emplois à la décision du gouvernement, des emplois de direction, ou encore, les modalités d’emploi des personnes en situation de handicap.
Le Livre IV, intitulé « Principes d’organisation et de gestion des ressources humaines », détaille les notions de corps, de cadres d’emplois, de Lignes directrices de gestion et de formation professionnelle (voir l’étude menée sur ce sujet par l’INET et le CNFPT, à partir de la comparaison de 33 Etats européens : La formation des agents publics et des élus locaux en Europe ). Le télétravail, les réorganisations de service et les organismes assurant des missions de gestion (spécialement le Centre national, ou les centres de gestion, de la fonction publique territoriale) y font chacun l’objet d’un titre.
Dans le Livre V, relatif aux carrières et parcours professionnels, développent toutes les positions (activité, congé parental, détachement ou disponibilité) et les formes de mobilité (mise à disposition ou mutations, par exemple) des agents publics, les conditions d’appréciation de la valeur professionnelle des agents ainsi que leurs possibilités d’avancement et de promotion. Ce Livre comporte aussi un titre très important, celui portant sur la discipline, parce qu’il unifie les dispositions relatives aux sanctions disciplinaires dans les trois fonctions publiques, alors qu’un autre porte sur la suppression d’emploi ainsi que sur la perte d’emploi de même qu’un dernier porte sur presque toutes les autres formes de cessation définitive de fonctions ou d’emploi.
Le Livre VI englobe toutes les dispositions relatives au temps de travail et à tous les congés (autres que le congé parental).
Les règles concernant la rémunération et l’action sociale (objectifs, prestations et gestion) font l’objet du Livre VII ; ce livre inclut les avantages divers, dont les logements de fonction, et la prise en charge des frais de déplacement.
Le dernier et VIIIe Livre réunit les éléments relatifs à l’hygiène et à la sécurité ainsi que les dispositions relatives à la prévention sanitaire voire sécuritaire. A cet égard, un titre important est consacré aux dispositifs de protections liées à la maladie, aux accidents et maladies professionnels, au temps partiel pour raison thérapeutique, à l’invalidité ou au décès ; ces derniers dispositifs sont d’ailleurs similaires dans les trois fonctions publiques.
Il est important de souligner qu’à la fin de chacun des 8 Livres thématiques, un titre spécifique rassemble des dispositions particulières concernant les adaptations nécessaires des dispositions générales de chaque Livre aux territoires ultra-marins, entrant dans le champ d’application géographique du CGFP (voir supra : art. L. 8 du CGFP ainsi que l’article 10 de l’ordonnance du 24 novembre 2021). Ces dispositions spécifiques aux territoires ultra-marins feront également l’objet d’une notice.
Auteur(s) :
GUERARD Stéphane
Thématique(s) :
Mot(s) Clé(s) :
Fonctionnaire Statut
Transitions professionnelles : échanges de pratiques dans la fonction publique territoriale (Webinaire 2, avril 2024)Transitions professionnelles : accompagner dans une logique d’anticipation (Webinaire 1, novembre 2023)Transition professionnelle : décryptons le décret du 22 juillet 2022 (Webinaire, oct 2022)Transition professionnelle : de nouvelles opportunités dans un cadre juridique repenséTémoignages : réussir sa transition professionnelle (Vidéo)