[Finances-Les essentiels] Le contrôle des actes budgétaires locaux

Modifié le 16 mai 2023

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Dernière mise à jour : janvier 2021

Si, selon les articles 72 et 72-2 de la constitution du 4 octobre 1958, les collectivités locales s’administrent librement « par des conseils élus bénéficiant de ressources dont ils peuvent disposer librement », le pouvoir constituant de la 5ème République a également pris le soin de rappeler que cette liberté s’exerçait « dans les conditions fixées par la loi ».

A cet effet, le dernier alinéa de l’article 72 précise ainsi que « Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l’Etat (le Préfet), représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge (…) du contrôle administratif et du respect des lois. »

L’architecture décentralisée de l’Etat français s’organise donc autour de collectivités locales disposant d’une grande autonomie budgétaire et financière, encadrée toutefois par le contrôle exercé par le Préfet.

C’est ici à une double surveillance à laquelle les ordonnateurs et leur assemblée délibérante devront se soumettre au travers du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire, lesquels pourront nécessiter l’intervention du juge administratif (contrôle de légalité) ou du juge financier (contrôle budgétaire).

Schéma des contrôles exercés sur les actes budgétaires des collectivités locales

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1. Le contrôle préfectoral du budget

            Dans le cadre du contrôle de légalité, les services de la préfecture (ou de la sous-préfecture) vont effectuer deux types de contrôle différents. Il s’agit du contrôle interne qui portera sur la forme des actes budgétaires et financiers qui leur sont transmis et du contrôle externe qui portera, cette fois-ci, non pas sur la forme mais sur le fond de ces mêmes actes.

1.1. La légalité interne des actes budgétaires

Le contrôle de la légalité interne s’exercera dans les mêmes conditions que les contrôles opérés sur les autres délibérations à caractère non budgétaire de la collectivité. Ainsi, appliqué à des actes à caractère budgétaire et financier, ce contrôle va principalement porter sur quatre points différents :

le délai de convocation de l’assemblée délibérante en vue notamment d’adopter le budget et les autres actes à caractère financier comme le compte de gestion, le compte administratif ou les décisions budgétaires modificatives. Ce délai de convocation, que doit respecter l’ordonnateur, doit être d’au moins cinq jours francs pour les collectivités de plus de 3 500 habitants et de trois jours francs pour les collectivités de moins de 3 500 habitants ;

le respect du quorum, tel que fixé par le code général des collectivités territoriales (CGCT), prévoit pour les communes que le conseil municipal ne délibère valablement que lorsque la majorité de ses membres en exercice est présente. La majorité est ainsi atteinte si le nombre de conseillers municipaux en exercice présents à la séance est supérieur à la majorité du nombre des membres de l’assemblée délibérante. Ce nombre doit excéder le nombre des conseillers en exercice divisé par 2, le nombre étant, le cas échéant, arrondi à l’entier supérieur (ainsi, par exemple, si le conseil municipal est constitué de 11 conseillers en exercice, le quorum sera atteint dès que 6 membres auront répondu présents à la convocation du conseil municipal). Toutefois, il est prévu que si, après une première convocation, le conseil municipal ne s’est pas réuni en nombre suffisant, la réunion du conseil municipal après la seconde convocation à trois jours d’intervalle sera valable, et ce, quel que soit le nombre de conseillers municipaux présents.

la règle de majorité est également précisée par le CGCT. Ainsi, pour l’ensemble des collectivités, les délibérations comme celles, par exemple, adoptant le budget primitif ou le budget supplémentaire sont prises à la majorité des suffrages exprimés. La notion de « suffrage exprimé » exclut de comptabiliser les personnes qui se sont abstenues ou qui n'ont pas pris part au vote. Les conseillers qui refusent de prendre une position nette sur un projet de délibération qui leur est soumis par le Maire, quel qu'en soit le motif, peuvent effectivement s'abstenir de voter, mais cette abstention est sans conséquence sur la règle de majorité.

la présentation régulière des actes budgétaires conformément aux maquettes budgétaires imposées la loi et le règlement. Les instructions budgétaires et comptables (comme la M14 ou la M49 par exemple) fixent un mode de présentation normalisé des documents budgétaires qui doit être respecté. De plus, les différentes annexes des budgets et comptes administratifs doivent également être conformes et remplies en totalité. L’absence de ces annexes (dans lesquelles on va, par exemple, trouver l’ensemble des emprunts souscrits par la collectivité ou encore le nombre d’agents salariés par celle-ci) rendra la présentation du budget incomplète et entraînera la censure du juge administratif pour vice de forme (dans la mesure où il y aura eu un défaut d’information de l’assemblée délibérante).

1.2. La légalité externe des actes budgétaires

Le contrôle de la légalité externe des actes budgétaires amènera les services de la préfecture à porter une attention particulière sur un aspect prioritaire : l’absence de dépenses interdites.

Les dépenses interdites sont des dépenses que la collectivité n’a pas le droit d’inscrire à son budget. En effet, selon le CGCT, à côté des dépenses obligatoires (comme la paye des agents de la collectivité, par exemple) et des dépenses facultatives (l’indemnité de conseils au comptable public), on trouve également une troisième catégorie de dépenses dites interdites.

Dans ce cadre, les dépenses des collectivités locales doivent, en toutes circonstances, répondre à la satisfaction de l’intérêt public local. A contrario, les dépenses effectuées dans un but purement privé seront donc interdites (comme la prise en charge des dépenses d’une entreprise locale ou d’un particulier dans le cadre d’une opération immobilière).

De la même façon, les dépenses d’une collectivité doivent respecter le principe de neutralité de l’action publique. A ce titre, il sera interdit pour une collectivité de verser une subvention à un parti politique ou encore de subventionner des salariés en grève. De même, le principe de laïcité s’opposera à ce qu’une subvention soit versée à un culte.

Qu’il s’agisse d’un contrôle portant sur la légalité interne ou sur la légalité externe des actes budgétaires, l’éventuelle censure de ces actes nécessitera l’intervention du juge administratif. En effet, depuis les lois de décentralisation de 1982, le Préfet ne dispose plus de la possibilité d’annuler de sa propre initiative une délibération qui lui paraitrait illégale.

Le préfet ne dispose donc plus que de la possibilité d’introduire, dans les 2 mois suivant la transmission des actes budgétaires à ses services, un déféré préfectoral devant le tribunal administratif au cas où il aurait détecté une illégalité. Mais, à la fin, seul le juge administratif pourra se prononcer sur cette éventuelle illégalité et si elle est établie prononcer l’annulation de l’acte budgétaire irrégulier.

2. Le contrôle du budget par la Chambre régionale des comptes

En dehors du contrôle de légalité, les actes budgétaires des collectivités locales peuvent également être soumis au contrôle budgétaire. Ce contrôle, même s’il est exercé par le juge financier, est encore une fois initié par les services de la préfecture qui dans ce cas ne saisiront pas le juge administratif mais la Chambre régionale des comptes (CRC).

Dans le cas du contrôle budgétaire, les juges financiers ne peuvent donc pas s’autosaisir d’éventuelles irrégularités financières commises par les collectivités.

Les motifs de saisine de la CRC par le Préfet sont au nombre de cinq : absence de vote du budget, déséquilibre du budget, rejet du compte administratif, déficit excessif de celui-ci ou encore non-inscription d’une dépense obligatoire.

2.1. L’absence de vote du budget

Si le budget primitif de la collectivité n’est pas voté le 15 avril, le Préfet saisira automatiquement la CRC. On remarquera que l’échéance du 15 avril est reportée au 30 avril les années de renouvellement des organes délibérants et même au-delà du 30 avril lorsque les données que l’Etat doit transmettre aux collectivités territoriales ne l’ont pas été de manière effective (absence de notification de la DGF par exemple).

Cette saisine entraîne dessaisissement de l’assemblée délibérante qui perd ainsi tout pouvoir quant à son budget. La CRC dispose alors d’un mois pour formuler au Préfet des propositions en vue du règlement administratif du budget de la collectivité.

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2.2. Le déséquilibre du budget

Il peut s’agir en fait de trois situations distinctes. Soit l’une des sections ou les deux sections (fonctionnement et investissement) sont en déséquilibre, c’est-à-dire qu’il y a plus de dépenses inscrites que de recettes. Soit les recettes et les dépenses sont évaluées de façon insincère (omission d’inscrire une dépense obligatoire comme par exemple le remboursement de l’emprunt) sachant que l’appréciation de la sincérité des évaluations doit néanmoins tenir compte d’une nécessaire marge d’approximation. Soit enfinl’annuité de la dette en capital est couverte par un autre emprunt, c’est ce que l’on appelle le non-respect du « petit équilibre ».

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Enfin, l’équilibre doit être constaté budget par budget. La CRC va donc contrôler le budget primitif puis elle contrôlera tous les budgets annexes de la collectivité. On ne peut donc pas agréger l’ensemble des budgets afin d’obtenir une éventuelle compensation entre déficit et excédent de ceux-ci.

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2.3. Le rejet du compte administratif

Le CGCT dispose que le vote de l’assemblée délibérante arrêtant le compte administratif (CA) doit intervenir avant le 30 juin de l’année suivant celle du budget primitif ; sa transmission au Préfet devant ensuite intervenir au plus tard 15 jours après la date limite d’adoption (soit le 15 juillet). Si les dates de vote et de transmission du CA ne sont pas respectées ou en cas de rejet du CA, le Préfet saisira la CRC sans délai.

Lorsque le CA fait l’objet d’un rejet par l’assemblée délibérante, le projet de CA joint à la délibération de rejet - s’il est conforme au compte de gestion établi par le comptable public - sera repris et imposé par la CRC qui dispose d’un mois pour rendre son avis suite à la saisine du Préfet.

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2.4. Le déficit excessif du compte administratif

Lorsque le CA fait apparaître un déficit égal ou supérieur à 10 % des recettes réelles de la section de fonctionnement pour les collectivités de - de 20.000 habitants et de 5 % pour les collectivités de + de 20 000 habitants, le Préfet saisit la CRC.

Celle-ci propose, dans un délai d’un mois à la collectivité, les mesures nécessaires à la résorption du déficit qui doit intervenir dans le budget primitif suivant. Le budget primitif de l’exercice suivant est donc obligatoirement transmis à la CRC. Si le déficit est trop important et qu’il ne peut pas être résorbé en un an, la CRC pourra proposer un plan de redressement pluriannuel.

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2.5. La non-inscription d’une dépense obligatoire

Sont obligatoires pour les collectivités locales, les dépenses nécessaires à l’acquittement de dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l’a expressément décidé.

Dans ce cadre, si le Préfet constate que les crédits nécessaires au paiement d’une dépense obligatoire inscrite au budget sont disponibles, il peut engager directement la procédure de mandatement d’office. Il constate alors lui-même le caractère obligatoire de la dépense (par arrêté préfectoral), et va mandater d’office la dépense en saisissant directement le comptable public.

Par contre, si les crédits nécessaires ne figurent pas au budget de la collectivité locale concernée, le Préfet va saisir la CRC au titre de la procédure d’inscription d’office des dépenses obligatoires dans un délai de 15 jours à partir de la date où il a connaissance de cette insuffisance de crédits.

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Tous les ans, les CRC interviennent, dans le cadre du contrôle budgétaire, auprès de 600 à 800 collectivités. La saisine interviendra pour budget non voté dans 22 % des cas, pour déséquilibre du budget dans 18 % des cas, pour compte administratif non adopté dans 11 % des cas, pour déficit excessif du compte administratif dans 19 % des cas et pour non inscription de dépenses obligatoires dans 30 % des cas.

Répartition des contrôles budgétaires par catégories de saisine (en moyenne)

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Auteur(s) :

GOSSIN Antoine

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