[Finances-Expert] L'autonomie financière des collectivités locales

Modifié le 06 décembre 2023

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Les concours de la FPT

Dernière mise à jour : juillet 2022

Selon l’article 72-2 de la constitution du 4 octobre 1958, tel que rédigé suite à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, « (…) Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources ».

Cette notion de « part déterminante des ressources » permet de consacrer un principe important en termes de gouvernance des collectivités locales : il s’agit du principe d’autonomie financière.

image-20231129135016-1.png Ce principe d’autonomie financière est donc une règle qui a été inscrite récemment dans les textes constitutifs de la 5ème République. Cette initiative résultant d’une forte pression des élus locaux et des sénateurs qui s’étaient émus de la suppression progressive d’impôts locaux et de leur remplacement par des dotations étatiques dont le montant est annuellement préfixé par le pouvoir central.

 Depuis la loi organique du 29 juillet 2004, il est même prévu par une disposition du CGCT (article LO1114-4), que le gouvernement transmet au Parlement, chaque année et au plus tard le 1er juin, un rapport faisant apparaître, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources ainsi que ses modalités de calcul et son évolution. Ce principe est donc placé sous la surveillance du pouvoir législatif qui va contrôler le pouvoir exécutif.

1. Les ressources propres des collectivités locales

La révision constitutionnelle de 2003 a eu pour objet de garantir aux collectivités territoriales un certain niveau de ressources propres face à la volonté « recentralisatrice » exprimée par l’Etat.

Ainsi, le principe fut posé que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités devaient représenter, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources.

La définition de la notion de ressources propres a été donnée par la loi organique du 29 juillet 2004. Selon cette loi, constituent des ressources propres :

  •  les impositions dont la loi autorise les collectivités locales à fixer l’assiette, le taux ou le tarif ;
  •  les redevances pour service rendu ;
  •  les produits du domaine, participations d’urbanisme, produits financiers, dons et legs.

A contrario, ne sont pas considérés comme des ressources propres : les emprunts, les subventions et les dotations de l’Etat.

a - La notion de « part déterminante »

Pour chaque catégorie de collectivités, la part de ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l’année budgétaire 2003, année qui sert donc de référence. La garantie de ressources propres est, par ailleurs, appréciée non pas, collectivité par collectivité, mais par catégories de collectivité.

En principe, cette notion de part déterminante avait pour objet de prémunir les collectivités locales contre de nouvelles suppressions d‘impôts locaux. Cependant, l’inscription de ce principe dans la Constitution n’a pas empêché la suppression, en 2010, de la taxe professionnelle ou encore à partir de 2018, de la taxe d’habitation.

Pour chaque catégorie de collectivités, la part de ressources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l’année budgétaire 2003, année qui sert donc de référence. La garantie de ressources propres est, par ailleurs, appréciée non pas, collectivité par collectivité, mais par catégories de collectivité.

En principe, cette notion de part déterminante avait pour objet de prémunir les collectivités locales contre de nouvelles suppressions d‘impôts locaux. Cependant, l’inscription de ce principe dans la Constitution n’a pas empêché la suppression, en 2010, de la taxe professionnelle ou encore à partir de 2018, de la taxe d’habitation.

__fileCreatedFromDataURI__.pngLa taxe d’habitation sur les résidences principales a été supprimée en deux temps. A partir de 2018, ce sont 80 % des foyers fiscaux les moins aisés qui ont été exonérés de cette taxe. Puis à partir de 2021, ce sont les 20 % des foyers restants qui se sont trouvés exemptés d’un tiers de cet impôt local, d’un autre tiers en 2022, et de la totalité à partir de l’année 2023). Pour les collectivités, la perte de cette recette fiscale fut compensée à l’euro près soit, pour les communes, par le transfert de la taxe foncière sur le bâti des départements, soit, pour les départements par le transfert d’une fraction de  la TVA d’Etat.

 Toutefois, pour les élus locaux, l’idée était de faire en sorte qu’une part déterminante des recettes de leur collectivité dépende de leurs propres décisions et non pas d’arbitrages rendus par l’Etat.

 b - Les différentes catégories de ressources propres selon les collectivités concernées

Il s’agit ici des impositions pour lesquelles les collectivités territoriales disposent d’une certaine marge de manœuvre à travers leur pouvoir de taux ou leur pouvoir de base.

  •  Pour le bloc communal, il s’agit globalement d’une partie de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d’habitation, de la taxe sur les surfaces commerciales, de la cotisation foncière des entreprises, d’un quart de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), d’une part de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), d’une part des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
  •  Pour les départements, il s’agit de la moitié de la CVAE, d’une part des DMTO, d’une part des IFER, d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de la totalité de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances.
  • Pour les régions enfin, il s’agit d’une part des IFER, d’une part de la TICPE et de la taxe sur les permis de conduire (on notera concernant les collectivités régionales, qu’elles perdront à partir de 2021, la fraction de la CVAE qu’elles percevaient jusqu’ici, laquelle sera compensée par une part de la TVA Etat.)

c – L’autonomie financière et l’autonomie fiscale

Si le principe de l’équilibre financier n’a été constitutionnalisé qu’en 2003, pour autant, bien avant cette date, le Conseil constitutionnel avait déjà lié, au sein de sa jurisprudence, le principe d’autonomie financière à celui mentionné à l’article 72 de la Constitution évoquant le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Dans ce cadre, le Conseil constitutionnel s’assurait, dès avant 2003 donc, que les lois adoptées par le législateur n’avaient pour effet ni de restreindre de manière substantielle les recettes des collectivités ni de diminuer leurs ressources globales au point d’entraver leur libre administration.

image-20231129140209-2.pngSi grâce à la vigilance du Conseil constitutionnel, l‘autonomie financière des collectivités territoriales a été globalement préservée, tel ne fut pas le cas de l’autonomie fiscale des collectivités locales. A ce propos, le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs lui-même rappelé que ni l’article 72-2 de la Constitution ni aucune autre disposition constitutionnelle ne prévoyait que les collectivités territoriales bénéficiaient de ce principe d’autonomie fiscale.

Ainsi, les griefs tirés de ce que les régions ont perdu le pouvoir de fixer le taux de leurs principales ressources fiscales ont été jugés inopérants par le juge constitutionnel.

2. Le principe de compensation des transferts de compétences et de création de charges nouvelles

La problématique de l’autonomie financière des collectivités territoriales est également venue poser la question de la compensation des transferts de compétences opérés de l’Etat vers les collectivités territoriales ainsi que celle de la création de charges nouvelles imposées aux collectivités.

L’inscription du principe de « compensation budgétaire » dans la Constitution n’a pas permis de mettre en place une protection renforcée des collectivités locales, et ce, même si la loi du 13 août 2004 a, notamment, permis de créer une commission d’évaluation des charges dédiée à ce problème.

Pour preuve, au niveau des collectivités départementales, et de leurs dépenses sociales, trois prestations (l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active) ont été créées entre 2002 et 2009, en dehors de toute loi de transfert de compétences. L’augmentation des bénéficiaires de ces minima sociaux conjuguée au resserrement des ressources des départements dans le contexte de la crise de 2012 ont fait que certains départements se sont trouvés dans une situation financière particulièrement délicate à partir de 2014.

Face à cela des fonds spécifiques ont dû être créés, et en 2014, les départements ont même été autorisés à augmenter temporairement le taux de leurs DMTO. Un fonds de compensation péréqué a, en enfin été mis en place afin de venir en aide aux départements les plus en difficulté.

L’article 132 de la loi 3DS du 21 février 2022 relative à la différenciation, décentralisation et déconcentration tire les conséquences de l’article 12 de la loi de finances pour 2022 qui a prévu l’expérimentation, pendant cinq ans, de la recentralisation de la gestion et du financement du RSA et du revenu de solidarité en outre-mer pour les départements volontaires. L’exposé des motifs de cet article 132 explique qu’il s’agit de « mettre un terme aux difficultés chroniques de certains départements à assumer cette charge afin qu’ils puissent développer des politiques d’insertion adaptées et ambitieuses ». L’expérimentation de la recentralisation du RSA, qui s’inscrit dans le cadre prévu par l’article 37-1 de la Constitution, fera l’objet d’une convention entre le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental.

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Ce scénario de charges indues transférées aux collectivités s’est également produit dans le cadre du bloc communal notamment avec la création des temps d’activités périscolaires (TAP). Instaurés en 2013, puis imposés par l’Etat aux collectivités du bloc communal, les TAP n’ont jamais été considérés comme de réelles charges nouvelles imposées et, à ce titre, compensées à l’euros près (en effet, la compensation octroyée par l’Etat fut largement en deçà du coût réel exposé par les collectivités).

3. Le principe de péréquation des ressources entre collectivités locales

Les différences de richesse entre collectivités locales ont toujours existé. Elles sont notamment liées au niveau de vie des habitants résidant sur ces différents territoires, de la présence ou non d’un tissu économique développé ou même parfois tout simplement de l’attractivité touristique de ces mêmes territoires. Ainsi, en 2015, l’écart type entre la commune la plus riche et celle la plus pauvre de France était de 1 à plusieurs milliers. S’agissant des départements, cet écart-type allait de 1 à 4 ou encore de 1 à 3 pour les régions.

Face à ces distorsions de richesse qui menacent le bon développement du territoire national et risque de créer des ruptures d’égalité entre usagers, le législateur décida de mettre en place des mécanismes de correction visant à mieux répartir la richesse nationale entre toutes les collectivités de l’hexagone.

image-20231129140849-5.pngAinsi, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la péréquation territoriale est devenue un objectif constitutionnel. L’article 72-2 de la constitution dispose, en effet, que « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales de la République

Ainsi, furent mis en place des mécanismes de péréquation verticale et horizontale. La péréquation verticale consiste pour l’État à répartir équitablement les dotations versées aux collectivités territoriales, tandis que la péréquation horizontale va permettre de créer une solidarité active entre les collectivités elles-mêmes.

a – La péréquation verticale

On observe, ces dernières années, une hausse constante des masses financières, issues des dotations de l’État, consacrées à cette péréquation verticale. La part de la dotation globale de fonctionnement (DGF) consacrée à la péréquation (tous niveaux de collectivités confondus) est ainsi passée de 4,5 milliards d’euros en 2004 (soit 12 % de la DGF) à 8 milliards d’euros en 2021 (soit 20 % de la DGF). Les 80 % restants représentant la part forfaitaire de la DGF.

Aujourd’hui, cette péréquation verticale s’opère par l’intermédiaire de neuf dotations différentes en fonction de la collectivité concernée.

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b – La péréquation horizontale

Face à l’insuffisance des effets produits par la péréquation verticale et face à l’accroissement des inégalités entre collectivités, l’Etat a décidé, à partir de 2012, de mettre en place, à côté de la péréquation verticale, une péréquation horizontale. Le principe ici retenu était alors de rendre solidaires directement entre elles, les collectivités locales de tous les échelons (bloc communal, départements et régions)

Ainsi, le législateur autorisa l’Etat à prélever des ressources financières sur les collectivités disposant des revenus les plus dynamiques pour ensuite les reverser aux collectivités moins favorisées. De nouveaux fonds furent ainsi instaurés comme notamment le fonds national de péréquation des ressources communales et intercommunales (FPIC). Au total, six nouveaux fonds ou dotations firent leur apparition.

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Ainsi dans le cadre du FPIC, communes et EPCI à fiscalité propre subissent tous un prélèvement (national) puis une redistribution (nationale), amenant certaines communes et EPCI à recevoir plus qu’ils n’ont été prélevés.

Ces nouveaux fonds, même s’ils sont aujourd’hui moins dotés que les dotations de l’Etat à visée péréquatrice, permettent toutefois de donner un nouvel élan à la réduction des inégalités territoriales.

image-20231129141409-6.pngA côté de ces mécanismes de péréquation horizontale obligatoire, les collectivités du bloc communal ont également la possibilité de recourir à des dispositifs de péréquation facultatifs comme la dotation de solidarité communautaire (DSC) ou encore la mise en place des fonds de concours.

La dotation de solidarité communautaire

C’est une charge facultative pour les EPCI à fiscalité propre (sauf pour les communautés et métropoles ayant signé un contrat de ville pour lesquelles le dispositif est obligatoire). Il s’agit d’un reversement aux communes dont le montant et les critères (en principe selon l’importance de la population et le potentiel fiscal/habitant) sont fixés par l’assemblée délibérante de l’EPCI dans une perspective de péréquation entre les communes membres de l’EPCI. En général, la DSC est instituée dans les EPCI où le produit de la CET est assez dynamique pour créer un « effet richesse » significatif.

Les fonds de concours versés par l’EPCI aux communes membres

Ces fonds ne peuvent être institués que dans les EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, ils ne peuvent financer que la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement communal et à la condition que le montant total des fonds de concours versés n’excède pas la part du financement assurée par le bénéficiaire dudit fonds (règle des 50 %).

Enfin, le conseil communautaire de l’EPCI et le conseil municipal de la commune bénéficiaire doivent prendre une délibération concordante fixant les montants des concours engagés.

Auteur(s) :

GOSSIN Antoine

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